Le président sortant du Liberia, l’ex-gloire du foot George Weah, s’est attiré les éloges de l’étranger en reconnaissant sa défaite à la présidentielle et en favorisant un transfert de pouvoir non-violent dans une région où se sont succédé les coups de force.
Le vétéran de la politique Joseph Boakai, 78 ans, ancien vice-président d’Ellen Johnson Sirleaf, première femme élue cheffe d’Etat en Afrique, a été déclaré lundi vainqueur de la présidentielle par la commission électorale après dépouillement de tous les bulletins du vote du 14 novembre
M. Boakai l’emporte avec 50,64% des voix, contre 49,36% pour M. Weah, a dit devant la presse Davidetta Browne Lansanah, présidente de la commission (NEC). M. Boakai ne devance M. Weah que de 20.567 voix sur un peu plus de 1,6 million de votants.
M. Weah avait reconnu dès vendredi soir avoir perdu au vu de résultats presque finaux.
M. Boakai est resté jusqu’alors étrangement silencieux, alors que ses supporteurs célèbrent à travers le pays depuis vendredi en dansant dans la rue et en agitant des drapeaux à son effigie. La campagne de M. Boakai s’est signalée par sa discrétion dans la capitale Monrovia.
« Les Libériens ont démontré une fois de plus que la démocratie est vivante dans l’espace Cedeao et que le changement par des voies pacifiques est possible », a réagi la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest dans un communiqué.
La Cedeao a vécu depuis 2020 au rythme des changements abrupts de régime. Des militaires ont pris le pouvoir par la force dans quatre des quinze pays membres, Mali, Guinée, Burkina Faso et Niger.
Les présidentielles de 2020 en Côte d’Ivoire et en Guinée ont été entachées de violence et de contestation. Le Togo est dirigé par les Gnassingbé père et fils depuis presque 60 ans.
L’un des enjeux de la présidentielle au Liberia en était le déroulement pacifique et régulier, et l’acceptation des résultats. Des violences pendant la campagne et entre les deux tours ont fait craindre des lendemains heurtés.
L’histoire du Liberia, sorti en 2003 de 14 années de guerre civile quasi ininterrompue, a joué dans cette inquiétude.
George Weah, en quête d’un second mandat, l’a dissipée en grande partie vendredi en s’inclinant devant M. Boakai.
– « Exemplaire » –
« Ce soir, le CDC (la Coalition pour le changement démocratique, son parti) a perdu l’élection mais le Liberia a gagné. C’est le temps de l’élégance dans la défaite », a dit d’une voix ferme à la radio celui qui se distinguait déjà par sa classe sur les terrains de foot.
Il a exalté les « principes démocratiques », à l’heure où ils sont remis en question dans la région. Il a pressé ses supporteurs de « suivre son exemple et d’accepter les résultats ».
« Notre heure reviendra », a dit M. Weah, 57 ans, alors que ses intentions après la fin officielle de sa présidence en janvier 2024 ne sont pas connues.
Les partenaires étrangers ont salué le déroulement de l’élection, « pacifique » pour la Communauté ouest-africaine comme l’ONU et les Etats-Unis, important allié du Liberia. Ils ont complimenté le vainqueur.
Une mention spéciale a été décernée à M. Weah. « Le président Weah a fait montre de qualités d’homme d’Etat exemplaires », a dit sur X (ex-Twitter) Goodluck Jonathan, ancien président du Nigeria, à la tête d’une mission de médiation pendant les élections.
« Nous appelons tous les citoyens (libériens) à suivre l’exemple du président Weah et à accepter les résultats », a dit le département d’Etat américain.
Bola Ahmed Tinubu, le président du Nigeria, poids lourd de la Cédéao, s’est répandu en louanges sur le « leadership hors du commun » et la « sportivité démocratique » de M. Weah, « à un moment particulier de l’histoire de l’Afrique de l’Ouest où la démocratie subit les assauts d’acteurs malfaisants déterminés à subvertir la volonté du peuple ».
M. Weah a « contrecarré l’idée reçue selon laquelle les transitions démocratiques étaient intenables en Afrique de l’Ouest », a dit M. Tinubu, élu en 2023 malgré les accusations de fraude de la part de ses adversaires.
Plusieurs présidentielles sont prévues en 2024 en Afrique de l’Ouest, au Sénégal, au Ghana (membres de la Cédéao), en Mauritanie, théoriquement au Mali et au Burkina Faso, dirigés par des militaires.