« Les pays européens se détournent de la mission de l’ONU au Mali, mais il est important que l’Europe reste impliquée dans le pays ». C’est ce que dit le lieutenant-général Kees Matthijssen, qui dirigeait jusqu’à récemment la composante militaire de la mission de l’ONU au Mali. Selon lui, « il est bon de se rendre compte que la situation humanitaire se détériore rapidement ».
« Au Mali, nous avons affaire à plus de 450 000 personnes déplacées, dans toute la région du Sahel, plus de 3 millions. Ce nombre augmente rapidement. Si nous continuons à ce rythme à la fin de l’année, nous aurons 650 000 au Mali » a-t-il déclaré.
De cette façon, une grande partie de la jeune génération grandit avec peu ou pas de perspective, estime le lieutenant-général Kees Matthijssen. « Ils chercheront d’autres moyens d’avoir encore une perspective dans la vie. Il est tout à fait possible que nous soyons touchés par cela en Europe par le biais de la migration. » De plus, ce groupe de jeunes vulnérables sont de plus en plus sensibles aux groupes djihadistes qui pourraient leur fournir des moyens de subsistance s’ils se battent avec eux, explique Matthijssen.
De plus en plus, la Minusma est à la croisée des chemins après près de 10 ans de présence au Mali. Un pays dont une grande partie est ravagée par des groupes terroristes créant d’énormes problèmes humanitaires. Ces dernières années, le pays a également été bouleversé politiquement avec deux coups d’État.
À travers la Minusma déployée depuis juillet 2013, les Nations unies tentent de ramener la stabilité dans le pays et de surveiller les droits de l’homme. Mais cette mission est en danger. D’importants pays partenaires comme la Suède, le Royaume-Uni, la Côte d’Ivoire et l’Allemagne se sont retirés ou partent plus tôt que prévu. L’Egypte, également un partenaire important, est toujours dans le doute.
Deux autres missions ont également pris fin au début de l’année dernière : la mission française Barkhane et la mission européenne Takuba. Pour le lieutenant-général Kees Matthijssen, « les Russes font tout ce qu’ils peuvent pour réduire ou contrecarrer l’influence occidentale. Et ça marche ». Il estime aussi que les autorités maliennes rendent le travail de la mission de plus en plus difficile, par exemple en interdisant aux troupes de l’ONU de voler sans autorisation.
La Minusma n’est pas « viable sans personnel militaire supplémentaire »
À ses yeux, les autorités pensent que le mandat de la mission n’est pas assez fort et veulent que l’armée soit plus active dans la traque et l’élimination des groupes terroristes. « Les autorités de Transition veulent être respectées dans leur souveraineté, les choix qu’ils font et les intérêts vitaux du pays », explique Matthijssen. « Dans ces conditions, toute aide est la bienvenue, mais si vous ne souhaitez pas vous y conformer, vous n’êtes pas le bienvenu » a-t-il indiqué.
Un autre problème pour de nombreux partenaires de la mission onusienne est la relation de plus en plus étroite entre le régime malien et la Russie. Des pays occidentaux continuent d’accuser les autorités de Transition d’avoir établi un lien avec les « mercenaires du groupe russe Wagner » qui aurait selon eux déployé environ un millier d’hommes. Les autorités espèrent ainsi engranger plus de succès contre les terroristes.
Toutefois, les autorités de Transition maintiennent que cette présence russe ne vise que les domaines de livraisons d’armes et d’entraînements militaires. En tout état de cause, le lieutenant-général Kees Matthijssen a indiqué que ce sont les civils qui paient le plus lourd tribut à cette insécurité.
Pour autant, il dit comprendre très bien la raison pour laquelle « les Maliens cherchaient un partenaire pour les accompagner, les conseiller et les former sur le tas, car la communauté internationale ne leur a jamais proposé cela ». D’après lui, « l’ONU ne peut pas le faire à cause de son mandat ».
La mission de formation de l’UE ne l’a pas fait non plus. Les Maliens ont donc cherché un partenaire pour les aider dans ce domaine. Cependant, il a tenu à rappeler qu’il existe une coopération russo-malienne datant des années des indépendances. Laquelle permet au Mali de se doter d’équipements militaires russes et de former des officiers en Russie. À ses yeux, « les Russes sont au Mali pour des raisons économiques ». Avant de déclarer que « les Russes font tout ce qu’ils peuvent pour réduire ou contrer l’influence occidentale. Et ils réussissent ».
Rappelons que le Secrétaire général de l’ONU va prochainement publier un rapport d’évaluation au Conseil de sécurité, qui comprendra plusieurs scénarios pour l’avenir de la mission. Une version préliminaire du rapport divulguée indique que la mission n’est pas « viable sans personnel militaire supplémentaire ».
Ce qui n’exclut pas un retrait des casques bleus du Mali. Une mission de l’ONU considérée comme la plus coûteuse en vie humaine –plus de 170 casques bleus tués suite à des actes hostiles depuis 2013– et en argent puisque le budget annuel de la Minusma est de 1,2 milliard de dollars tous les ans.
Cheick B. CISSE