Après le vide juridique consécutif à la fin officielle de la transition, le pouvoir semble être désormais dans la rue et seul le rapport de force pourra le faire basculer d’un camp comme dans l’autre, c’est pourquoi partis politiques et autorités militaires de la transition se regardent en chiens de faïences. Les premiers s’organisent pour exiger la tenue des élections devant mettre fin à la transition, les secondes se préparent à réprimer toutes contestations voir protestations et n’entendent nullement laisser d’un IOTA le pouvoir qu’elles ont conquis au bout du fusil. Entre ces deux entités se trouve pris en otage le peuple qui ne demande qu’une seule chose, le bien être. Qui des autorités ou de la classe politique aura le dessus ? Et si on divisait la poire en deux en trouvant le juste milieu pour sauver ce qui pourrait l’être encore ? Le peuple continuera-t-il à être le spectateur-complice de la décadence ?
Le Mali entre véritablement dans une zone de turbulence politico-sociale, après la fin officielle de la transition. Pour rappel, selon le chronogramme souverainement fixé par les autorités de la transition l’investiture d’un nouveau Président démocratiquement élu devrait avoir lieu le 26 Mars 2024, mais il n’en est absolument rien et les autorités ne daignent même pas donner une raison du report. Cette situation inédite suscite des vives réactions de la part de la classe politique et de la société civile. Après les communiqués rappelant au respect du délai de la transition et exigeant le retour à l’ordre constitutionnel, les partis politiques et une frange de la société civile veulent passer à la vitesse supérieure en exigeant la tenue sans délai des élections pour sortir le Mali de la transition avec son corollaire de crise socio-sécuritaire et économico-financière sans précédent. En effet, c’est sous le leadership de l’ADEMA-PASJ et à son siège qu’a eu lieu une rencontre politique permettant aux partis politiques d’harmoniser leurs points de vue et de peaufiner des stratégies leur permettant d’exiger un mécanisme de retour à l’ordre constitutionnel. Ils étaient plus de 80 partis et associations ce dimanche 31 mars 2024 au siège de l’ADEMA et ont rendu public un communiqué qui demande en substance aux autorités de créer les conditions d’une concertation rapide et inclusive pour la mise en place d’une architecture institutionnelle, à l’effet d’organiser dans les meilleurs délais l’élection Présidentielle. Les partis politiques et associations présents à cette rencontre s’engagent à utiliser toutes les voies légales et légitimes, pour le retour du Mali à l’ordre constitutionnel normal. Sans être va-t’en guerre les partis et associations sont favorables à la mise ne place d’une transition civile inclusive composée de toutes les forces vives du pays avec comme seule mission sortir le Mali de la période exceptionnelle dans laquelle il est plongé depuis 4 ans. La question qui est sur toutes les lèvres est celle de savoir si cette classe politique fortement décrédibilisée pourrait faire fléchir la position du Colonel Assimi Goita qui, fort du soutien d’une frange importante du peuple, selon le sondage de Mali-mètre, a le vent en poupe et n’entend pas céder d’un iota son pouvoir conquis au bout du canon.
Qui des autorités ou de la classe politique aura le dessus ? Et si on divisait la poire en deux en trouvant le juste milieu pour sauver ce qui pourrait l’être encore ?
Les autorités de la transition doivent comprendre aujourd’hui que le temps joue en leur défaveur, car plus ça dure plus ça devient dure et le soutien dont elles se prévalent est loin d’être éternel. Donc leur salut ne pourra venir que d’un dialogue avec la classe politique et la société civile afin d’aboutir à un consensus. Sinon toute autre stratégie ne sera que superfétatoire et incongrue et sera contreproductive. C’est pourquoi il serait mieux de prêter une oreille attentive au cri de cœur ou de détresse de la classe politique pour éviter que le pays ne sombre à nouveau dans un chaos qui sera fatal pour les citoyens. Ces derniers ne demandent qu’un mieux-être. Que les autorités de la transition sachent que le temps est leur premier ennemi et plus le temps passe et que la situation socio-sécuritaire se corse, leur popularité s’effiloche et elles deviennent vulnérables. En effet, malgré l’affaiblissement des partis politiques, en dépit de leur impopularité auprès de l’opinion à qui on a fait croire qu’ils sont à la base de tous les malheurs que connait le pays, les autorités doivent faire preuve d’analyse et de discernement pour en déduire que leur adversaire la plus redoutable est la crise sociale. Alors que cette dernière ne fait que s’exacerber rendant la population extrêmement vulnérable. Les politiques surferont sur cette thématique pour mobiliser le peuple qui sortira, à coup sûr de sa posture de spectateur pour être acteur majeur. Le plutôt serait le mieux pour éviter que le réveil ne soit brutal et que le pays ne se retrouve dans une situation peu enviable.
Le peuple continuera-t-il à être le spectateur-complice de la décadence ?
Le silence du peuple n’est ni un soutien à la transition, encore moins une posture de lâcheté, mais il doit être analysé sous l’angle de la prudence, voire de la vigilance, surtout après ce qu’il a subi comme déboire avec les régimes précédents, il veut jouer à la précaution pour ne pas commettre les mêmes bourdes que les acteurs politico-militaires. Les autorités doivent comprendre que cette situation chaotique dans laquelle se trouve le Mali ne peut plus perdurer. Le jour où le peuple se sentira flouer et qu’il se rende compte que derrière les beaux discours il y a que de la désolation, il se décidera de sortir pour prendre son destin à deux mains. Il répondra à l’appel des opposants quels qu’ils soient pourvu qu’il retrouve sa sérénité d’antan, la paix et le bien-être. Ceux qui pensent que les opposants ne sont pas assez crédibles pour mobiliser les citoyens se trompent lamentablement et des exemples existent à travers le monde.
En somme, il n’est jamais trop tard pour agir dans le bon sens. Il revient au Président de la transition de sortir de son silence assourdissant pour établir déjà le pont du dialogue avec les forces vives de la nation afin de trouver un compromis sans compromission. C’est à ce seul prix qu’il pourra sauver ce qui peut l’être encore de la transition.
Youssouf Sissoko