Les autorités de la transition en Guinée ne sont visiblement pas des fans de la liberté de la presse. Après des fermetures ou suspensions de médias, emprisonnement de journalistes et restriction de l’accès à certains sites d’information, le régime du général Mamady Doumbouya veut jeter les acteurs du secteur dans le piège de l’autorégulation. Afin de dégager sa responsabilité, le gouvernement avait demandé aux médias d’assurer la régulation au sein du secteur.
« La balle est du côté des médias. On vous a reçus, on vous a dit d’aller approfondir le cadre que vous allez mettre en place en toute indépendance, c’est-à-dire le cadre d’autorégulation que vous-mêmes avez décidé de mettre en place. On vous attend. Donc, ce n’est pas du côté du gouvernement, c’est de votre côté qu’il y a des lenteurs. Et si vous continuez à traîner les pieds, il ne faudra s’en prendre qu’à vous-mêmes », a lancé le Premier ministre Oury Bah, lors d’une conférence de presse de vendredi, selon Ecofin.
Ainsi, l’Etat guinéen veut prendre prétexte de l’autorégulation pour faire poster à la presse toute responsabilité de dérives ou dysfonctionnement. Or, un organe d’autorégulation ne sert pas à grand-chose, si l’Etat ne lui donne des pouvoirs coercitifs. Beaucoup d’expériences en Afrique ont tourné court du fait de l’absence d’un pouvoir de sanction. D’ailleurs, la Guinée elle-même en sait quelque chose, puisque, au début des années 2000, le pays a connu un organe d’autorégulation dénommé Observatoire guinéen de la déontologie et de l’éthique dans les médias (Oguidem).
Au Sénégal, le Conseil pour l’Observation des Règles d’Éthique et de Déontologie (Cored) fait face au même problème. Ses avis font régulièrement l’objet de contre-attaques parfois violentes de la part des incriminés.
La dernière en date est le cas Aïssatou Diop Fall. La journaliste et ‘’patronne’’ de presse a eu l’outrecuidance de s’en prendre à l’organe d’autorégulation, alors qu’elle a commis une faute flagrante en révélant comment elle procédait avec l’ancien ministre des Finances, Moustapha Ba, pour débloquer des chèques.
Aujourd’hui, avec internet, la corporation de journalistes a été envahie de toute part. Les brebis galeuses sont en phase de devenir majoritaires. Un organe d’autorégulation a peu de chance de connaître un succès. Et c’est dans ce piège que les militaires au pouvoir en Guinée sont en train de conduire les hommes de médias pour trouver une justification au bâillonnement en cours.