Selon toute vraisemblance, le message transmis au ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, par son homologue américain, Antony Blinken, via le nouveau ministre israélien des Affaires étrangères, Eli Cohen, concernait l’attaque de missiles ukrainiens sur Makiivka (Donetsk), le jour de l’an à 12h02, qui a tué 89 conscrits russes.
Kiev a affirmé que jusqu’à 400 soldats russes pourraient avoir été tués. Le ministère russe de la Défense a reconnu, ce qui est rare, un grand nombre de morts – le dernier chiffre est de 89. Moscou publie rarement les chiffres des victimes de la guerre.
Les déclarations russes soulignent que des missiles HIMARS de fabrication américaine ont été utilisés lors de l’attaque. Le site était une « installation de déploiement temporaire » (une école professionnelle utilisée temporairement comme caserne pour des dizaines de troupes récemment mobilisées envoyées par Moscou).
L’incident a suscité de nouvelles critiques publiques sur l’état de l’armée russe et la décision d’utiliser des infrastructures civiles pour loger des soldats. Le premier chef adjoint du principal département militaro-politique des forces armées russes, le lieutenant général Sergueï Sevryukov, a déclaré aux journalistes :
« Il est déjà devenu évident à l’heure actuelle que la cause principale de l’événement était l’activation et l’utilisation à grande échelle, contrairement à l’interdiction, des téléphones portables par le personnel à portée des moyens de destruction de l’ennemi. Ce facteur a permis à l’ennemi de déterminer la position et les coordonnées de l’emplacement des militaires afin de lancer un missile. Les mesures nécessaires sont prises actuellement pour exclure de tels incidents tragiques à l’avenir ».
Apparemment, le jeu des reproches a commencé – que la « cause principale » de la tragédie était le comportement indiscipliné des soldats qui utilisaient des téléphones portables sur le front. Mais il y aura des conséquences.
La pression de l’opinion publique pourrait augmenter et exiger un usage maximal de la force pour mettre fin rapidement à la guerre. Il y a toujours un risque d’escalade si certaines lignes rouges non écrites et non dites dans la conduite de la guerre sont franchies.
Il est tout à fait concevable que des paramètres de « déconfliction stratégique » de type guerre froide soient élaborés entre l’état-major de Moscou et le Pentagone afin d’éviter toute erreur de calcul ou toute série d’actions (de la part de l’un ou l’autre camp) qui pourraient conduire à un conflit inutile. Les forces américaines et russes opèrent en Syrie depuis des années et une ligne de communication, utilisée quotidiennement, a permis aux deux parties d’éviter un conflit direct.
L’attaque du Nouvel An survient alors que l’administration Biden tente de fournir des milliards de dollars en armement à l’Ukraine tout en affirmant qu’éviter un affrontement direct avec la Russie a été une priorité absolue des États-Unis.
En tout état de cause, bien que les services de renseignement russes aient une bonne idée de l’endroit où se trouvent les officiers de l’OTAN qui mènent les opérations en Ukraine, ils n’ont pas été pris pour cible jusqu’à présent. C’est pourquoi la décision du ministère russe de la Défense, lundi, de souligner que des missiles HIMARS fournis par les États-Unis ont tué des dizaines de soldats russes dans la nuit de dimanche à lundi, a dû provoquer un certain malaise à Washington.
La grande question est de savoir si Moscou va maintenant monter dans l’échelle de l’escalade et viser directement le personnel militaire américain déployé en Ukraine.
Bien entendu, toute mort de militaires américains en Ukraine fera l’objet de gros titres très dommageables pour l’administration Biden dans le cycle des actualités américaines. Jusqu’à présent, il n’y a pas eu un seul cas d’arrivée d’un sac mortuaire en provenance d’Ukraine. Les généraux russes y ont probablement veillé.
Les rapports russes mentionnent souvent publiquement que les systèmes de missiles HIMARS très avancés fournis à l’Ukraine sont en réalité utilisés par le personnel américain. Le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a déclaré à l’agence de presse Tass pas plus tard que la semaine dernière :
« Le régime de Kiev est délibérément inondé d’armes les plus avancées, notamment d’échantillons qui n’ont pas encore été mis en service dans les armées occidentales, apparemment pour voir comment elles se comporteront dans des conditions de combat… Pendant ce temps, les Occidentaux disent qu’ils préfèrent rester « au-dessus de la mêlée » et jugent inacceptable un affrontement direct entre l’OTAN et la Russie, ce qui relève de l’hypocrisie pure et simple. Dès à présent, les membres de l’OTAN sont devenus de facto des parties au conflit : Des sociétés militaires privées et des instructeurs militaires occidentaux combattent aux côtés des forces ukrainiennes. Les Américains transmettent des données satellitaires et d’autres données de reconnaissance au commandement ukrainien presque en temps réel et participent à la planification et à la réalisation des opérations militaires ».
Ni Washington ni Bruxelles ne se sont jamais efforcés de réfuter ces allégations russes accablantes. Au lieu de cela, ils ont choisi d’agir avec prudence, car une discussion publique pourrait mettre en péril le délicat arrangement/accord de « déconfliction stratégique » conclu avec l’état-major russe.
Il n’est pas surprenant que Washington prenne ses distances par rapport à l’attaque ignoble du jour de l’An à Donetsk, qui a fait couler du sang russe. Citant un diplomate israélien anonyme, le Times of Israel rapporte que le secrétaire d’État américain Antony Blinken a téléphoné lundi au nouveau ministre israélien des Affaires étrangères Eli Cohen et lui a demandé « de transmettre des messages à Lavrov, mais n’a pas précisé lesquels ».
La lecture russe de la conversation téléphonique entre Cohen et Lavrov mardi mentionne que ce dernier « a informé son homologue israélien de certains aspects de la situation en Ukraine dans le contexte de l’opération militaire spéciale de la Russie ».
Lavrov a probablement eu son mot à dire sur la charade de Blinken selon laquelle les États-Unis n’ont rien à voir avec le meurtre de 89 soldats russes. Le fait que jusqu’à six missiles HIMARS mortels aient été tirés en séquence rapide sur une seule cible à 12h02 montre que les Ukrainiens et/ou leurs mentors occidentaux avaient la certitude qu’un maximum de dommages seraient infligés.
Les informations fournies par les services de renseignement en temps réel montrent une participation directe des États-Unis à l’horrible opération qui a visé la fête du Nouvel An des conscrits russes au moment où les toasts ont commencé. Bien sûr, attiser les sentiments du public en Russie contre Poutine est un objectif américain essentiel dans cette guerre.
Nous entrons dans une zone grise. Attendez-vous aussi à des « frappes chirurgicales » de la part des forces russes. Après tout, à un moment donné, il apparaîtra que ce qui est sauce pour l’oie est sauce pour le jars.