L’Etat français a décidé de mettre fin au contrat le liant au lycée Averroès de Lille (nord), cessant ainsi de subventionner à partir de la rentrée 2024 le principal lycée musulman de France, vingt ans après sa création.
Cette décision fait suite à l’avis favorable d’une commission consultative présidée par le préfet du département du Nord, qui s’était penchée fin novembre à la fois sur le financement et le contenu du cours d’éthique musulmane.
La décision de résilier le contrat a été prise jeudi, a indiqué la préfecture à l’AFP dimanche soir, sans vouloir détailler le contenu du courrier.
Les responsables du lycée avaient fait savoir fin novembre qu’ils saisiraient la justice administrative si une résiliation du contrat était décidée.
Un établissement privé sous contrat avec l’Etat se doit d’accueillir les élèves sans distinction d’origine, d’opinion ou de croyance et d’avoir des enseignements conformes à ceux de l’enseignement public, ce qui lui permet de recevoir des financements publics.
Selon le journal Le Parisien qui révèle cette décision, le préfet pointe dans son courrier des irrégularités de gestion et des enseignements qualifiés de contraires aux valeurs de la République, notamment lors de cours d’éthique musulmane.
Toujours selon le Parisien, une inspection a montré des absences de ressources sur certains thèmes comme l’homosexualité, et la prépondérance d’ouvrages religieux sur l’islam au détriment des autres religions.
L’établissement lillois de 400 élèves, ouvert en 2003 avec le soutien de l’ex-Union des organisations islamiques de France (UOIF, devenu Musulmans de France), dans la foulée de l’interdiction du voile dans les lieux scolaires, était devenu en 2008 le premier lycée musulman de France à passer sous contrat.
Depuis, il se classe régulièrement parmi les meilleurs de la région.
Un bras de fer l’oppose depuis 2019 à la Région des Hauts-de-France, qui refuse chaque année de verser la subvention prévue dans le cadre du contrat, reprochant à Averroès un don qatari de 950.000 euros en 2014.
L’Education nationale avait mené plusieurs inspections, sans trouver matière à remettre en cause le contrat d’association.
L’inspection générale de l’Education nationale avait notamment estimé dans un rapport de 2020 que « rien » ne permet de penser « que les pratiques enseignantes (…) ne respectent pas les valeurs de la République ».
De son côté, le préfet, dans son rapport préalable à la commission académique de novembre, avait noté la mention, dans la bibliographie de l’enseignement d’éthique musulmane, d’un recueil de textes religieux comprenant des commentaires prônant la peine de mort pour apostasie ou la ségrégation des sexes.
Ce rapport reprenait des extraits de presse mettant en cause des enseignants, et déplorait « un système de financement illicite », citant une « enquête ouverte par le parquet de Lille » sur des prêts concédés au groupe scolaire par des associations qui n’en auraient ensuite pas demandé le remboursement.
En filigrane est pointé du doigt le lien historique d’Averroès avec l’UOIF, organisation issue du mouvement égyptien des Frères musulmans.
« Personne à part l’autorité préfectorale ne dit qu’il y a un lien avec les Frères musulmans », avait souligné fin novembre un avocat du lycée, Me Jospeh Breham, rappelant que « aucun dirigeant de l’association (gérant le lycée NDLR) n’a jamais été entendu, placé en garde à vue ni renvoyé devant le tribunal correctionnel ».
Averroès est l’un des deux seuls lycées musulmans sous contrat en France, avec le lycée Al-Kindi près de Lyon (174 élèves). Le groupe scolaire compte plus de 800 élèves, dont 400 sous contrat.
En France, 1.700 élèves étaient scolarisés dans des écoles, des collèges et ces deux lycées musulmans sous contrat à la rentrée 2022, selon l’Education nationale.