Mettant fin à un blocage institutionnel qui durait depuis les élections de juin, les partis monténégrins ont finalement trouvé un accord pour former un nouveau gouvernement. Mais le Premier ministre Milojko Spajic, qui a annoncé officiellement la nouvelle mardi 31 octobre, se retrouve à la tête d’une coalition contre nature qui ne facilitera pas le travail du gouvernement. S’il est chef d’un parti pro-européen, il a dû composer avec des partis pro-serbe et pro-russe pour s’assurer une majorité.
La formation du gouvernement aurait dû signaler la fin d’une crise. Mais au lieu de cela, des centaines de manifestants se sont réunis lundi 30 octobre soir dans la capitale Podgorica pour dénoncer le nouveau cabinet, taxé de pro-serbe, rapporte notre correspondant régional, Laurent Rouy.
Le centriste pro-européen Milojko Spajic a dû accepter le soutien d’un parti d’extrême-droite proche de Belgrade pour être élu à la tête du gouvernement. La coalition va donc regrouper son parti Europe Maintenant – qui souhaite relancer les pourparlers européens et « faire du Monténégro la Suisse des Balkans, le Singapour de l’Europe », a dit Milojko Spajic lundi aux parlementaires – et la Nouvelle Démocratie Serbe, formation nationaliste qui s’oppose aux sanctions contre la Russie, ainsi qu’à l’indépendance du Kosovo. La formation est également complétée par plusieurs autres petits partis.
Après la présentation de ce cabinet, l’opposition parlementaire a protesté contre la nomination à la tête du Parlement du chef de l’alliance « Pour le futur du Monténégro » Andrija Mandic : il s’agit d’un des dirigeants de cette formation pro-serbe.
L’Union européenne et les États-Unis avaient fait part de leur inquiétude à voir les nationalistes participer au gouvernement, mais le nouveau Premier ministre a assuré que l’influence de la Serbie sur la politique monténégrine serait inexistante.
Premier test pour le nouveau gouvernement : le chantier de la réforme de la justice, condition sine qua non de l’intégration européenne. Rien ne prouve toutefois que l’aile droite de la nouvelle coalition laissera la réforme se mettre en place.
« Un gouvernement anti-européen, anti-monténégrin et pro-russe »
« Le Monténégro a maintenant un gouvernement anti-européen, anti-monténégrin et pro-russe », s’est désolé le président du principal parti d’opposition, le Parti démocratique des socialistes du Monténégro (DPS), Danijel Zivkovic. Cette formation et son ancien patron, Milo Djukanovic, pourtant accablés d’accusations de corruption, ont dirigé sans partage le Monténégro durant trois décennies, avant la défaite de M. Djukanovic à la présidentielle d’avril 2023 face au très jeune Jakov Milatovic, 36 ans.
Formé en 2022, Europe maintenant! – dont l’actuel président Jakov Milatovic est le co-fondateur avec Milojko Spajic -, est arrivé en tête des législatives en juin. Ce parti a attiré les électeurs, notamment des jeunes désireux de voir de nouvelles têtes aux commandes, en promettant l’augmentation des salaires et des retraites ainsi que des réformes économiques et une rapide intégration européenne.
Avec 26 % des voix, il a toutefois été contraint de construire une coalition pour gouverner le minuscule pays des Balkans. Après des mois de discussions, il a finalement trouvé des alliés.
Depuis les législatives de 2020, le pays de 620 000 habitants va de crise en crise. Aucun camp n’est parvenu à trouver de majorité stable et deux gouvernements ont été renversés par des motions de censure.