La malhonnêteté, autrefois circonscrite dans notre espace à un milieu marginal, n’a aujourd’hui, plus aucune limite. Mais, parler de malhonnêteté dans la généralité n’émeut personne. De qui parle-t-on ? Il convient de ce fait de nommer les malhonnêtes. Ils sont partout et sont légion dans nos villes et nos campagnes, nos lieux de travail et de culte, dans les affaires et les souks, dans tous les coins et recoins de la société. Il n’y a pas un métier, une profession, une fonction, une occupation, du bas de l’échelle au sommet de l’État, où les malhonnêtes ne sont là à tirer les ficelles de la situation, pour sauver leurs biens mal acquis et renforcer leur assise.
Cette grouillante armée de malveillance, ayant comme ennemis les redresseurs de tort, qu’elle tente d’acculer, est la première des menaces contre la solidité de la nation et la viabilité de ses institutions.
Vouloir bâtir le Malikura en la compagnie de cette horde coupable est risqué
En jetant un regard introspectif, on trouve que l’Afrique est victime, à la fois, d’elle-même et de ceux-là qui en ont fait leur territoire de chasse, de conquête ; massacrant au passage ses populations, accueillantes et inoffensives. Ayant subi des barbaries en tout genre, inutile de les énumérer ici, nos pays, en plus d’un demi-siècle d’auto-détermination, n’arrivent toujours pas à se construire librement, par eux-mêmes, dans la dignité et le respect obligé des autres. Bien sûr, ceux qui sont venus nous agresser, nous réduire et exploiter pour s’enrichir, ne sont prêts, le moins du monde, à abandonner ni les énormes avantages ni les scandaleux profits qu’ils ont pu tirer et tirent toujours de cette conquête. Ils prétendent même nous avoir fait du bien et se refusent à une quelconque repentance, qu’oblige une conscience humaine. Des fripouilles aux commandes de leurs États s’enrichissent éhontément.
Contrairement à notre civilisation de l’être, d’une profonde humanité spirituelle, universelle, la leur, pour ce que l’on en retient, est basée sur l’avoir, le gain, le culte inextinguible du matériel, la folie de la chasse au trésor, à gagner coûte que coûte. Ils ont, pour cela, fait couler des rivières de sang. Ils continuent toutes les combines, manigances, stratagèmes, manipulations, subterfuges, traîtrises et crimes leur permettant de nous maintenir dans leur giron, sous leur joug, dépendants d’eux, asservis, soumis, dociles, et même consentants. Je reviendrai sur ce paradigme.
Il est bon de rappeler qu’ils ont réussi, depuis la période d’invasion, à se faire parmi nous des collaborateurs et des substituts, et à faire d’eux avec leurs familles des protégés, des privilégiés, qui veillent toujours à défendre leurs intérêts. C’est connu. En plus de ceux-là, ils arrivent toujours à recruter, enrôler, instrumentaliser, des affidés, soit par la séduction, la corruption, ou des pressions. Quelques vils individus aussi proposent leurs services, prêts à se vendre, à trahir les siens, capables, comme on l’a vu, de toutes les bassesses. Ces genres de serviteurs sont disposés à toutes sortes de sales besognes, pour gagner la confiance du maître pourvoyeur, bénéficier de ses largesses, obtenir de lui des récompenses, et occuper grâce à lui des positions subalternes gratifiantes, en vue de satisfaire leurs désirs de prendre un ascendant social et d’assouvir leurs instincts de possession, comme une revanche à prendre sur la bonne société.
Voilà les trois types de sbire formant « la cinquième colonne » qui, manifestement, ont aidé l’envahisseur étranger, le colonisateur, les Français, à nous atteindre, nous avoir à leur portée, et nous dominer. Et, c’est cette complicité ostensible d’un côté, et voilée de l’autre, qui reste une des grosses entraves à notre capacité effective de nous soustraire du système criminel de domination de ces esclavagistes et colonialistes impénitents et de leurs complices, déguisés. C’est ce qui me fait dire que le problème de fond du Mali est une question de souche, bòkolo. Chaque fois que la France est indexée, le discours ambivalent de ces valets de l’ombre est de ramener le débat sur nos propres fautes, occultant le fait patent que l’intelligence avec la France est une pièce centrale des « affaires africaines ». Je leur ai rabattu le caquet dans mon récent article paru dans la presse : « La nouvelle occurrence ».
Nombre des familles et progénitures d’anciens collaborateurs de l’occupant servent, à leurs places et fonctions obtenues plus ou moins par arrangement, l’intérêt du pacte d’alliance (pour les uns), ou de la trahison (pour les autres), de leurs ascendants. Gonka ! Il en est de même avec les filiations de certains de nos martyrs, subtilement récupérées au fil du temps par le bourreau et sa garde. C’est dire que ces lignées de sujets fidèles restent le plus souvent enclines à se plier à la volonté de la France, ou tout au mieux à se prétendre neutre, incapables de se ranger derrière l’évident intérêt national.
On se doute, aussi, que ceux qui ont négocié l’obtention de la nationalité française, apparentés ou non à ces familles-là, soient, eux, contraints et piégés par les termes d’engagement de leur intégration citoyenne, avec ses conditions implacables d’allégeance à la patrie volontairement choisie. Bien sûr, ces candidats n’en mesurent pas toujours les conséquences sur leur conscience, lorsqu’il s’agira un jour d’opter pour l’une ou l’autre patrie. C’est déjà le cas, à présent. On observe une certaine timidité, la bouche cousue, et les esquives gênées.
Notre État est fragile. Il est d’autant plus fragile, et basculable, qu’il se trouve être vulnérable, exposé à l’hostilité de l’ennemie déclarée. Nous accusons des points faibles réels face, d’une part, aux coups des pions placés, des laquais et agents de la France tapis dans les rouages de l’État malien et dans nos relations sociales ; d’autre part, aux contre-coups des cellules secrètes actives, des cadres francophiles assumés, de la mafia française et son « soft power » dans toutes les sphères. Ce qui paraît le plus inquiétant dans le jeu d’expression de notre souveraineté, bafouée, est la valse des malhonnêtes, au sommet de la pyramide.
Les malhonnêtes sont bien les auteurs du mauvais départ de l’Afrique des Indépendances. Depuis des décennies qu’ils se faufilent au devant de la scène, nous en essuyons les déboires. Au stade où l’on en est, si l’on n’y prend garde, ils risquent bien de causer définitivement la perte de notre nation, le démantèlement de l’État, l’éclatement redouté du Mali, à la satisfaction des comploteurs voraces et des apatrides minables, au grand dam des patriotes et de leurs soutiens. C’est la raison qui prévaut à cette alerte générale, qui convoque tous ceux qui voudraient nous rejoindre dans le combat pour le Mali des vertus, le Mali du travail et de la probité intellectuelle, le Mali intègre, débarrassé des malhonnêtes, le Mali souverain.
Nous dénonçons en permanence, et à juste raison, les crimes d’une suprême bassesse perpétrés chez nous par les aventuriers de l’Occident. Nul ne peut les décharger de leur ignoble culpabilité irrévocable d’humanicide. Ceux qui ont assassiné, tué, massacré, exterminé, des hommes, des populations, des peuples, doivent nécessairement payer leur dette à l’Humanité, et, ils paieront tous pour leur crime. Ils ne sont pas voués aux gémonies de la revanche ni de la vengeance, pas plus à la loi du talion, et non plus à la haine ni à la barbarie punitive de leurs horreurs, non. Ils le paieront par la honte du pardon supérieur, l’opprobre de la bassesse, le regret de l’ignominie, l’injure de la bestialité, de cette rage inhumaine, et de tant de lâcheté, de traîtrise, de pulsion odieuse, satanique. D’ailleurs, ils n’ont pas fini de nous tuer, et certains rêvent toujours de nous exterminer par tous les moyens : guerre et bombe, virus et vaccin, poison et gaz, clonage et manipulation génétique.
Nos différences en termes de faculté, d’aptitude, de capacité, de performance, d’endurance, d’adaptation, de résilience, ne sont-elles pas jusqu’ici des preuves de la divine induction ?
Nous leur sommes meilleurs dans le respect de la vie, de la personne, de l’être humain, dans ses différences contingentes liées à l’origine, au milieu, à la condition ; la race, l’identité, la couleur ; la religion, la langue, la culture ; la sensibilité, l’opinion, l’obédience. L’avancée fulgurante de la civilisation du fer et du feu, domptant la nature, est un fait ; elle est matérielle. La supériorité de la civilisation de la terre et de l’eau, en harmonie avec la nature, est indiscutable ; comme je l’ai dit plus haut, elle est spirituelle et sans doute plus humaine. Victimes, sous ce rapport, tâchons seulement de ne pas faire sourdre des points d’interrogation, ou de doute, à travers de fâcheuses dérives. Avec les malhonnêtes, qui sont à leur image, tout est possible. Telle une malédiction, ils sont notre problème.
Il est complètement illusoire de croire pouvoir ramener à la raison des gens dont la conviction est faite que voler, détourner, abuser, comme ils l’ont fait et le font, n’est grave que si l’on se fait prendre. Et, même là, la prison ne fait plus peur à ces gens sans honte. Autrement dit, quartier libre pour profiter, sans scrupule. Puisqu’il faut être idiot pour opérer seul, et risquer de se faire attraper pour malversation, ils sont des groupes, en nombre plus ou moins important, selon le genre de forfait, qui agissent en réseaux, soit de parenté, de complicité, d’intérêt, ou de corporation, restant ainsi couverts et solidaires dans l’impunité. Ces prédateurs n’ont aucun sens moral ni un quelconque souci de l’impact de leur délinquance dans la gestion du bien public ; dans le déficit du trésor qui accentue notre fragilité et dépendance ; dans les injustices dont nous souffrons ; et, dans l’aggravation des inégalités ; car pour eux, ce n’est qu’un jeu. Il faut se servir autant qu’on peut. La barrière de l’opprobre, qui servait de protection cuirassée de la collectivité, a cédé en maints endroits, et est en voie de disparition.
J’ai entendu dire qu’il n’y a « rien de vrai dans tout ce qui se passe ». Ce qui signifie que le faux jeu est la règle dans la gestion des affaires publiques, et qu’il faut simplement « savoir tirer ses marrons du feu, gagner comme on peut ». Vous vous imaginez la gravité de cette fausse sagesse populaire, véhiculée de façon banale par des leaders d’opinion. Ceci est assez révélateur du fait que la société tend ainsi à cautionner la fausseté, l’indélicatesse, et par finir le crime, au nom d’une logique bancale de l’utilité pour soi. C’est le règne de la malhonnêteté et de l’indignité.
Le Mali, la société malienne, dans son essence, est très loin de cette mentalité besogneuse, de défaitiste résigné, qui s’est forgée durant une longue période de vacance de l’État, et qui perdure, depuis (cf. « J’ai des choses à dire à la jeunesse », éditions SIRA, © 2021). J’affirme que la malhonnêteté est à la base de la faillite des Institutions de la République.
La gestion du personnel de l’État a basculé, dans les années de plomb, dans des relations d’ordre clientéliste, favoritiste et népotiste. Les détournements et pratiques de corruption dans les services publics s’en sont suivis. L’affairisme se dévoila au sein de la direction de l’État, et à travers des prête-noms. Les banques, le trésor public et les sociétés et entreprises d’État ont systématiquement été pillés par l’establishment, dans une atmosphère d’anarchie et d’irresponsabilité. La graine de la malhonnêteté, chez les Maliens, auparavant disciplinés et dans la retenue, a ainsi été semée. Elle germa et se répandit. La corruption mentale et matérielle va devenir une gangrène de la société. C’est de cette manière que se développa la logique du fameux Tagnini, que j’assimile à un « utilitarisme ». Ceux qui s’abstiennent de se servir et d’abuser de la chose publique sont vus en parias, insultés et mêmes traités de maudits. Je vous en dirai mot. Ils sont pourtant les seuls à pouvoir, unis, sauver le pays.
La malhonnêteté s’est propagée ainsi dans une société qui avait pourtant des garde-fous. Mais, la qualité de la gouvernance, invariablement, est le fait du Prince, d’abord. Pour profiter, on ne s’embarrasse pas d’honnêteté ; il ne faut pas se poser trop de question. Du moment que les gouvernants ont peu souci de légitimité, la cité est livrée au pouvoir sans borne de la nomenklatura, sous l’administration des interventions : les bras-long, les coups de fil et de piston, les sauf-conduits, les recommandations, les dérogations, les instructions et les privilèges. Tout cela contribue à faire, décider, et gérer, en raison du capital de relation et non de maîtrise, dans une logique plutôt politique que professionnelle. On parle de tout sauf du mérite. C’est là que la classe politique au Mali a péché en politisant les fonctions dans l’Administration, l’Éducation et l’Armée, sous le coup de la malhonnêteté. Il faut au plus vite moraliser les nominations, promotions, avancements, rémunérations, distinctions, retraites et sanctions.
L’État intègre l’ensemble des fonctions politiques, techniques et administratives de la collectivité nationale. Il est essentiel de faire la différence entre ces responsabilités, pour ne pas pervertir le service de l’État. La nomination au poste politique est à la discrétion de l’autorité habilitée. Elle est libre de désigner qui bon lui semble, car le poste politique répond à une logique de représentativité, d’opportunité, d’intelligence et de savoir-faire, mais surtout de confiance. Il n’est pas lié à une exigence de diplôme, de spécialité, de technicité, de capacité linguistique, ou encore de niveau d’éducation. Non. On a entendu des apprentis aux affaires plaidant l’obligation pour les élus d’avoir « un niveau bac minimum ». C’est totalement absurde. Parler de cursus académique pour les fonctions politiques est une aberration, une insulte à la raison, et l’histoire en est témoin. Les plus grands parmi les politiques n’ont pas fait de grandes études, et ce n’est nullement nécessaire à la fonction.
Toute cette confusion prospère au Mali, simplement, parce que ce sont des fonctionnaires, des agents de l’État, justement, qui sont en même temps les principaux cadres des partis politiques en scène. Leur jeu partisan se ramène à un partage de sièges de promotion. Puisque les postes politiques ne suffisent pas à les placer tous, ils vont jeter leur dévolu sur les postes de responsabilité techniques, cherchant à devenir chef de service, chef de mission, directeur, préfet, gouverneur, coordonnateur, conseiller…, particulièrement là où l’on gère de gros budgets… aahaann ! Chaque militant du parti, ou de la coalition au pouvoir, vise sa promotion administrative, cherchant à dégommer des titulaires déboulonnables, ceux qui ne sont pas adossés à des protecteurs puissants. L’agent ambitieux, et de surcroît malhonnête, finit par être propulsé au-dessus de cadres plus valeureux dans son service. Celui-là ne vient pas pour faire un résultat de management, puisqu’il n’en est pas capable, mais bien pour jouir des avantages de la fonction, allouer des subsides au parti ou au mentor, gérer des aspects utilitaires (aide, emplois, soutien).
Notre fonction publique est malencontreusement bondée de parvenus « ayant fait fonction », qui se targuent de leurs expériences passagères, leur seul actif usurpé, sans avoir jamais apporter d’autre à l’État que l’addition de leur carence, et qui explique pourquoi on en est encore là, dans les contreperformances. Qu’est-ce qu’ils n’ont pas fait pour se maintenir en poste, torpillant la carrière des sérieux candidats et légitimes prétendants. Champions de la courbette auprès des chefs, ils ont tout fait… et sont un des nœuds de la gestion catastrophique des ressources humaines de l’État. Véritables meubles dans leurs services, incapables de faire bouger la donne autrement que dans la routine des mêmes procédés mécaniquement reproduits et l’expédition des affaires courantes au gré des programmes, nous leur devons uniquement la dépense budgétaire, la dilapidation des ressources et la médiocrité en solde de compte.
Dans les conditions normales, la technicité, l’expérience, la compétence attestée, est requise pour la promotion aux postes de responsabilité des techniciens, dont les administrateurs. Les syndicats auraient dû être des garde-fous à ces concessions dangereuses aux intrus. Il faut rappeler que les résistants, à l’époque, ont été matraqués, emprisonnés, radiés, pour les ramollir ; la corruption et les faveurs, pour amadouer ceux qui se plient, ont fait le reste. Sous le régime de la malhonnêteté intellectuelle, et lorsque s’installe la démagogie, la règle de la qualité professionnelle et du mérite est continuellement violée ; et, elle l’est depuis fort longtemps au Mali. Ce qui nous a valu une fonction publique de plus en plus médiocre, un État moribond, ancré dans ses déficits chroniques, où chacun se cherche, et l’effondrement conséquent des Institutions dévoyées.
C’est devenu une habitude de nommer de manière hasardeuse à la tête des services étatiques, sinon des proches, étrangers au domaine à manager, du reste des potes qui n’ont pas les références nécessaires définies dans les statuts des structures ni dans les cadres organiques de l’État. Généralement, les Chefs de département, se trouvant dans le même plan, et sous pression, se débrouillent à caser quelques relations et des agents étiquetés comme militants de leur formation, s’ils ne sont recommandés par un collègue, ou encore par l’autorité supérieure. Dans certains cas, il arrive que l’agent, par finir, pèse plus que son supérieur, son chef de service, son directeur, et qu’il détienne la décision, parce qu’il est un grand ponte du parti aux affaires, une doucereuse compagne, ou un membre de la belle famille. Rien d’honnête !
Dans ce jeu de positionnement, nos politiciens s’alignent, prêts à faire main basse sur les fonds de souveraineté, siphonner le trésor, pomper la manne des structures publiques vaches à lait, profiter des rétrocommissions des marchés publics, aliéner ou brader des biens de l’État, etc. Voilà comment, dans la gestion des ressources humaines de l’État, les partis politiques et leurs ténors, dans leur boulimie du gain, d’accaparement, d’enrichissement, d’expansion, ont sacrifié le pays à leurs ambitions personnelles. Ce que les Maliens savent, et ne sont pas près de le leur pardonner ; ce que la mémoire de Modibo Kéita, le Père de la Nation, ne saurait leur pardonner non plus. Une malédiction ! En conséquence, ces malhonnêtes dans les rouages de l’État ont compromis tous les facteurs de performance de la nation malienne pour son épanouissement et le bien-être des populations. Dans nos déboires, tombant de Charybde en Scylla, il y a une part et d’inconscience, et d’inconséquence et d’incompétence. Les mêmes fauteurs et fautifs, jouisseurs et jouissifs, prédateurs patentés de notre république, profitent de la Transition politique actuelle, qui ne les a pas encore inquiétés, pour se refaire une santé, se légitimer, revenir avec un discours présomptueux et le toupet de prétendre exiger quoi que ce soit. Bon Dieu !
Un guide spirituel a dit, et j’approuve son allégation, que le malheur de ce pays, c’est que « Mogow dé yé jamana’gni mara minu n’a mankan », indéniablement. « Des gens, qui ne le mérite pas, ont été portés à la tête du pays ». Le résultat ne s’est pas fait attendre dans la corrosion du sens.
Le système de gouvernance d’amateur, en régime d’inculture, baignant dans des approximations, le faux et l’usage du calque, fait la promotion des médiocres, et s’accommode aisément de l’infertilité résultante. Du moment qu’aucune évaluation n’est faite des différents passages aux affaires, ni des personnes ni des politiques ni des régimes, la médiocratie fonctionne, enchantée, avec la mauvaise copie, et prospère dans la diversion et l’autosatisfecit. Plus tard, elle a fini par trouver en l’apprentissage démocratique un excipient, et miser sur la communication pour maquiller et colmater.
Des délinquants, des personnes de moralité douteuse, des ramassis de crapules, sont nommés à de hautes fonctions de l’État, décrédibilisant ainsi l’autorité publique incarnée. Attention !!! Les dirigeants de la Transition actuelle, qui, aussi, fut acquise au prix du sang, ne devraient pas pécher par la reproduction des comportements de malfrats contre lesquels le peuple dégoûté s’est soulevé : la prévarication et l’impéritie. Pourquoi va t-on admettre aujourd’hui ce qui n’a pas été admis hier ? Le combat patriotique n’est pas une question de personne.
Qu’on se le dise et que chacun comprenne que le pouvoir n’est pas et ne saurait être, chez nous, un moyen de s’enrichir. Les hautes fonctions devraient sans doute donner l’occasion d’avoir un chez soi, et à vivre décemment, mais non à se noyer dans le luxe insolent et l’orgie. Cette propension est dangereuse. Les fonctions de l’État et l’argent public ne peuvent servir à garnir outrancièrement des comptes personnels, trahissant la confiance populaire. Les Maliens rétabliront le pacte de confiance, lorsque les mafieux politiques, les politiciens mafieux et leurs acolytes répondront de leurs actes ; que les gouvernants ne s’autorisent plus les détournements et moralisent les marchés ; que « réduire le train de vie de l’État » cesse d’être un pur slogan ; et, que soit mis fin à la gabegie. Ils doivent accepter de servir, en se privant et se contentant du peu disponible.
A cause des micmacs politiciens visant à gagner le pactole, désormais, n’importe qui se croit présidentiable. Parce que sans être foudre de guerre, il y en a qui semblent s’être bien débrouillés à ce poste, laissant croire aux margoulins épatés que la fonction présidentielle est purement protocolaire, une comédie de l’art avec des malices. Ils ignorent tout de ce qui véritablement attend le Chef de l’État qui entend faire consciencieusement son travail. Ils ne soupçonnent pas du tout que les ratés antérieurs sont autant de factures que la nation continue de payer à la désespérance créée et laissée après leurs auteurs. Est-ce un hasard que le pays finisse par se retrouver dans cette situation de déliquescence ? A qui la faute ? Une association de malfaiteurs, est-on tenté de répondre.
Dans les faits, depuis l’instauration du jeu partisan, n’importe qui devient ministre ici, n’importe comment. On est en droit de dire, depuis tout ce temps, « Pitié pour le Mali ». Il est temps d’arrêter ; ce n’est pas très sérieux de former des gouvernements « d’essai », pour traiter un État en si mauvais état, admis aux urgences, nécessitant des soins intensifs. Il est demandé des praticiens qualifiés, et non des “brancardiers”. En dehors des choix outranciers imputables à la désinvolture de l’élu, telle qu’il a été donné de voir aux Maliens, on comprend que les pédales de ce dilettantisme dans les choix se mélangent entre le principe politique de la représentativité et la pratique politicienne de la représentation. La confusion entre la démocratie et le démocratisme engendre la gouvernance associative des profiteurs, un banquet de malfaisance, dont la suite impromptue tend vers la fuite en avant et l’ingouvernabilité.
Ainsi, d’une magistrature à l’autre, depuis les années 2000, on a arrosé les problèmes avec des complications, dans l’inconscience, parfois l’insouciance, des conséquences. Il est clair que les beaux discours et les rondeurs salivantes peuvent assouvir des fantasmes personnels, mais ne sauraient procurer des solutions aux vrais problèmes du pays : la sécurité et l’alimentation, la santé et l’éducation, l’énergie et le travail, la justice et la citoyenneté, l’environnement et la culture, … le développement et le bien-être espéré. Raison pour laquelle, nos ministres ne devraient pas être que politiques, ils doivent être aussi techniques, et non des apprenants de la charge confiée. Je n’ai pas dit des technocrates. Ce n’est pas le moment, surtout actuellement, de former des équipes de stagiaires, néophytes à tout point de vue, étant donné que le temps nous est compté. On devrait, par souci d’efficacité, réduire davantage l’effectif gouvernemental, en faisant le choix, sans histoire de quota, d’hommes et de femmes au background éloquent (il ne s’agit pas de diplôme), capables d’être la force de traction de… l’état de guerre que nous vivons. Dans ce sens, il faudrait absolument terminer avec les calomnies et les médisances sans fondement de compétences jalousées ; les préjugés et les insinuations, uniquement pour écarter les meilleurs ; les mensonges et méchancetés gratuites de pauvres rancuniers ; les vitupérations obsessionnelles d’irascibles ingrats ; toute cette vilénie de la tourbe se livrant aux amalgames dans le but de nuire, de persécuter, d’éliminer. Faisons très attention !! Voilà les mille méfaits que causent les malhonnêtes aux ressources de la nation, ignorant scier la branche sur laquelle leurs progénitures est assise.
Venons-en donc aux syndicats qui, aux yeux de tous, pressent les gouvernements sur leurs fautes d’allocation budgétaire et de traitement difficile à justifier de certaines catégories, pour exiger une amélioration substantielle des revenus dans leurs corporations. Tandis que le salaire public et sa courbe évolutive ne sauraient se concevoir comme fonction d’une opportunité de circonstance au gré du décideur, ou du seul rapport « employeur-employé ». Le salaire est un droit, le fruit d’une juste rémunération du travail effectué, et, comme tel, il procède à la fois de la valeur relative de l’énergie fournie, de l’utilité qu’il crée et d’une certaine équité sociale, qui intègre l’éthique et le contexte. Raison pour laquelle, il convient de convertir l’obligation contractuelle mutuelle en rapport « employeur-énergie-employé », l’énergie étant le dénominateur commun du travail, valeur témoin de la société. Il est temps de comprendre que tant que justice n’est pas faite pour tous à la fois, la société ne peut être en paix. Il faut une base rationnelle consensuelle de rémunération. Ce qui n’est plus le cas, depuis les égarements de la démocrature. C’est une illusion de croire que le combat syndical peut aboutir de façon partiale ou partielle, pour les uns aux dépens des autres. La refondation a du sens.
De toutes les pathogénies liées à la malhonnêteté, la corruption, elle, sévit dans tous les compartiments de la vie publique, et, allant des affaires, elle touche la justice, les Institutions, l’Administration, l’Armée, les Forces de sécurité, l’éducation, la santé, l’approvisionnement, la production, les ressources naturelles, le foncier, la religion, le bâtiment, les routes, le sport, et même les médias… La corruption bétonne la malhonnêteté, qui en devient indécrottable. Les plus méritants, civils comme militaires, sont brimés, ostracisés, simplement parce que meilleurs et jalousés, combattus lorsqu’ils refusent la courbette, l’allégeance, l’alignement. Ils sont les grands oubliés des médailles et des grades, distribués à des favoris et complices, et non pas pour des états de service. Si seulement la Transition en cours pouvait changer quelque chose à ce cynisme des petites gens gonflées, pour que le pays ait à la direction des affaires, à tous les niveaux, les meilleures équipes de nos ressources de compétence à gérer les intérêts de la nation, et non des gueux qui cherchent en priorité des solutions à leur propre misère, et pour leur plaisir, leur vanité, leur ego.
Depuis que les malhonnêtes en bandes organisées ont le bout de la décision et l’oreille des chefs, si vous avez une réputation de travailleur intègre dans ce pays, vous avez un sérieux problème devant vous. Cela a été prouvé. Vous êtes loin du modèle adulé. On se méfiera de vous, pour commencer. On vous trouvera hypocrite. Votre dénuement est normal. On cherchera plus tard à vous piéger, dans l’objectif de vous salir et de vous écarter avec mépris. L’affaire consiste à vous presser et jeter après, comme une ordure, vous faisant comprendre que vous n’êtes meilleur à personne, même pas à ceux qui transigent avec le bien public et jouent le jeu. L’écho diffamant de votre tout petit dérapage provoqué sera l’un des plus retentissants, Kulubalikè, médiatisé jusqu’au suicide programmé. Quelle haine viscérale !
Dans cette série d’effets ravageurs de la malhonnêteté, les prestations de serment passent pour des rites formels, une simple formalité de mise en scène, sans aucune gravité pour les personnes assermentées, qui jurent gratuitement. Elles doivent être revues, du moment que le viol du serment est courant à tous les niveaux de charge : Président de la République, magistrature, agents de police, officiers de l’Armée, médecins, notaires, huissiers, contrôleurs-experts. Puisque ceux qui sont censés veiller au bon ordre des choses ne sont plus aussi fiables, c’est la société elle-même qui se met en danger. Aucune norme n’est plus respectée : métrologie, spécifications, références, qualité, dosage, authenticité, droit, règlement, autorité, éthique, convention, valeur, … En conséquence, l’insécurité interne est ce qui est la plus partagée, comme on peut le constater :
− Les mesures ne sont pas justes, or une insuffisance peut causer de graves dommages, selon l’objet et le secteur ;
− Les aliments sont traficotés, sous l’effet d’artifices et de mélanges, avec le risque d’intoxication et même d’empoisonnement des consommateurs (souillés, périmés) ;
− Les services sont mal rendus, avec des résultats tronqués pouvant engendrer des tragédies, des catastrophes à l’échelle ;
− Les livraisons ne sont pas conformes à la commande, et deviennent une source de rupture, d’avaries et de dégâts ;
− Les vies sont inutilement mises en danger par ceux qui sont censés les protéger, dans des combines déloyales, des traîtrises, à cause de l’argent, de la cupidité ;
− Le faux prévaut sur le vrai, crée la discorde et ravive le conflit ;
− Les gens ne travaillent plus, et font semblant dans le bavardage, passant plus de temps à tourner et contourner, pour se justifier.
Le dossier de la Malhonnêteté est, on le voit, sans fin. Les forfaits sont emboités les uns dans les autres. Les personnes honnêtes doivent y prêter la plus grande attention, surtout les patriotes sur le front de la transformation sociale. Des gens de peu de moralité mis à des responsabilités cruciales pour la nation sont forcément un danger collectif, et une cause de délitement. Vous savez, le degré de nuisance d’un individu est inversement proportionnel à sa culture. Moins on en sait, plus on est capable du pire, sans discernement. L’inculture fonde le conflit, à cet égard l’ignorance est un péché. Nous devons ramener la politique à sa simple et noble expression. Pour avoir le dessus sur les malhonnêtes, il faut des mesures combinées, suivies en 7 points :
- Appréhender l’intelligence nationale ; identifier les ressources de compétence, diaspora incluse ; impulser le service civique, recruter massivement, former les jeunes et préparer la relève ;
- Évaluer tous les postes et vérifier l’adéquation du profil ; remplacer tous les bras cassés ; moraliser les nominations et les promotions ; lever les sanctions injustes et récompenser le mérite, la performance, le sacrifice ; honorer la mémoire ; communiquer ;
- Instruire en urgence et organiser sans tarder les procès des fossoyeurs de la nation ; réhabiliter la colonne vertébrale de l’État ; consolider les bases de la paix et de la concorde nationale, assurer l’inclusivité, écarter les imposteurs ; reprendre les services essentiels ;
- Remettre de l’ordre dans les rémunérations ; normaliser la grille salariale ; harmoniser le statut des travailleurs ; rééquilibrer les budgets, renégocier des contrats, faire payer les prédateurs ; promouvoir l’énergie et le potentiel ; désenclaver et favoriser le relèvement économique ;
- Prendre des séries de mesure de moralisation de la vie publique, de dépolitisation des corps ; de relance et de crédibilisation de l’école ; de dialogue et de gestion de toutes les dissidences ;
- Rationaliser les textes et les structures ; octroyer les outils, digitaliser les procédures, former les personnels ; rendre la transition numérique effective ; soutenir l’innovation et les inventeurs ;
- Diminuer sensiblement la dépense nationale ; mobiliser l’épargne ; préserver le patrimoine, gérer l’eau ; responsabiliser les communautés ; stopper les évasions et les pertes, rattraper les manques à gagner ; encourager l’investissement.
On pourrait, à l’analyse, retrouver en ces points, de quoi faire un programme de gouvernement.
La Transition politique malienne a connu sa « rectification de trajectoire », elle doit passer maintenant à la phase du redressement du projet, pour se tenir droit et marcher, abandonner les béquilles, reléguer les poids morts et enlever les épines du pied. Toutefois, elle avancera difficilement vers l’objectif, sans la confiance des Maliennes et des Maliens ; confiance indispensable pour la sécurisation du pays ; confiance nécessaire pour le retour à la normale et le vivre ensemble. Elle doit donc éviter de prendre trop de décisions, qui la dispersent, et se concentrer au maximum sur le seul métier qui vaille : la refondation active de l’État, à pas de charge, comportant :
- L’élaboration d’une constitution africaine propre, avec des institutions émanant des territoires et de leurs légitimités, et l’officialisation des langues nationales, gages de la souveraineté recouvrée.
- La campagne de dissémination et d’appropriation du texte constitutionnel par les citoyens.
- L’adoption diligente d’une législation de mise en cohérence du corpus légal du Mali kura.
- La restructuration du système politique, suivant le nouvel ordonnancement juridique.
- L’assainissement de l’environnement associatif, syndical et médiatique.
- La mise en place des dispositifs préparatoires des scrutins à venir.
- L’organisation conforme des consultations référendaire et électorales.
- La reterritorialisation et l’installation des nouvelles autorités.
La vérité finit toujours par triompher sur le mensonge. Soyons toujours du côté des justes, et sachons apprécier les gens de bonne foi, car Dieu protège l’innocence. La réussite est à notre portée. Il ne faut simplement pas se tromper de conseil ni d’ennemi.
Les malhonnêtes, au bout de mon index, visent leur satisfaction qui prime sur l’intérêt général. Et toi, qui es-tu ?
Mohamed Salikènè Coulibaly, Ingénieur