Mody Niang était l’invité de Seneweb, le 22 novembre dernier. Et l’on ne fut pas déçu : verve, sens de la formule et conviction dans les idées. Ce fut également un moment de défense passionnée de Ousmane Sonko, de Bassirou Diomaye Faye et des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF). À voir ainsi Mody Niang avoir des yeux de Chimène pour ce mouvement, je n’ai pu m’empêcher de m’interroger sur la fascination qu’exerce M. Sonko sur les gens de gauche.
Madièye Mbodj déclare ainsi, dans un entretien accordé au Quotidien que M. Sonko “incarne la Gauche nouvelle contemporaine”. Notre ami, l’excellent Siré Sy, va dans le même sens et fait une filiation entre Majmouth Diop et le Parti africain de l’indépendance (PAI), le Mouvement Révolutionnaire pour une Démocratie Nouvelle (MRDN), And-Jëf/Parti africain pour la démocratie et le socialisme (AJ/PADS) et PASTEF. “Nous sommes en train de connaître le troisième temps fort de la révolution politique nationale sénégalaise, avec le Pastef et Ousmane Sonko, analysait M. Sy, par ailleurs candidat à la Présidentielle. Avec en renfort, des figures titulaires de la Gauche organique telles que Dialo Diop qui a parcouru le temps politique contemporain au Sénégal et qui est là depuis Senghor et a mené tous les combats depuis Senghor jusqu’à aujourd’hui. Il y aussi une cohorte de personnalités issues soit du RND de Cheikh Anta Diop, d’AJ /PADS voir même du PIT, qui se sont retrouvés allègrement dans le projet de Pastef”.
Il me semble qu’il y a un biais cognitif chez ces gens et qu’ils me donnent l’impression de croire ce qu’ils veulent croire et non ce qu’ils voient.
Je ne suis pas sûr que M. Sonko lui-même fasse sien le signifiant gauche. Une anecdote révélatrice : aux partisans de Macky Sall qui accusent ses supporters de dénigrer les chefs religieux, le maire de Ziguinchor a rappelé que le chef de l’État a appartenu “à un mouvement qui croit fermement au fait que la religion est l’opium du peuple”. Une allusion au passé de militant dans un parti d’obédience marxiste, AJ justement, du chef de l’État. Il me semble que même le social-démocrate le plus modéré n’aurait pas utilisé cet angle d’attaque pour dénigrer son adversaire situé plus à gauche que lui.
PASTEF se veut révolutionnaire dans son programme de transformation du Sénégal. Mais tout mouvement révolutionnaire n’est pas forcément de gauche. À ce titre, je recommande fortement la lecture de l’essai “La Droite révolutionnaire” de l’historien isrélien Zeev Sternhell.
En résumé, la dimension conservatrice, illibérale (au sens des valeurs) et autoritaire de M. Sonko me saute plus aux yeux que ses idées progressistes. Ce qui explique d’ailleurs qu’il soit adoubé par des figures comme Dame Mbodj ou Cheikh Oumar Diagne, très engagés dans des thématiques sociétales telles que l’avortement ou l’homosexualité. “Je me retrouve à 90% dans le discours de Sonko”, disait d’ailleurs M. Diagne dans un entretien accordé à Seneweb, le 26 août 2022. Entre Cheikh Oumar Diagne et Dialo Diop, le spectre du sonkisme est décidément bien large.
La leçon de PASTEF à BBY
Vendredi passé, les membres de la section Dakar de la coalition Benno Bokk Yaakar ont procédé à un bilan de leur campagne de collecte de parrainages. Cet événement, censé être un moment de communion, a donné lieu à un triste spectacle avec des échauffourées entre militants d’un même “camp”. Une scène loin d’être inédite, puisqu’en juillet dernier, une bagarre avait éclaté au même endroit entre des individus présentés comme des partisans de Abdoulaye Diouf Sarr et du Premier ministre, Amadou Ba. Rappelons également que du gaz asphyxiant a été aspergé, il y a moins d’un mois, lors du lancement de la campagne de collecte de parrainage des partisans de Me Malick Sall à Matam. Ceux-ci avaient accusé une faction locale rivale au sein de la coalition.
Tout cela pour dire que la coalition Benno Bokk Yaakaar souffre d’un véritable problème de discipline interne qui contraste avec l’image que renvoie le mouvement rival, PASTEF, où les militants communient en rang serré.
Je n’ai pas souvenir d’une rixe relatée dans les médias chez les “Patriotes”.
Par ailleurs, alors que la désignation de Amadou Ba comme porte-étendard de BBY a entraîné des candidatures dissidentes (Mame Boye Diao, Abdou Aziz Diop, Amadou Ba, Mahammed Dionne), l’intronisation de Bassirou Diomaye comme “plan B” de la coalition Sonko2024, n’a pas suscité de récriminations publiques au sein de ce camp. Mieux, une fois la désignation de M. Faye actée, ses autres concurrents à la candidature ont tout de suite publié un communiqué pour clamer leur adhésion sans réserve à cette décision.
Cette discipline interne, cette loyauté à un leader, privé de liberté et loin d’être en position de force, sont remarquables dans la vie politique sénégalaise, où vos alliés ont tendance à vous lâcher au moindre vent contraire.