Pour « prendre en compte les réalités socioculturelles, les us et coutumes », le gouvernement burkinabè a décidé de revoir le Code des personnes et de la famille, notamment sur les questions des pratiques sexuelles et de la conservation de la nationalité.
Au Burkina Faso, le discours guerrier du régime issu des deux putschs de 2022 se truffe de plus en plus d’appels à une sorte de « burkinabité », par la valorisation des racines sahéliennes, jusque dans les méandres de la vie intime. Après l’instauration d’un jour férié, le 15 mai, destiné à la célébration collective des coutumes et traditions, le gouvernement entend instiller, dans la vie familiale, des pratiques jugées marginalisées par les autorités précédentes.
C’est ainsi que le ministre de la Justice, des Droits humains, chargé des Relations avec les institutions vient d’introduire, en Conseil des ministres, un décret portant avant-projet du Code des personnes et de la famille (CPF), afin de prendre en compte « les réalités socioculturelles, les us et coutumes de notre pays ». Le texte propose, par exemple, la reconnaissance des mariages coutumiers et religieux par transcription sous le registre d’état civil. Jusque-là fixé à 20 ans, l’âge minimum pour se marier sera désormais de 18 ans, exceptionnellement 16 ans « sous autorisation du juge ».
La loi burkinabè entend également vérifier la combinaison des sexes des amants, sous les draps des chambres à coucher. Selon le ministre Edasso Rodrigue Bayala, le projet de CPF consacre ainsi que « l’homosexualité et les pratiques assimilées sont interdites et sont punies par la loi ». Une décision qui avait été suggérée par l’Assemblée législative de transition.
S’il reste à démontrer que les préférences sexuelles africaines sont historiquement éloignées des accouplements avec personnes du même sexe, le discours politicien local relie souvent le débat à une influence occidentale supposée prosélyte en la matière. Depuis des mois, le Conseil supérieur de la communication du Burkina Faso sanctionne les « chaînes de télévision qui font la promotion de l’homosexualité ».
Le Faso s’inscrit dans une tendance continentale à la discrimination accrue des personnes LGBT, comme en témoigne une loi récemment adoptée au Ghana. En Mauritanie, au Nigeria, en Somalie et désormais en Ouganda, la peine capitale est même prévue pour les homosexuels. Le Burkina de la rupture anti-impérialiste reviendra-t-il sur sa signature de plusieurs traités internationaux proscrivant la pénalisation de l’homosexualité ?
Dans l’arsenal du « bon Burkinabè », le projet de Code des personnes et de la famille prévoit également que le « fait de se comporter et d’agir contre les intérêts du Burkina Faso » constituera une « cause de déchéance de la nationalité burkinabè ». En juin, le ministre d’État Bassolma Bazié avait teasé la mesure : « Si tu quittes le pays pour aller t’asseoir ailleurs et t’attaquer à ton pays, on te raye de la nationalité. »
La communauté internationale désavouant la création d’apatrides, la plupart des nations ayant envisagé la déchéance de la nationalité l’ont généralement adossé à la détention d’un double passeport. La condition ne semble pas sine qua non pour le ministre Bazié : « Là où tu es, qu’ils te donnent la nationalité. »
Au Burkina du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR), la distinction entre « patriotes » extravertis et « apatrides » de cœur est déjà un sport national.