Le sujet des violences sexuelles est présent comme rarement, sept ans après la chute du producteur américain Harvey Weinstein, et cinq mois après la prise de parole, en France, de Judith Godrèche.
La comédienne, qui a accusé les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon de viols dans son adolescence, présentera mercredi un court métrage « Moi aussi », réalisé en hommage aux victimes.
« Son combat à Judith Godrèche, elle en fait un geste cinématographique, (…) pas un combat personnel », a souligné mardi le délégué général du Festival, Thierry Frémaux, sur France Inter.
Un temps fort, au moment où 100 personnalités, dont de nombreuses actrices (Isabelle Adjani, Emmanuelle Béart, Juliette Binoche…) appellent à une loi intégrale contre les violences sexuelles en France.
« Nos prises de parole #Metoo ont révélé une réalité plongée dans le déni: les violences sexistes et sexuelles sont systémiques, pas exceptionnelles. Pour autant (…) qui nous écoute vraiment ? », peut-on lire mardi dans la tribune publiée sur le site du Monde.
A Cannes, la maîtresse de cérémonie Camille Cottin a promis à l’AFP de ne pas oublier « les remises en question profondes » du métier.
« Il va y avoir des prises de paroles de personnalités fortes, puissantes, des femmes puissantes qui vont, elles aussi, porter une parole et qui sont des invitées importantes de cette cérémonie ».
Si aucune des personnalités invitées n’a fait l’objet de mises en cause publiques, neuf femmes ont accusé, la plupart anonymement, le producteur Alain Sarde, qui a produit des films de Bertrand Tavernier ou Jean-Luc Godard, de les avoir violées ou agressées sexuellement, révélait le magazine Elle lundi.
Le Festival de Cannes tout comme le site d’investigation Mediapart ont en revanche démenti les rumeurs persistantes d’une « liste » de personnalités du cinéma mises en cause pour ce type de faits.
« Il n’y a pas deux choses séparées, le festival d’un côté et tout ce qui se passe autour », a estimé Camille Cottin, faisant également référence au mouvement social des petites mains du Festival de Cannes, qui demandent moins de précarité et protestent contre le durcissement du régime d’assurance chômage.
– Rare sur la Croisette –
La soirée d’ouverture sera marquée par la Palme d’or d’honneur remise à la star de la soirée, Meryl Streep, 74 ans.
Légende d’Hollywood avec 21 nominations aux Oscars et des rôles dans des films aussi culte que « Le choix de Sophie » (1982), « Sur la route de Madison » (1995) ou « Le Diable s’habille en Prada » (2006), elle reste rare sur la Croisette.
Elle y croisera Greta Gerwig, une cinéaste qui l’a fait tourner dans « Les filles du docteur March » (2019).
Greta Gerwig, qui est depuis devenue la première réalisatrice à engranger plus d’un milliard de dollars de recettes avec un film, « Barbie », fera mardi ses premiers pas de présidente du jury cannois, un signe de plus de l’évolution des rapports de force dans le 7e art.
Côté glamour, elle retrouvera sur le tapis rouge les autres membres de son jury, dont Omar Sy, Eva Green et Lily Gladstone, avec lesquels elle a partagé lundi soir un premier dîner rose bonbon, Barbie oblige, concocté en son honneur par le chef des stars Jean Imbert.
Ils seront rejoints par le quatuor de stars françaises du film d’ouverture « Le deuxième acte », qui sort en même temps en salles: Léa Seydoux, Louis Garrel, Vincent Lindon et Raphäel Quenard.
Quentin Dupieux les a réunis pour une comédie sur le cinéma qui appuie là où ça fait mal, du politiquement correct à l’ego des acteurs.
La cérémonie d’ouverture pourra également célébrer une bonne nouvelle pour les cinéphiles: la venue inespérée à Cannes du cinéaste iranien Mohammad Rasoulof, tout juste condamné à cinq ans de prison, mais qui a fui son pays.
« Le ministère des Affaires étrangères nous aide à assurer son cheminement jusqu’à Cannes. On espère bien montrer le film en présence de son réalisateur », a affirmé mardi Thierry Frémaux.
Son film, « The Seed of the Sacred Fig », sera présenté au dernier jour de la compétition le 24 mai, à la veille du palmarès.