Dans la nuit de lundi à mardi, l’entreprise Astrobotic a indiqué qu’il ne restait qu’une quarantaine d’heures de carburant avant que l’engin ne devienne « incontrôlable ». A ce jour, seuls les Etats-Unis, l’Union soviétique, la Chine et l’Inde ont réussi à faire atterrir un appareil sur la Lune.
Le premier appareil américain devant tenter de se poser sur la Lune depuis plus de cinquante ans a rencontré une « anomalie » en vol, après son décollage réussi lundi 8 janvier, a annoncé l’entreprise Astrobotic qui l’a développé. « Malheureusement, il semble que la panne au sein du système de propulsion » cause « une perte critique » de carburant, a fait savoir la start-up dans une déclaration publiée sur X. « Nous sommes actuellement en train d’évaluer quels profils de mission alternatifs seraient possibles à l’heure actuelle. »
L’alunisseur a décollé avant l’aube lundi de la Floride, à bord de la nouvelle fusée Vulcan Centaur du groupe ULA, qui regroupe Boeing et Lockheed Martin.
L’appareil, nommé Peregrine, a été mis sous tension peu après sa séparation d’avec la fusée, et la communication a pu être établie avec succès. « Après l’activation du système de propulsion, Peregrine est entré dans un état de fonctionnement pleinement opérationnel », a expliqué Astrobotic. « Malheureusement, une anomalie est survenue, qui a empêché Astrobotic d’accomplir une orientation stable faisant face au Soleil », avait ajouté plus tôt la compagnie.
Or, l’alunisseur comporte des panneaux solaires qui doivent être dirigés vers le Soleil « afin de permettre une production électrique maximum », selon la documentation de l’entreprise. « Si c’est le cas », cela « met en péril la capacité du vaisseau à atterrir sur la Lune », a dit l’entreprise, précisant que les batteries de l’engin atteignaient des « niveaux opérationnels bas ». Une « manœuvre improvisée » a finalement réussi et « la batterie du vaisseau est désormais pleine », a plus tard déclaré la compagnie. Elle a cependant ajouté que le problème résultait d’un souci au niveau du système de propulsion, causant « une perte critique » de carburant.
Dans la nuit de lundi à mardi, Astrobotic a indiqué qu’il ne restait qu’une quarantaine d’heures de carburant à Peregrine avant que l’engin ne devienne « incontrôlable ». D’ici là, « le but est de parvenir à rapprocher autant que possible Peregrine de la Lune », a précisé l’opérateur, sans préciser si un alunissage en catastrophe serait le cas échéant tenté.
Astrobotic avait publié plus tôt une image montrant une partie de l’extérieur de l’appareil, visiblement endommagée : une photo qui appuie l’hypothèse d’un problème de propulsion.
La mission a provoqué une controverse
Peregrine a été développé par Astrobotic avec le soutien de la NASA, qui a chargé cette entreprise de transporter jusqu’à la Lune du matériel scientifique – un contrat de 108 millions de dollars. Si Astrobotic parvient à se poser sur la Lune comme prévu le 23 février, elle pourrait devenir la première entreprise à réussir cet exploit.
Ces dernières années, des compagnies israélienne et japonaise ont tenté d’atterrir sur la Lune, mais ces missions se sont soldées par des crashs.
« Mener le retour de l’Amérique sur la surface de la Lune, pour la première fois depuis Apollo, est un immense honneur », avait déclaré lors d’une conférence de presse vendredi le patron d’Astrobotic, John Thornton. Il s’était toutefois dit conscient des risques d’échec.
Le lancement inaugure une série de missions soutenues par l’agence spatiale américaine, qui souhaite se reposer en partie sur le secteur privé pour ses ambitions lunaires. Ces missions « soutiennent une économie spatiale privée en pleine croissance, en montrant la force de la technologie et de l’innovation américaines », s’était félicité juste après le décollage Bill Nelson, patron de la NASA.
Le lieu d’atterrissage visé pour l’engin est situé sur la face visible de la Lune, près de mystérieux dômes, formés par de la lave, mais que les scientifiques peinent à expliquer. Grâce aux instruments expédiés, la NASA doit y étudier la composition de la surface, ainsi que les radiations.
La mission a également provoqué une controverse : parmi les cargaisons de clients privés transportées, se trouvent les cendres ou l’ADN de dizaines de personnes, dont celles du créateur de la célèbre série télévisée de science-fiction Star Trek, Gene Roddenberry. Un partenariat avec l’entreprise Celestis, spécialisée dans les « vols spatiaux commémoratifs ».
L’envoi de ces cendres sur la Lune a suscité la colère de la tribu amérindienne Navajo, qui a fustigé la « profanation d’un lieu sacré » pour « beaucoup de cultures amérindiennes », sans toutefois obtenir le report du lancement.
Une étape majeure pour la NASA
Cette mission représente une étape majeure pour la NASA, qui cherche à encourager le développement d’une économie lunaire. Elle a ainsi passé contrat avec plusieurs entreprises, dont Astrobotic, pour l’envoi de matériel scientifique sur la Lune. Le programme, baptisé CLPS, fournit aux compagnies un financement crucial. Une autre entreprise sélectionnée, Intuitive Machines, doit également décoller pour la Lune mi-février avec une fusée de SpaceX.
Cette nouvelle stratégie doit permettre à la NASA « de faire le voyage plus souvent, plus rapidement et pour moins cher », a expliqué Joel Kearns, haut responsable au sein de l’agence spatiale. Ces missions qui étudient l’environnement lunaire doivent notamment permettre de préparer le retour d’astronautes sur la Lune, que la NASA prévoit avec son programme Artemis.
A ce jour, seuls les Etats-Unis, l’Union soviétique, la Chine et l’Inde ont réussi à faire atterrir un appareil sur la Lune. Une mission de l’agence spatiale japonaise, JAXA, doit également tenter un atterrissage dans environ deux semaines. La Russie a, pour sa part, spectaculairement raté un alunissage cet été.