Après avoir reçu en grande pompe nombre d’opposants au pouvoir en place au Mali, et soulevé l’ire des autorités de Bamako, jamais consultées, le régime algérien se tire une nouvelle balle dans le pied à travers un communiqué surprenant de son ministère des Affaires étrangères, qui frise la récidive malveillante. Dans ce communiqué, publié le jeudi 21 décembre, le chef de la diplomatie algérienne somme le gouvernement malien, à l’instar de ses opposants, de venir à Alger pour discuter des affaires maliennes. La réponse du gouvernement malien n’a pas tardé: l’ambassadeur du Mali en Algérie a été rappelé ce vendredi pour consultation à Bamako par «principe de réciprocité».
Alors que l’on s’attendait à ce que le régime algérien présente ses excuses au gouvernement malien, qui vient de se plaindre diplomatiquement, et à juste titre, des «ingérences» flagrantes et «inamicales» de l’Algérie dans ses affaires intérieures, c’est à une réciprocité inappropriée, aggravée par un communiqué surprenant du ministère algérien des Affaires étrangères frisant la méprise, que Bamako a eu droit.
Il est vrai que la bienséance est une qualité qu’ignorent les canons et les canaux diplomatiques du ministère algérien des Affaires étrangères qui, pour sauver la face après les revers et humiliations récurrents que le régime algérien ne cesse d’accumuler sur les plans régional et international, réagit toujours à travers des communiqués insultants, pêle-mêle envers l’ONU, le Conseil de sécurité ou les pays voisins d’Europe et d’Afrique.
Imposer la «pax algeriana»
Mais le dernier communiqué pondu par le département d’Ahmed Attaf, le jeudi 21 décembre, est un concentré du manque de respect avec lequel l’Algérie traite ses voisins, car il laisse entendre que le Mali est sa chasse gardée, et qu’il doit à ce titre être régi par la «pax algeriana» à «l’exclusion de toutes les autres».
Au lieu de faire son mea culpa, suite au communiqué publié le mercredi dernier par le ministère malien des Affaires étrangères, où ce dernier exige d’Alger de cesser immédiatement ses ingérences et actes inamicaux à l’égard du Mali, le régime algérien a préféré sortir la règle de la réciprocité en convoquant à son tour l’ambassadeur du Mali à Alger, Mahamane Amadou Maïga, prétextant que cette convocation serait «en relation avec les récents développements de la situation dans ce pays», rapporte le communiqué du ministère des Affaires étrangères algérien.
En d’autres termes, ce communiqué veut signifier aux autorités maliennes que l’Algérie persistera dans son ingérence dans les affaires intérieures du Mali, car, «historiquement», ajoute le communiqué, l’Algérie a toujours contribué «à la promotion de la paix, de la sécurité et de la stabilité au Mali» et qu’elle ne «déviera pas» de cette voie.
Ahmed Attaf aurait expliqué à l’ambassadeur du Mali que «les récentes rencontres avec les chefs des mouvements signataires de l’Accord de paix et de réconciliation au Mali issu du processus d’Alger s’inscrivaient parfaitement dans la lettre et l’esprit» des communiqués précédents sur la situation au Mali et l’accord d’Alger.
L’Algérie a même poussé le bouchon très loin dans son communiqué du jeudi 21 décembre, en ajoutant que «Attaf a formé le vœu que le gouvernement malien, en droite ligne de l’expression de son attachement à la mise œuvre de cet accord, s’associe aux efforts actuellement entrepris par l’Algérie à l’effet de lui donner un nouvel élan». Ce qui signifie clairement que le gouvernement malien doit lui aussi envoyer des émissaires à Alger, où continueront à se discuter les affaires maliennes.
L’ingérence algérienne, la réplique malienne
Mais si l’Algérie ne cache pas son ingérence au Mali et tente même de la justifier par son statut de parrain de l’accord d’Alger de 2015, signé entre les rebelles touaregs du nord du Mali et les autorités de Bamako, elle n’a à aucun moment abordé les raisons qui l’ont poussée à accueillir l’imam Mahmoud Dicko, opposant à l’actuel pouvoir au Mali, et qui n’a rien à voir avec les mouvements touaregs, puisqu’il appartient à l’ethnie peule. Vu que ce dernier a été reçu publiquement par le président algérien Abdelmadjid Tebboune, flanqué du chef des renseignements extérieurs algériens, le général Djebbar M’henna, les autorités maliennes ont toutes les raisons de croire qu’Alger est en train de leur préparer un nouveau mauvais coup.
Le gouvernement malien n’a pas tardé à répliquer: l’ambassadeur du Mali en Algérie a été rappelé ce vendredi pour consultation à Bamako par «principe de réciprocité», selon un communiqué transmis par le ministère malien des Affaires étrangères, illustrant l’aggravation des tensions entre les deux pays, qui atteignent désormais un point culminant.
Par Mohammed Ould Boah