Le dernier coup de semonce qui a fini par enterrer le G5 Sahel a été donné par le Burkina Faso et le Niger en se retirant de l’organisation anti djihadiste créée en 2016. Le retrait de ces deux pays vient compléter à trois sur cinq les pays qui l’ont quitté sous prétexte qu’elle n’a pas été à la hauteur de l’espoir et de l’espérance que les Etats membres ont placé en elle. Donc le G5 Sahel est mort, vive l’Alliance des Etats du Sahel, l’AES. Cette nouvelle organisation qu’est l’AES fait non seulement naître de l’espoir comme d’ailleurs celle qui l’a précédée, à savoir le G5 Sahel, mais aussi et surtout suscite beaucoup d’interrogations sur son avenir et l’impact sur les peuples dont elle est censée défendre les intérêts. En effet, c’est en réponse aux sanctions infligées par la CEDEAO aux trois Etats que l’AES a été Portée sur les fonts baptismaux pour non seulement défendre les intérêts des pays membres en détresse, mais aussi minimiser l’embargo de la CEDEAO par une solidarité accrue tant sur le plan sécuritaire que financier. En dépit de l’engouement et de la détermination de ses initiateurs, l’AES porte trois gros handicaps.
Si incontestablement les trois pays de l’AES ont établi une chaine de solidarité entre eux afin de juguler la crise sécuritaire sur leur espace, il n’en demeure pas moins que le nouveau bébé porte des handicaps certains
Le premier handicap serait les conditions de la création de l’AES, celles d’une rupture avec les pays de la CEDEAO, de l’Union Africaine et d’une partie de la Communauté internationale incarnée par l’occident. Cette alliance loin d’être un regroupement pour défendre les intérêts matériels et moraux des Etats qui la composent, est une réponse cinglante à la CEDEAO. Cette posture belliciste et belliqueuse de la part des initiateurs de l’Alliance éloignerait l’organisation de ses objectifs fondamentaux car elle n’aura pas le soutien d’un pan indispensable pour l’atteinte de son objectif ultime qui est celui de la lutte contre le terrorisme.
Le deuxième handicap serait politique ; En effet, si nul ne pourrait contester la relative popularité des militaires au pouvoir, les autorités actuelles des trois pays qui composent l’AES sont toutes issues d’un coup d’Etat, donc leur légitimité est mise à rude épreuve tout comme leur longévité au pouvoir. Sauf si elles veulent garder contre vents et marais le pouvoir, ce qui serait d’ailleurs une équation à plusieurs inconnues, sinon elles sont appelées à rendre le pouvoir à des autorités civiles, celles-ci vont-elles pérenniser les acquis des autorités qui les ont précédées ? La réponse serait non car la création de l’AES n’a fait l’objet d’aucun consensus encore moins une large unanimité au sein de la classe politique et de la société civile. Donc l’alliance ne survivra pas au-delà du temps de ses initiateurs au pouvoir. La logique aurait voulu que pour une telle initiative tous les acteurs voire tous les segments de la vie socioprofessionnelle soient impliqués en amont pour plus d’inclusivité et de consensus. Donc la couronne politique nécessaire pour donner une longévité à l’alliance manque à la reine AES.
Le troisième handicap est d’ordre financier Il est indéniable que l’un des obstacles qui ont empêché le G5 Sahel de fonctionner normalement est le problème de financement de ses activités. L’argent étant le nerf de la guerre est celui qui manque le plus sous nos tropiques aujourd’hui . Avec des Etats sous embargo financier des organisations sous régionales et en proie à la guerre contre les terroristes comment pourraient-ils réaliser leurs ambitieux projets ? Dans les déclarations de bonnes intentions des ministres des affaires étrangères de l’AES, accent a été mis sur la création d’une banque d’investissement, d’une compagnie aérienne et à terme d’une monnaie unique aux pays de l’alliance. Sauf qu’entre une initiative et sa réalisation le faussé est souvent très large. Donc le problème d’argent risque de mettre en mal les belles initiatives annoncées en grandes pompes par les autorités de l’AES
En somme, il serait une grosse erreur de la part des autorités des pays qui composent l’AES de fermer la porte du dialogue avec la CEDAO afin de réunir toutes les chances de leur côté et faire face aux multiples défis qui assaillent le sahel. S’il est normal de diversifier les coopérations et les relations de partenariat, il serait tout aussi logique de coopérer avec tout le monde pour multiplier les chances de réussite.
Youssouf Sissoko