En plus du fait que le pouvoir de Transition n’a pas le soutien souhaitable des pays occidentaux et de certains voisins, les autorités peinent à avoir l’adhésion de la majorité des forces vives du pays. Ce qui condamne le chef de l’Etat à des calculs méticuleux…
Le président de la Transition, le Col Assimi Goïta doit-il gouverner comme marchant sur des œufs ? Des signaux semblent l’indiquer. Car, même sur le plan sécuritaire, les signaux ne sont pas si rassurants, puisque le pays demeure toujours confronté à la menace terroriste. A ce contexte qui impose une vigilance accrue des forces de défense et de sécurité, s’ajoute une situation sociopolitique plutôt tendue. Celle-ci s’explique aussi par la prolongation de la transition, qui a fini par ranger l’agenda électoral au placard.
Or, il est de notoriété que cette Transition n’est suffisamment inclusive, puisque des pans entiers des forces politiques ont été mis à la touche. Pis, les activités des partis et mouvements politiques ont été suspendus, alors qu’un « dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale » a été organisé récemment. Mais ce forum est vite apparu comme un saupoudrage pour justifier une troisième prolongation au délai illimité pour les politiques . Ce qui a pu frustrer des chapelles politiques qui l’ont boycotté…
Comme si tout cela ne suffisait pas, parmi les forces politiques de soutien au pouvoir de Transition, des fissures de déceptions et de désaccords sont apparues au grand jour. Ce qui a fait que le M5-RFP s’est fragmenté au point que même le clan fidèle au Premier ministre a ostensiblement affiché ses critiques, dans un mémorandum, dont le signataire, un chargé de mission du chef du gouvernement est actuellement en détention. Ce mémorandum fustige la gestion du pouvoir … «Certaines pratiques de l’ancien système, qui jurent avec les intérêts supérieurs du peuple malien, refont surface à travers des arrestations et détentions extrajudiciaires, notamment de membres du M5-RFP… », dénoncent les partisans du Premier ministre Choguel Maïga dans ce mémorandum. Ce qui a valu une procédure judiciaire avec placement sous mandat de dépôt de Bouba K. Traoré. Ce sera du reste le deuxième cadre proche du Pm a être détenu dans des querelles politiciennes, après Abdel Kader Maïga. Ce qui a poussé Choguel à faire une récente sortie plutôt osée au lendemain de la tabaski.
Et plus d’un observateur se demande comment un Premier ministre de Transition peut s’épancher si aisément en dénonciations et être gardé aux affaires. « Personne ne peut dire qu’il y a un point faux dans le mémorandum, qui est à l’origine de son (NDLR : Bouba K. Traoré) arrestation ». Et de protester : « On ne peut pas prendre un mémorandum de plusieurs pages et s’agripper sur moins d’un tiers du document en laissant tomber les deux tiers et sortir les cadavres des placards, pour ensuite arrêter les gens ».
Ces prises de positions, assez choquantes pour le chef de l’Etat, devraient le pousser à limoger le locataire de la primature. Mais, le Col Assimi Goïta a dû calculer qu’il ne faut pas ouvrir un autre front. Donc, en fin tacticien, le chef de l’Etat doit s’imposer à lui le devoir conserver Dr Choguel Kokalla Maïga et ses partisans dans l’attelage institutionnel, pour un temps de répit, permettant de contrer d’autres adversités.
Celles-ci émanent aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur du pays, confronté à d’énormes défis d’ordre socio-économique. La grogne relative à la vie chère, aux délestages électriques, au front social n’est-elle pas une réalité ? Sans compter qu’il y a de temps en temps, des tentatives de manifestations sociopolitiques interdites, dans un contexte sous-régional et international tendu et plus que difficile.
Dans cette situation, la Transition malienne fait face à beaucoup de menaces, au point que le chef de l’Etat se trouve dans l’obligation de réfléchir par deux fois avant de prendre certaines décisions stratégiques. Heureusement qu’il conserve une dose de popularité non négligeable au sein l’opinion nationale et de la diaspora. Mais, il urge d’ajuster la gouvernance en lui apportant une onction d’inclusivité, avec des gestes forts comme une amnistie générale, pour consolider « l’union sacrée » nécessaire.
Boubou SIDIBE/maliweb.net