Le Mali, troisième producteur d’or en Afrique et un acteur clé sur le marché mondial, fait face à une dynamique minière complexe depuis l’arrivée au pouvoir des militaires en août 2020. L’exploitation aurifère, moteur essentiel de l’économie du pays, est aujourd’hui au cœur de tensions politiques, économiques et géopolitiques. Le gouvernement malien cherche à renforcer son contrôle sur ses ressources naturelles, en particulier l’or, dans un contexte marqué par la montée des tensions avec les compagnies minières étrangères et « l’influence » croissante des acteurs non occidentaux comme la Russie.
Le pays traverse une crise politique sans précédent depuis 2020. Après deux coups d’État militaires, le colonel Assimi Goïta, aujourd’hui général, a pris le pouvoir et a mis en place une transition politique. L’une des priorités de cette transition est la restauration de la souveraineté nationale, en particulier en ce qui concerne les ressources naturelles telles que l’or. L’exploitation minière, qui représente environ un quart du budget national et près de trois quarts des recettes d’exportation, est un secteur stratégique pour le pays.
Le gouvernement malien actuel se positionne comme un acteur majeur de la gestion de ses ressources naturelles, cherchant à maximiser les revenus tirés de l’exploitation minière, tout en limitant l’influence des entreprises étrangères. L’or malien a donc pris une dimension géopolitique, avec des implications économiques et diplomatiques complexes.
Les entreprises étrangères dominent l’exploitation aurifère au Mali. Des géants comme Barrick Gold (Canada) et Resolute Mining (Australie) contrôlent une part importante de la production minière, ce qui place l’État malien dans une position de négociation difficile. La situation s’est tendue récemment, avec des arrestations de cadres de compagnies minières, des enquêtes judiciaires et des accusations de fraude fiscale.
L’affaire Resolute et les arrestations
Le cas de la compagnie australienne Resolute Mining, qui exploite la mine de Syama, dans le sud du Mali, a été emblématique des tensions récentes. Trois cadres de la société ont été arrêtés à Bamako, accusés de faux et d’atteinte aux biens publics. Cela fait suite à des accusations de mauvaise gestion et de non-respect des engagements fiscaux. Le gouvernement malien met un accent particulier sur la transparence des activités minières et sur la collecte des taxes et redevances, qu’il considère comme une source cruciale de financement pour ses projets de développement.
Les difficultés de Barrick Gold
Barrick Gold, exploitant le complexe aurifère de Loulo-Gounkoto, a également été confrontée à des tensions avec le gouvernement malien. Après l’arrestation de plusieurs de ses employés en septembre 2024, l’entreprise a été forcée de négocier avec l’État malien et a accepté de verser une amende de 50 milliards F CFA. Toutefois, le gouvernement a accusé la société de ne pas avoir respecté ses engagements, ce qui a conduit à des négociations difficiles.
Ces tensions révèlent la volonté du pouvoir actuel de s’assurer que les bénéfices tirés de l’or profitent davantage à la population malienne.
Le gouvernement de transition cherche à maximiser les retombées de l’exploitation minière pour renforcer son budget et financer ses projets de développement. La réforme du Code minier, adoptée en août 2023, vise à augmenter la part de l’État dans les projets miniers, passant de 20 % à 30 % dans les sociétés exploitant l’or. Ce changement est perçu comme une volonté de rééquilibrer les relations avec les compagnies minières et de s’assurer que l’État malien bénéficie pleinement de ses ressources naturelles.
Parallèlement, le pouvoir s’efforce de combattre la corruption, un fléau historique du secteur minier, bien que certains observateurs soulignent que ces efforts peuvent parfois être perçus comme une forme de répression politique.
L’État malien souhaite également diversifier ses partenaires économiques et diplomatiques, en cherchant à tisser des liens plus forts avec des pays non occidentaux, notamment la Russie, tout en réduisant l’influence des puissances occidentales.
Les politiques du gouvernement malien pourraient avoir des répercussions diverses sur les populations locales, notamment celles des zones minières. D’une part, la pression accrue sur les compagnies minières pourrait se traduire par un accroissement des investissements publics dans les infrastructures et les services sociaux, au bénéfice des communautés locales. L’amélioration des conditions de vie et des emplois dans les zones minières pourrait ainsi constituer un avantage pour la population malienne.
La situation comporte aussi des risques. Les tensions politiques et les actions contre les compagnies minières pourraient conduire à un ralentissement de l’activité minière, voire à des désinvestissements étrangers. Ce scénario pourrait entraîner une baisse des revenus fiscaux et des emplois dans un secteur essentiel à l’économie malienne.
De plus, les travailleurs des mines, souvent exposés à des conditions de travail difficiles et à des risques sanitaires, pourraient voir leur situation se détériorer si les compagnies réduisent leurs investissements ou quittent le pays.
La présence croissante de la Russie au Mali, notamment à travers le groupe paramilitaire Wagner, ajoute une dimension géopolitique complexe à la situation. Le rapport « The Blood Gold Report », publié fin 2023, a révélé que l’État malien utiliserait les recettes fiscales provenant des sociétés minières occidentales pour financer la présence de Wagner. Bien que les autorités maliennes aient nié tout lien direct avec le groupe, les fonds générés par les entreprises minières contribueraient indirectement à financer les activités de ces mercenaires.
Les relations entre le Mali et la Russie se sont intensifiées depuis 2021, en particulier après la suspension des relations diplomatiques avec la France et l’Union européenne. Moscou, qui cherche à renforcer son influence en Afrique, pourrait tirer parti des ressources minières du Mali pour consolider son pouvoir économique et politique. Le projet de création d’une raffinerie d’or en partenariat avec des sociétés russes pourrait, si elle se concrétise, permettre à la Russie de jouer un rôle plus direct dans le secteur aurifère malien.
En somme, la situation des compagnies minières au Mali reflète les tensions croissantes entre le pouvoir militaire malien et les entreprises étrangères dans un secteur stratégique pour l’économie du pays. Si l’exploitation aurifère peut offrir des opportunités de développement pour les populations locales, elle expose également le Mali à des risques géopolitiques et économiques, notamment en raison de l’ingérence de puissances étrangères.
Le défi pour le gouvernement malien sera de maintenir un équilibre entre l’exploitation des ressources naturelles, le respect des engagements internationaux et la satisfaction des attentes de la population. La gestion du secteur minier malien pourrait redéfinir l’avenir de l’économie du pays et les relations entre le Mali et ses partenaires internationaux.
Reste à savoir si le Mali pourra exploiter son or de manière durable tout en préservant ses intérêts souverains et en garantissant un développement équitable pour ses citoyens.