Après près de dix années de mise en œuvre laborieuse, le sort de l’Accord issu du processus d’Alger est jeté. Faute de pouvoir accorder leurs violons, les principales parties signataires se sont résignées à acter l’impossibilité de la sauver et viennent d’en trancher le nœud gordien par un brusque retour au bellicisme. Même aveu d’impuissance du côté des principaux parrains du processus, dont la lassitude a pris forme au fil des désertions du CSA (Comité de Suivi de l’Accord) sur fond d’intransigeance et d’intérêts incompatibles entre adeptes d’un accord intangible et tenants d’un courant spontané de sa remise en cause. Il en résulte l’évidence d’un renoncement tacite aux maigres acquis engrangés ainsi que l’annihilation d’efforts sisyphiens et d’énormes moyens déployés pour entretenir les instruments de concrétisation de l’APR. Par-delà, le CSA, sont également passés par pertes et profits les DDR, les MOC, l’armée reconstituée, etc., autant d’avancées embryons naguère brandis comme des symboles et gages de volonté étatique. Idem pour d’autres acquis précieux comme la conférence d’entente nationale ou encore les CVJR, tout aussi voués à l’effondrement et au gâchis, au nom de la détermination à en découdre par l’épreuve de force. Exit les dialogues sans fin et les interminables tiraillements sur les modalités et priorités dans l’application. Et pour cause, la guerre d’usure entre les protagonistes de l’Accord a tourné pour de vrai en reprise des hostilités que traduisent les rappels de troupes et les appels bellicistes, les disputes et assauts sanglants de positions militaires, les opérations meurtrières et les revendications de pertes infligées au camp opposé, etc. En définitive, après l’observance d’une décennie de cessez-le-feu, consécutivement au sanglant épisode de Kidal, la belligérance longtemps latente embrase à nouveau le septentrion. Elle revient à l’allure d’une jonction quasiment assumée des groupes rebelles et terroristes, avec un tribut civil de plus en plus insupportable, tant par les pertes innombrables en vies humaines que par les mortels sevrages et privations qu’inflige la guerre aux survivants. En témoigne le récent massacre aveugle de paisibles citoyens par plusieurs dizaines, au nom du blocage des canaux d’approvisionnement des principales villes du Nord.
Pas de quoi émousser, toutefois, les ardeurs à la guerre pour autant que chaque belligérant pourrait tirer parti de l’embrasement en cours. En effet, le contexte n’a jamais été aussi propice au retour en force des velléités séparatistes «Azawadien» nuancées certes par le compte qu’elles trouve dans l’issue du processus d’Alger mais jamais étouffé dans les intentions. D’autre part, la levée de boucliers qu’elle ambiante intervient comme pour trancher l’équation du chronogramme des élections et sauver les autorités de la gêne qu’elles en éprouvent devant vis-à-vis de la communauté internationale ainsi que d’une certaine classe politique divisée sur le sujet. L’embarras pourrait changer de camp d’autant qu’un enlisement sécuritaire désarçonne toute exigence de processus électoral et aussi longtemps que le crépitement des armes servira à étouffer les appels à l’ordre constitutionnel, la situation n’inspirera aucune initiative de paix et de réconciliation.
A KEÏTA