Une sévère critique de la politique de l’ancien président américain Barack Obama traverse le livre de la mère de James Foley, journaliste tué en Syrie en 2014, qui n’a pas compris pourquoi son pays l’abandonnait ainsi.
« American Mother » (éditions Belfond), de Diane Foley et de l’écrivain irlandais Colum McCann, est sorti en France le 4 janvier, et ne sera publié aux États-Unis que le 5 mars.
Ce journaliste indépendant de 40 ans a été décapité par des combattants de l’organisation État islamique dans le désert, devant une caméra. Les images ont servi la propagande du « califat » autoproclamé.
James Foley avait été enlevé 21 mois plus tôt: près de deux ans d’attente pour ses proches, à demander à l’administration d’agir. En vain.
D’autres pays obtenaient pendant ce temps-là la libération de leurs otages, comme la France celle de quatre journalistes (Didier François, Pierre Torres, Édouard Elias et Nicolas Hénin)… en payant secrètement des rançons, affirme Mme Foley, ce que Paris a toujours réfuté. Et Washington s’y refusait obstinément.
Diane Foley révèle dans son livre un échange tendu à la Maison blanche, fin 2014, trois mois après la mort de son fils.
« Jim (diminutif de James, NDLR) était ma priorité numéro un », dit le président.
« Il a peut-être été une priorité dans votre esprit, mais pas dans votre cœur », rétorque-t-elle. « Jim et les autres ont été abandonnés par notre gouvernement ». Ce à quoi M. Obama ne répondra pas.
– « Hyper condescendants » –
Une décennie plus tard, Diane Foley, venue promouvoir son livre à Paris avec Colum McCann, estime que si cet assassinat a servi à quelque chose, c’est à faire évoluer la politique américaine sur les otages. Elle était incompréhensible et invivable pour les familles. Non seulement les États-Unis ne payaient pas, mais l’exécutif menaçait de poursuites quiconque entreprenait de réunir une rançon.
Barack Obama lui-même a amorcé un tournant en 2015. Les États-Unis ne payaient toujours pas de rançon. Mais négocier avec les ravisseurs devenait autorisé. Et des cellules de crise ont été créées pour que les familles aient des interlocuteurs.
En 2020, une loi soutenue par les deux principaux partis politiques américains a créé un poste d’émissaire spécial pour les otages.
« J’étais tellement en colère! », dit à l’AFP Diane Foley, en se souvenant de la captivité de son fils. « Je supposais simplement que les gens essayaient de nous aider. Et la réalité, c’était qu’il n’y avait personne dont c’était le boulot de ramener Jim chez lui ».
« Ils me faisaient tourner en rond. Ils m’ont menti. Ils étaient hyper condescendants », ajoute-t-elle.
La doctrine à Washington, raconte encore « American Mother », était de reprendre les otages manu militari, grâce à des opérations des forces spéciales. Mais si les Américains étaient détenus avec des otages d’autres nationalités, cela supposait d’attendre que ces alliés des États-Unis aient terminé leurs négociations.
– « Perte d’un fils » –
Une opération de ce genre fut ainsi tentée en juillet 2014. Elle échoua, James Foley et les autres otages britanniques et américains ayant été déplacés entre-temps.
Il y eut pire: le jour où Barack Obama présenta ses condoléances aux Foley, il prenait des vacances devant les photographes. « J’aurais préféré qu’il ne fasse pas cette annonce dans un club de golf et ne se laisse pas photographier juste après », écrit Diane Foley.
Celle-ci, qui avoue à plusieurs reprises dans le texte combien elle est émotive, jusqu’à l’excès parfois, a délégué la rédaction à un professionnel de l’écriture, le journaliste et romancier Colum McCann.
L’Irlandais s’est intéressé à James Foley quand il était encore en vie, en le voyant sur une photo lire un de ses romans. L’assassinat lui a donné envie de connaître sa mère et de raconter leur histoire.
« C’est une histoire importante », explique-t-il à l’AFP. « Sur le journalisme. Une histoire sur la façon de s’impliquer en démocratie. Sur la compassion, le pardon, la perte d’un fils. Une histoire sur la colère aussi, et la violence ».