La Communauté économique des Etats d’Afrique de l’ouest (Cedeao), fracturée par de multiples crises, a lancé un appel à l’unité après une réunion d’urgence sur la situation au Sénégal et l’annonce de retrait de trois pays membres dirigés par des régimes militaires issus de coups d’Etat.
Des discussions à huis-clos ont eu lieu pendant plusieurs heures jeudi avant que les participants ne mettent un terme à cette session extraordinaire réunissant des ministres des Affaires étrangères et de la Défense des pays membres. Un communiqué final restait attendu vendredi.
Omar Alieu Touray, le président de la Commission de la Cedeao, a qualifié la crise sénégalaise, née du report surprise de la présidentielle du 25 février au 15 décembre, de « développement inquiétant » avant de lancer un appel à l’unité des pays membres.
« S’il y a bien un moment où la Cedeao doit rester unie, c’est maintenant », a martelé ce diplomate gambien dans la capitale nigériane Abuja.
Le chef du Conseil de médiation et de sécurité de l’organisation régionale Yusuf Maitama Tuggar a pour sa part exhorté le Niger, le Mali et le Burkina à faire marche arrière et ne pas quitter la Communauté ouest-africaine.
Il a averti qu’un retrait des trois pays sahéliens entrainerait des difficultés supplémentaires pour les citoyens ordinaires ». La Cedeao garantit en effet aux citoyens des 15 pays membres de pouvoir voyager sans visa et de s’établir dans les pays membres pour y travailler ou y résider.
L’annonce la semaine dernière du retrait burkinabè, nigérien et malien, suscite l’inquiétude de centaines de milliers de ressortissants de ces pays, particuliers ou commerçants.
« Nous sommes plus fort ensemble, en tant que communauté », a insisté M. Tuggar, également ministre nigérian des Affaires étrangères.
Mais il n’était pas clair vendredi de savoir si la Cedeao avait pris des mesures – et si oui, lesquelles – concernant les différentes crises qui mettent sa crédibilité en jeu.
Le projet d’ordre du jour de la réunion de jeudi avait inscrit la crise au Sénégal ainsi que le retrait annoncé des trois pays sahéliens.
Après la réunion, le président de la Commission de la Cedeao a indiqué à l’AFP que le Conseil n’avait pas discuté de la constitutionnalité du report de la présidentielle sénégalaise.
« Nous devons déterminer la constitutionnalité ou la non constitutionnalité (de ce report) avant de prendre ou d’imposer des sanctions », a-t-il ajouté. « Cela doit être fait et nous n’en avons pas discuté », a-t-il assuré.
« malheureux »
L’un des pouvoirs dont dispose la Cedeao est d’imposer de lourdes sanctions économiques, comme elle l’a fait à l’encontre du Mali et du Niger à la suite des récents coups d’Etat. Les experts estiment toutefois que le Sénégal est encore loin de ce stade.
Des ministres du Sénégal ont assisté à la réunion de jeudi, contrairement à leurs homologues du Burkina, Mali, Niger et Guinée, suspendus de la Cedeao après des coups d’Etat.
L’annonce du retrait des trois pays sahéliens est « malheureux », a de son côté indiqué jeudi le président béninois Patrice Talon. « Cela m’a beaucoup peiné. J’ai parlé avec l’un des trois chefs d’’Etat concernés et je lui ai dit que ce n’était pas bien ».
« Cette décision pénalisent les peuples » et « il n’y a pas de conflits entre les peuples de la Cedeao », a-t-il souligné.
La Cedeao avait demandé mardi au Sénégal, réputé comme un des bons élèves de l’organisation, de rétablir « de toute urgence » le calendrier de la présidentielle.
L’Union européenne, s’alignant sur la Communauté ouest-africaine, avait à son tour appelé à revenir au 25 février. Un autre allié, les Etats-Unis, a jugé illégitime le vote ajournant l’élection.
Ces partenaires du Sénégal ont exprimé leur inquiétude devant le risque de troubles, mais aussi devant le coup porté à la pratique démocratique dont le Sénégal est volontiers cité comme un exemple dans une région où se succèdent les putschs et les faits accomplis.
« Nous entendons bien ce message », a dit mercredi soir depuis le Nigeria le ministre sénégalais des Affaires étrangères Ismaïla Madior Fall à la télévision française France 24, « mais nous privilégions aujourd’hui la logique politique interne ».