26 juillet 2023 : les Nigériens se réveillent dans une incertitude matinale sur le sort un régime légitime et régulièrement installé il y a seulement deux années, plus d’une décennie depuis un scénario similaire dans ce pays. Le président Bazoum allait ainsi être déchu en dépit de sa réticence à se rendre car son refus de se démettre n’empêchera pas les putschistes, sous l’égide de sa propre garde rapprochée, d’accomplir leur besogne. Ainsi, après la dissolution des institutions, tard la nuit du 26 juillet, suivront la suspension de la constitution puis l’installation du chef de la garde présidentiel, Abdourahmane Tiani, dans ses nouvelles fonctions de chef de l’Etat et du Conseil national de Sauvegarde de la Patrie. En apparaissant la toute première fois sur les antennes de la télévision nationale pour assumer le coup d’Etat, le tombeur de proximité du président Bazoum a justifié son acte par «une dégradation de la situation sécuritaire» et a profité du contrôle de ce média public pour charger davantage son protégé sur la gouvernance d’un mandat en cour depuis deux années à peine. Trop court pour persuader l’observateur lucide, tandis que les adversaires du régime s’en délectent au point de surfer sur les vagues du sentiment anti-occidental.
Survenue 24 heures plus tard, cette tournure des événements, à défaut d’en être l’épilogue, clarifie tout au moins les intentions du CNSP d’ignorer les pressions et appels incessants au rétablissement de l’ordre constitutionnel. En effet, par-delà les protestations sporadiques des soutiens du régime auxquels ceux des putschistes ont vigoureusement répondu, les dénonciations et condamnations déferlent de toutes parts : des instances communautaires sous-régionales et régionales à certains pays voisins en passant par la communauté internationale et les pays dont les armées opèrent auprès des forces nigériennes dans le cadre de la lutte antiterroriste. On y dénombre notamment les États-Unis qui ont appelé, à l’instar de l’ONU, à la libération immédiate du président séquestré par la junte, tandis que la France ainsi que l’Union européenne disent «ne reconnaître » que le seul pouvoir de Mohamed Bazoum comme interlocuteur légitime. Après son retrait disgracieux du Mali et du Burkina, l’ancienne puissance coloniale y joue particulièrement le destin de son dernier rempart dans le Sahel et devrait logiquement s’interroger sur son utilité pour les régimes qui la soutiennent, lorsque ceux-ci dégringolent au nez et à la barbe de ses forces présentes dans le pays concerné. Ainsi, sa détermination à s’y maintenir est perceptible dans le ton de la réaction du président Emanuel Macron à qui l’Union européenne va solidairement emboîter le pas en suspendant son appui budgétaire jusqu’au rétablissement de l’ordre constitutionnel.
Les pressions se sont manifestées de façon tout aussi prononcée du côté de l’UEMOA par la fermeture systématique des guichets locaux de la BECEAO, tandis que les organisations humanitaires tirent la sonnette d’alarme sur les incidences latentes du putsch sur les populations en détresse d’un pays affecté par la crise au Sahel.
Avec le la diligence d’un sommet extraordinaire de ses chefs d’Etat sur le Niger, hier dimanche, la CEDEAO n’est pas en marge de la cadence. Et pour cause : l’institution sous-régionale y joue sa crédibilité, avec l’accession de l’avènement du président nigérian à sa présidence à coups d’annonces tonitruantes de fermeté contre les prises du pouvoir par la force. L’épisode nigérien survient en définitive en contrepoint de la nouvelle ère annoncée par ses menaces et mises en garde qu’ont inspiré à Bola Ahmed Tinubu les déstabilisations d’ordre constitutionnel dans la sous-région ouest-africaine. Car, à la l’issue d’un mini-sommet consacré à la problématique, une semaine auparavant, il prenait date par la ferme promesse de sonner le tocsin du syndrome putschiste et de veiller au strict respect des chronogrammes électoraux dans les pays actuellement en Transition à cause de coups d’Etat.
Par-delà ce pied-de-nez nigérien, l’institution sous-régionale joue en même temps sa survie face à un syndrome infectieux, qui provoque l’amputation de chaque nouveau membre qu’il atteint. Au risque de disparaître par attrition du cercle des États vertueux, la CEDEAO n’avait visiblement d’autre choix que d’arrêter la progression de la gangrène au seuil du Niger. C’est la lecture la plus plausible des dures sanctions infligées à ce pays ainsi que de l’ultimatum d’une semaine donné à ses autorités de fait pour réinstaller le président Bazoum dans ses fonctions. En attendant, le régime d’Abdourahamane Tiani devra entre le recul et la résilience devant la batterie de sanctions que les autorités de l’Uemoa ont conforté par des mesures de rétorsion jamais infligés à un pays : gel des avoirs, fermeture des frontières, interdiction de voyager, suspension des transactions financière et des échanges commerciaux y compris pour les hydrocarbures, fermeture des espaces aériens, etc.
A KEÏTA