Le jeu référendaire a finalement atteint son épilogue au bout d’une longue incertitude, mais le flou persiste toujours sur les enjeux qui demeurent entiers. Tout ou presque prédestinait le référendum actuel au même sort qui s’était abattu sur les précédentes tentatives ratées de révision constitutionnelle. Et pour cause : le processus, manifestement initié à des fins beaucoup moins sublimes que l’objet qui lui est associé, est parti du plus mauvais pied. Aux obstacles d’ordre constitutionnel et autres présomptions d’incompétence de son initiateur se sont ajoutées, en effet, les conditions très peu propices à la tenue d’une consultation référendaire sur un territoire à moitié occupé ou sous-administré au point d’être inapte au déroulement d’un scrutin.
C’est au mépris de tous ces écueils, somme toute, que les autorités de la Transition ont opté pour un processus au forceps : de l’élaboration du texte constitutionnel à la convocation du collège en passant par l’avènement d’une Autorité indépendante de gestion des élections installée dans l’impréparation qu’atteste par ailleurs l’abandon de l’essentiel de ses compétences et prérogatives au profit de l’administration. Le passage en force s’est en outre opéré aux dépens des normes habituellement applicables aux consultations avec notamment un fichier électoral et une identification des électeurs très approximatifs, une opacité dans l’an question du matériel électoral ainsi que dans le choix du dispositif dans son ensemble, entre autres irrégularités criantes.
Le laborieux attelage, selon toute évidence, est certes arrivé à destination mais forcément à bon port. Car, par-delà les lacunes relevées par les observateurs les plus regardants – et qui risquent d’affecter la légitimité du texte constitutionnel -, le train du passage à la 4ème République va achopper à coup sûr sur les gênantes aspérités et velléités de la donne Kidaloise. En dépit de la puissante machine diplomatique déployée pour les éviter, tout indique, en clair, que la soustraction de la 8ème région au contrôle de l’Etat malien implique une exclusion du territoire électoral du reste actée par la Médiation internationale après l’échec de celle-ci à accorder les violons sur les modalités de sa participation au référendum.
Après avoir surmonté les obstacles de tous les courants hostiles à tort ou à raison au processus, le passage à la 4ème République devrait en principe être freiné par l’ultime barrière infranchissable de Kidal, une localité rebelle qui fait figure d’unique opportunité de résistance de la Constitution de 1992 à l’abrogation. Certes le scénario pourrait être déjoué au moyen des mêmes arguments ayant prévalu au rejet par la Cour constitutionnelle des requêtes en annulation des opérations référendaires, mais une validation du nouveau texte constitutionnel sans les suffrages des concitoyens d’une région entière ne tolère aucune argumentation juridique tirée par les cheveux et serait lourde de brèches ouvertes aux interprétations et aventures hasardeuses sur fond de péril sur l’unité du pays. Déconnecté du reste du territoire depuis une douzaine d’années environ, la région de Kidal, sous contrôle d’anciens mouvements rebelles avec la présence symbolique de l’administration malienne, ne se sera jamais autant rapproché d’une formalisation de son détachement définitif au regard de l’opportunité qui lui est offerte de se soustraire à la loi fondamentale du Mali. En tant que garant de fait de l’unité nationale et de l’intégrité territoire, les hautes autorités de la Transition ont le devoir de choisir entre un renoncement au projet constitutionnel synonyme de sauvetage de la constitution en vigueur et une persistance dans leur refus du recul pouvant consacrer la partition définitive du Mali. Elles n’auront jamais été autant soumises à l’épreuve du patriotisme dont elles se font l’unité de mesure et mesurable au Mali à l’aune de l’adhésion au pouvoir militaire.
A KEÏTA