L’Affaire aura défrayé la chronique, glacé les relations diplomatiques entre les deux pays, et entamé fortement le lien social entre les différentes communautés, de part et d’autre. Après moult remous, la délivrance vint par une grâce présidentielle accordée par le président de la Transition. Une délivrance qui suscita soulagement, mais aussi, de nombreuses interrogations.
D’entrée, l’on peut se demander sur l’utilisation d’une telle prérogative par le Chef de la Transition qui est prévue à l’article 45 de la Constitution malienne est de l’ordre de la « normalité juridique ». La loi fondamentale mentionne bien qu’il s’agit d’un pouvoir dévolu au « président de la République qui est aussi le président du Conseil Supérieur de la Magistrature ». Or, contexte oblige, le Colonel Assimi Goita, ne saurait être considéré comme président de la République, et de ce fait, ne pourrait se prévaloir d’exercer la prérogative d’octroyer une grâce présidentielle. Il s’agit là, de mémoire, d’une situation inédite qui restera dans les annales, mais qui ne devra point faire jurisprudence.
Un soucis d’orthodoxie institutionnelle et juridique qui en appelle un autre, c’est certainement le pouvoir qu’ont les magistrats d’exercer un contre-pouvoir au nom du respect de la Loi. Le contexte social de l’Affaire aurait découragé plus d’un à faire appel au scrupuleux veille de la marche judiciaire. Cependant, l’on sait que la grâce ne peut s’exercer que lorsque la peine prononcée soit définitive et exécutoire, c’est-à-dire que toutes les voies devront être épuisées. Autrement dit, lorsque le détenu ne peut contester sa condamnation. Ainsi, la grâce intervient en dernier ressort, lorsque la présomption d’innocence ne sera plus valable. A défaut de la grâce, seule l’amnistie est envisageable. Cette dernière est différente au sens qu’elle est assimilable à l’oubli de l’infraction commise.
Dans cette affaire, d’autres manquements peuvent être relevés. Toutefois, la grâce présidentielle aura été un facteur de règlement de conflit, et c’est tant mieux. Ce qui est, peut-être, regrettable, c’est une certaine forme de non-conformité qui donnerait l’impression que, finalement, le chef de l’État peut faire fi des règles et procédures.
Une grâce peut-elle annuler la quête de la vérité ?
Pour des crimes d’une telle gravité (crimes d’attentat et de complot contre le gouvernement, atteinte à la sûreté extérieure de l’État, détention, port et transport d’armes et de munitions de guerre), l’on peut affirmer que les soldats incriminés s’en sortent vraiment bien. L’on peut également s’interroger sur la portée juste d’une telle issue pour des individus accusés de vouloir grandement déstabiliser le pays. Une portée inhérente à la prérogative de grâce présidentielle de manière générale. Ce, alors que d’autres justiciables croupissent en prison pour des infractions pourtant inférieures. Cette grâce accordée à des individus rendus coupables de crimes aussi graves est un argument de plus à ceux-là qui criaient haut et fort que le dossier, dans le fond, n’était pas assez consistant pour en arriver au procès. D’autres esprits plus critiques, accusaient la Transition de politiser le dossier pour d’obscures raisons. D’autant que, faut-il le rappeler, la Justice malienne avait reconnu la nationalité ivoirienne de tous les militaires jugés.
A la lumière de tous ces faisceaux d’éléments, l’on peut en conclure que l’affaire aura connu un dénouement sans pour autant avoir livré tous ses secrets. Étaient-ils vraiment des mercenaires venus pour déstabiliser le pays ? Le gouvernement de Transition aurait-il profité des manquements et des dysfonctionnements quant à la procédure, comme l’avait reconnu l’ONU, pour d’autres fins ?
Ahmed M. Thiam