Une semaine après les inondations dévastatrices qui ont fait des milliers de morts dans la ville libyenne de Derna, secouristes locaux et étrangers s’activent dimanche à rechercher les corps de milliers d’autres personnes toujours portées disparues.
Dans cette ville de 100.000 habitants bordant la Méditerranée dans l’est du pays, le désastre a laissé un paysage de désolation: ponts coupés en deux, voitures renversées, camions fracassés, poteaux électriques et arbres déracinés et effets personnels maculés de boue, selon une journaliste de l’AFP sur place.
Mohammed Al-Zawi, 25 ans, vit dans une maison près de la plage de Derna. Il raconte à l’AFP avoir vu, la nuit du drame, « des flots d’eau emportant des voitures avec des gens à l’intérieur, des personnes et des biens. Tout a été déversé dans la mer ».
Selon un dernier bilan du ministre de la Santé du gouvernement basé dans l’est du pays divisé, Othman Abdeljalil, la catastrophe a fait 3.252 morts. Mais des organisations humanitaires internationales et des responsables libyens ont averti que le bilan final pourrait être beaucoup plus lourd en raison du très grand nombre de disparus, évalué à des milliers.
M. Abdeljalil a répété que seul son ministère était habilité à communiquer le bilan des morts, mettant en doute la crédibilité d’une multitude de chiffres qui circulent.
Le Croissant-Rouge libyen a ainsi démenti dimanche un bilan de 11.300 morts dans les inondations que lui a attribué le Bureau de l’ONU de coordination des affaires humanitaires (OCHA).
« Nous n’avons pas fourni de tels chiffres », a déclaré à l’AFP depuis Benghazi, grande ville de l’Est, son porte-parole, Taoufik Chokri.
– « Vu la mort » –
La tempête Daniel, qui a frappé Derna le 10 septembre, a entraîné la rupture de deux barrages en amont et provoqué une crue de l’ampleur d’un tsunami le long de l’oued qui traverse la cité. Elle a tout emporté sur son passage.
Mohamad Abdelhafidh, un Libanais résidant depuis des dizaines d’années à Derna, dit à l’AFP avoir « vu la mort ».
Il dormait quand il a senti une « secousse ». « J’ai cru à un tremblement de terre ». L’eau est montée jusqu’au niveau de son appartement, au 3e étage.
Les équipes de secours libyennes et étrangères annoncent retrouver des corps chaque jour, mais les recherches sont rendues difficiles par les tonnes de boue qui ont recouvert une partie de la ville.
Quotidiennement, des dizaines de corps sont extraits des décombres de quartiers dévastés par les inondations ou de la mer et enterrés dans un paysage apocalyptique.
D’après des habitants, la plupart des victimes ont été ensevelies sous la boue ou emportées vers la Méditerranée.
Dimanche, dans le port de Derna, trois plongeurs volontaires venus de l’ouest de la Libye se contentaient d’observer une équipe italienne de secours qui utilisait une caméra sous-marine pour chercher des corps dans l’eau.
Selon eux, Le Croissant-Rouge libyen leur avait demandé de laisser faire des « équipes spécialisées », « parce que la décomposition des corps représente un risque pour leur santé ».
Quand il est arrivé de Benghazi, Hamza al-Khafifi, un soldat, affirme avoir vu des corps éparpillés sur la corniche de Derna: « des vieux, jeunes, femmes, hommes et enfants ». « Il y avait des corps coincés entre les rochers. »
– « Beaucoup plus difficiles » –
« J’ai vu de mes propres yeux l’ampleur du désastre. Cette crise dépasse la capacité de la Libye à la gérer », a déclaré l’émissaire de l’ONU en Libye, Abdoulaye Bathily, après une visite à Derna samedi.
L’organisation des secours est rendue compliquée par le chaos politique qui règne dans le pays depuis la mort lors d’une révolte populaire du dictateur Mouammar Kadhafi en 2011: deux gouvernements, l’un à Tripoli (ouest), reconnu par l’ONU, et l’autre dans l’Est, se disputent le pouvoir.
Le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly a déclaré dimanche à la BBC que les équipes de secours doivent notamment « disposer de la logistique nécessaire, être en mesure d’arriver au bon endroit et (…) être en contact avec les autorités ». « Beaucoup de ces choses ne sont tout simplement pas en place (dans l’est de la Libye) et cela rend les choses beaucoup plus difficiles », a-t-il déploré.
La mobilisation internationale reste néanmoins forte. Les avions transportant des équipes de secours et d’assistance d’organisations internationales et de plusieurs pays continuent d’arriver à l’aéroport de Benghazi.
« En Libye, les dégâts provoqués par la tempête sont immenses. La France est solidaire. Notre hôpital de campagne est opérationnel », a annoncé dimanche sur X (ex-Twitter) le président français, Emmanuel Macron.
« Notre objectif maintenant est de travailler ensemble, en coordination », a déclaré de son côté depuis Derna le chef de la mission de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) en Libye, Tauhid Pasha, dans une vidéo publiée dimanche par son organisation sur X.