Tout commence le 27 mars 2022. Dans le village de Moura, localité située dans le cercle de Djenné, dans le centre du Mali, les habitants voient arriver des membres de l’armée malienne et des hommes blancs, sans doute des combattants du groupe Wagner.
Moura est situé dans une zone contrôlée par les djihadistes de la katiba Macina, affiliés au groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, et le village est assiégé au moins pendant quatre jours.
Des victimes qui attendent toujours justice
L’Onu estime un an plus tard dans un rapport qu’au moins 500 civils, dont une vingtaine de femmes et sept enfants, ont été massacrés lors de l’opération menée par l’armée à Moura. 58 femmes et jeunes filles ont par ailleurs été victimes de viol et d’autres formes de violences sexuelles, selon toujours l’Onu.
À la suite des accusations d’exactions, une enquête a été ouverte par les autorités maliennes, mais elle n’avance pas, selon Ousmane Diallo, chercheur pour le Sahel à Amnesty International.
« Personne n’a été traduit devant la justice, personne n’a été sanctionné. Les gens qui ont été victimes de ce massacre et les gens qui ont été victimes de ces violences sexuelles n’ont pas reçu de justice ni de vérité par rapport à ce qui est arrivé. Certains des ressortissants du village, des témoins et des rescapés ont été traqués et sujets à des intimidations de la part des forces de sécurité », explique le chercheur.
Des enquêtes en cours
Du côté de Bamako, on assure que l’enquête avance. Dans cette affaire le procureur de la République du pôle judiciaire spécialisé en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée a par ailleurs été saisie d’une plainte formulée par la direction générale du contentieux de l’État contre les membres de la mission spéciale d’établissement des faits du Haut-Commissariat des Nations unies aux Droits de l’Homme.
La plainte est intervenue à la suite de la publication du rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme sur les évènements de Moura.
Fousseyni Ouattara de la Commission de Défense et de Sécurité nationale et membre du Conseil national de la transition maintient que ce ne sont pas des civils qui ont été tués.
Il assure par ailleurs que « les enquêtes suivent leur cours » et que « c’étaient des terroristes avec même des instructeurs étrangers qui les encadraient » que l’armée malienne a affronté à Moura.
Les éventuelles raisons de la lenteur de l’enquête
Selon Ousmane Diallo, d’Amnesty International, plusieurs raisons pourraient expliquer la lenteur de la procédure judiciaire.
Selon lui, « l’ampleur de la situation est déjà un facteur parce qu’on parle de crimes de guerre, de crime contre l’humanité à Moura, et les responsabilités qui sont pointées du doigt sont les forces armées maliennes et leurs alliés militaires russes, Wagner sur le terrain ». Il rappelle par ailleurs que « le massacre de Moura est intervenu dans un contexte de discours de montée en puissance de l’armée ».
Selon le chercheur « les blocages sont plutôt politiques. Il n’y a pas de volonté de traduire des militaires en justice, car potentiellement ces militaires-là sont critiques pour la survie du régime. Ou bien des ordres ont été donnés de très haut et les militaires qui ont été sur le terrain n’ont fait qu’appliquer les ordres. »
Dans cette affaire, le département d’Etat américain a imposé des restrictions de visa à deux militaires maliens, le colonel Moustapha Sangaré et le major Lassine Togola. Tous deux ont été désignés comme étant responsables des éléments des forces armées maliennes ayant mené l’opération à Moura.
Auteur: Carole Assignon
Source ; DW