La BCEAO a relevé de 25 points de base ses taux directeurs. Elle porte ainsi le principal auquel elle prête ses ressources aux banques, de 3% à 3,25%.
La Banque centrale signale dans un communiqué que «cette décision intervient dans un contexte de montée des incertitudes au niveau régional, de persistance des tensions inflationnistes, de renchérissement des conditions financières sur les marchés internationaux et de moindre mobilisation de ressources extérieures». Son adoption «vise donc à anticiper et à contenir l’impact de ces facteurs de risque sur les perspectives macroéconomiques de l’Union», informe la même source.
Cette intervention de la BCEAO ne fait pas l’unanimité, notamment chez les économistes. Par exemple, l’enseignant-chercheur Cheikh Ahmed Bamba Diagne estime qu’elle permettra de maîtriser l’inflation tandis que Ndongo Samba Sylla pense le contraire.
Sud Quotidien a croisé les avis de ces deux experts. Le premier est directeur du Laboratoire d’analyse de la recherche économique et monétaire (LAREM) de l’UCAD. Le second est le directeur de la Recherche à la fondation Rosa Luxembourg.
«Si la Banque centrale augmente son taux d’intérêt, le coût du crédit devient cher. Et si le coût du crédit devient cher, la liquidité prêtable diminue», décrète Cheikh Ahmed Bamba Diagne qui ajoute que, à partir de là, par effet d’entraînement, la consommation, l’investissement, la production, la demande et, en fin de compte, les prix baissent successivement à leur tour. «Si le vendeur d’oignon a osé augmenter le prix, c’est parce qu’il y a de l’argent ; à défaut, il ne le ferait pas», clame l’enseignant-chercheur, à titre d’illustration de sa thèse.
De quel type d’inflation parle-t-on ?
«Les Banques centrales ne sont pas les organes les mieux placés pour combattre l’inflation», rétorque Ndongo Samba Sylla. L’économiste admet que si la hausse des prix relevée ces derniers mois était due à la demande, le relèvement des taux directeurs de la BCEAO aurait pu être efficace. Seulement, fait-il remarquer, l’inflation constatée en ce moment dans le monde est causée par l’offre, les coûts. «Ce type d’inflation, la politique monétaire n’y peut rien», jure le directeur de la Recherche à la fondation Rosa Luxembourg.
Ce dernier avance que, en réalité, la BCEAO n’a fait que suivre la Banque centrale européenne (BCE) qui lui dicte la cadence. «Le taux minimum de la BCE est passé de 00% en 2019 à 5% en juillet 2022 et depuis août 2023, le taux est ressorti à 4,25%. Quand on est arrimé à une monnaie fixe, on est tenu de suivre la tendance donnée par la Banque centrale d’ancrage qui émet la monnaie euro. Et c’est ce que la BCEAO fait», suggère Ndongo Samba Sylla.
L’économiste conclut : «Ce que les banques centrales (BCE et BCEAO) font aujourd’hui, c’est peut-être pour stabiliser leurs taux de change ou pour défendre la parité de l’euro dans le cadre du franc CFA. Mais ça ne peut pas réduire l’inflation.»