Une escalade de la guerre entre Israël et le Hamas risquerait de tendre à nouveau l’approvisionnement mondial en pétrole et gaz, déjà bouleversé par l’invasion russe de l’Ukraine, avertissent les experts.
Pour l’instant, les cours de l’or noir ont relativement peu augmenté en réaction au conflit, déclenché par l’attaque sanglante du Hamas en Israël le 7 octobre. Le Brent, référence européenne, a pris environ 10%, et son équivalent américain, quelque 9%. Les cours tournent autour de 90 dollars le baril, encore loin de leurs records historiques.
« Israël n’est pas un producteur de pétrole et aucune grande infrastructure pétrolière internationale ne se trouve à proximité de la bande de Gaza », explique Edoardo Campanella, analyste chez UniCredit.
Les investisseurs restent pourtant sur le qui-vive, « conscients du risque inhérent au Moyen-Orient pour l’approvisionnement mondial », souligne Stephen Innes, analyste chez SPI AM.
L’un des principaux risque pour le marché de l’énergie serait l’implication directe de l’Iran, soutien du Hamas et ennemi juré d’Israël.
Ce membre du groupe de pays exportateurs de pétrole (Opep) a vu sa production et ses exportations mises à mal par des années de sanctions internationales. Mais ces douze derniers mois, il a toutefois augmenté sa production et est soupçonné de faire sortir clandestinement des barils sur le marché.
Un afflux d’or noir qui s’est révélé déterminant pour contenir les prix dans un contexte de demande en hausse et d’offre tendue, rappelle à l’AFP Helge André Martinsen, analyste de DNB, et raison pour laquelle, selon lui, « l’administration Biden a fermé les yeux ».
Même si Téhéran restait à l’écart du conflit, « l’Occident pourrait décider de renforcer les sanctions contre Téhéran ou simplement d’appliquer plus efficacement les sanctions existantes », affirme Edoardo Campanella.
L’Iran pourrait répliquer en bloquant le détroit d’Ormuz, entre Oman et l’Iran, la plus importante zone de transit de pétrole au monde, avec un flux quotidien de plus de 17 millions de barils, selon Seb Research, soit 30% de l’ensemble du pétrole échangé par voie maritime.
Selon M. Campanella, seuls l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis disposent d’oléoducs permettant d’expédier du pétrole brut en dehors du Golfe, en contournant le détroit d’Ormuz.
Le scénario du pire, peu probable mais pas impossible selon les analystes, serait qu’en cas de renforcement des sanctions, l’Iran riposte en attaquant les installations pétrolières saoudiennes, l’un des principaux producteurs et exportateurs du monde, comme le relève M. Campanella.
En septembre 2019, il avait suffit d’attaques contre des infrastructures pétrolières en Arabie saoudite ayant temporairement réduit de moitié la production du pays pour que le cours du Brent bondisse jusqu’à près de 20% en une journée. Elles avaient été revendiquées par les rebelles yéménites Houthis soutenus par Téhéran.
Les experts gardent en tête les précédents chocs pétroliers, le premier il y a cinquante ans à la suite d’un embargo de l’Opep contre les alliés d’Israël en pleine guerre du Kippour, puis un second en 1979, dans la foulée de la révolution iranienne. Les prix du brut avaient bondi en quelques mois, mettant à genoux les économies développées.
Une réplique est cependant peu probable, avec la montée en puissance des Etats-Unis comme producteurs, et une Opep qui se dit moins politique.
– Passer l’hiver –
Côté gaz, les conséquences sont plus immédiates. Mi-octobre, le prix du TTF, la référence européenne du gaz naturel était en hausse d’un tiers comparé à avant l’attaque du 7 octobre.
Pour Stephen Innes, la guerre « menace sérieusement le marché régional du gaz naturel et pourrait avoir un impact sur l’approvisionnement en GNL » (gaz naturel liquéfié).
« Si les stocks européens sont presque pleins, ils ne sont pas suffisants pour passer l’hiver si toutes les importations cessaient », résume Giovanni Staunovo, d’UBS.
Le géant américain Chevron a suspendu les activités de sa plateforme Tamar, au large des côtes israéliennes, sur instructions des autorités du pays.
Ce champ gazier représente « environ 1,5% de l’approvisionnement mondial en GNL », précise M. Innes, et fournit principalement le marché national, puis l’Egypte et la Jordanie.
Si Leviathan, plus grand champ gazier d’Israël, venait à son tour à fermer, les conséquences seraient autrement plus préoccupantes, estiment les analystes, qui ont en mémoire la flambée à 345 euros le MWh, record historique, des cours au début de la guerre en Ukraine.
AFP