Choguel conteste la légitimité d’une transition qu’il est pourtant prêt à servir au prix de moult humiliations
Samedi dernier (16 novembre 2024), profitant du meeting dit de la «clarification» du M5 RFP (sa tendance) au Cicb, Dr Choguel Kokalla Maïga a tiré sans sommation sur l’actuelle transition au point de donner raison aux «opposants» qui ne se reconnaissent plus dans ce processus depuis le 26 mars 2024. Mais, aura-t-il le courage d’assumer jusqu’au bout les accusations formulées devant des fans, samedi dernier ? Rien n’est moins sûr d’autant plus qu’il a le plus souvent craché dans la soupe tout en continuant à subir les humiliations pour rester à table.
C’est un homme aigri et visiblement fatigué d’être un faire-valoir, le dindon de la farce qui s’est exprimé devant ses militants du Mouvement du 5 Juin Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP). Même s’il n’a rien dit que les Maliens ne sachent déjà, les propos tenus prennent plus d’importance venant de lui. Et il le sait si bien qu’il ne s’en prive pas.
«Sur la Transition malienne plane un véritable spectre de la confusion, de l’amalgame», a alerté le Premier ministre. «Ce spectre s’accompagne d’un corollaire constitué par un véritable risque de remise en cause des résultats de la lutte héroïque et de la marche victorieuse du peuple malien», a-t-il poursuivi. Pire, a-t-il ajouté alarmiste, «il n’est pas excessif de soutenir que nous nous trouvons face à un risque regrettable, et inimaginable il y a seulement trois ans, de retour programmé en arrière», a dénoncé le «chef» (protocolaire) du gouvernement.
Et d’enchaîner, «il y a un véritable risque de graves reculs aussi bien politiques que sociaux». Plus explicite, le PM évoque «des pratiques que le peuple malien a ouvertement et publiquement combattues, hier seulement sous l’ancien régime», mais qui «refont surface, au galop, quand ils n’ont pas pignon sur rue aujourd’hui». La raison ? «La remise en cause du Pacte d’honneur scellé le 24 mai 2021». Et depuis, «les choses vont de mal en pis». Autrement, rien ne «marche dans le bon sens» depuis que la Primature est devenue une coquille vide entre ses mains. Ce n’est qu’un secret de polichinelle que, depuis son repos forcé pour raison de maladie, le Premier ministre ne décide de rien. D’ailleurs il le reconnaît lui-même. «…Tout se passe dans l’opacité totale, à l’insu du Premier ministre… J’ai le courage et l’honnêteté intellectuelle de le reconnaître tout en le déplorant vivement».
Premier ministre d’une transition «illégitime» !
En rappelant que la transition aurait dû prendre fin le 26 mars 2024, Choguel Maïga dénonce son «illégitimité» et, au lieu de démissionner, appelle à une réorientation politique urgente. Mieux, il apporte l’eau au moulin de la coalition signataire de la «Déclaration du 31 mars» dont des responsables croupissent pourtant en prison depuis le 24 juin dernier.
Face à ses militants, Choguel s’est exprimé comme celui qui n’a rien à craindre. Il a donné l’impression de celui qui veut se dédouaner de la gouvernance actuelle parce que conscient qu’une perspective nouvelle va bientôt s’ouvrir. Est-il requinqué par une éventuelle « fissure » dans les rangs des « Généraux » ? «Pendant que se livre ce qui s’apparente à une guéguerre sous fonds de sourde rivalité, l’espoir s’amenuise avec la recrudescence de l’insécurité et le manque de perspective. Nous étions bien partis, forts de l’appui de la nation toute entière. Nous étions modèles…», a-t-il martelé apportant un important élément de réponse à la précédente question.
A quoi s’expose-t-il après cette sortie «très osée» ? Pour certains observateurs, c’est sans doute parce qu’il est sur le point d’être débarqué que le PM entend rebattre les cartes afin de tirer son épingle du jeu. C’est en tout cas quelqu’un qui nous a habitués à cracher dans la soupe pour forcer sa présence à la table des convives malgré les humiliations que cela suppose. Et comme l’aurait confié l’un de ses lieutenants à un correspondant de la presse internationale, «Choguel ne va pas se laisser faire. Il a de quoi faire sauter six fois l’attelage militaire au pouvoir». Son courage viendrait donc des moyens de pression dont il dispose sur ses «employeurs».
«Nous avons fait preuve de patience, mais la patience a des limites», a-t-il menacé. Autrement, Choguel et son clan ne sont plus prêts à se laisser faire. Auront-ils le dernier mot ? Rien n’est moins sûr. Et cela d’autant plus qu’on dit que, en politique, mieux vaut être raisonnable que d’avoir raison !
Kader Toé