Le Malikura doit inscrire le principe de la redevabilité en lettres d’or et exiger que la gestion des ministres sortants (qui viennent d’être reçus et félicités par le chef de l’Etat) soit auditée. Quid de la déclaration de leur patrimoine ?
Le concept du « Mali kura » (renouveau malien ou l’ère du changement) appelle à des actes de gouvernance patriotes et rénovateurs. Tels sont les qualificatifs reconnus aux actions du président de la Transition, le Col Assimi Goïta. Et, quand le chef de l’Etat reçoit en audience les désormais anciens membres du gouvernement au Palais de Koulouba, l’on s’empresse de saluer l’acte qui, a priori, signifie que le pont n’est pas coupé entre ces cadres et l’Etat. Cela devrait donc signifier que ces hommes et femmes doivent garder à l’esprit le principe de la redevabilité, principe congénital à tout Etat de droit ; c’est-à-dire qu’ils doivent s’attendre à rendre comptes de leurs gestions encore fraîche dans les mémoires. Etaient-ils aux affaires ou dans les affaires ?
Il n’est pas exclu que le chef de l’Etat adresse ses « amabilités » à ces ministres évincés. Mais, devrait-il les féliciter tous, alors que parmi eux, il y en a qui devraient, en principe, faire un tour au Pôle économique, pour s’expliquer sur leurs actes de gestion ? N’y a-t-il pas là des indices d’un… politiquement incorrect de la part du chef de l’Etat ? Rien n’est moins sûr ? car, le changement doit se traduire par des exemples et des actes forts significatifs.
En effet, quel est le sentiment du citoyen qui voit tous ces anciens ministres solennellement « félicités » par le chef de la Transition ? N’ya-t-il pas sincèrement parmi eux des cadres qui ont démérité, qui ont posé des actes de malversations ou supposés tels ou encore qui seraient impliqués dans des dossiers à éplucher ? Quid du dossier des engrais et intrants agricoles livrés en retard ou pas du tout livrés ? Quid des concours de recrutement entachés ou réputés empreints de favoritisme ?…
Dans tous les cas, ne serait-il pas indiqué de faire auditer plus de deux ans de gestion publique de nos désormais anciens ministres du Mali kura ? Et dire que le chef du Gouvernement ne se fait pas prier pour les auréoler de son satisfecit, alors qu’il aurait fallu simplement les « remercier » d’avoir servi le pays. Quitte aux structures de contrôle de l’Etat, comme le Vérificateur Général, l’OCLEI d’aller investiguer dans leurs départements respectifs. Car, l’on sait qu’il est difficile de gérer les affaires publiques et sortir blanc comme neige !
En outre, selon les principes républicains et de gouvernance orthodoxe, ces ministres devraient envoyer leurs déclarations de patrimoines à la Chambre des comptes de la Cour suprême (future Cour des comptes), pour en vérifier l’évolution. Tant que cela n’est pas fait, aucun chef d’institution ne doit se mettre à les encenser comme « bon serviteur de l’Etat » ! Il y a sûrement parmi ces anciens ministres, des cadres valeureux et exemplaires, qui méritent même des décorations. De même, que parmi eux, certains pourraient avoir des casseroles…. Les loger à la même enseigne, c’est mélanger torchons et serviettes ! Ce qui est dommage pour l’ère du changement appelé de tous les vœux ! il urge de fouiller et fouiner dans la gestion de ces anciens ministres et ériger cette action en règle rigoureuse. « Quand on sert l’Etat, on rend compte », souligne un principe de Transparency international. Il est donc révolu l’époque où on quitte ses fonctions ministérielles pour aller en villégiature, avec des fonds issus de pots-de-vin et autres pratiques opaques…
Comment le chef de la Transition, réputé chantre du Malikura, icône de la « gouvernance vertueuse », peut-il se permettre de mélanger la bonne graine et l’ivraie ? Le président de la Transition, le colonel Assimi Goïta, est donc allé trop vite, en honorant l’ensemble des ministres sortants, du gouvernement Choguel Kokalla Maïga l. Le geste paraît anodin, mais très significatif, inédit et un peu maladroit. L’occasion de cette audience peut permettre de féliciter les méritants et blâmer les éventuels indélicats, sans les nommer. Ce qui aiguisera l’appétit d’éventuels Procureurs du Pôle économique de chercher à voir clair dans leur gouvernance..
En effet, c’est une première dans l’histoire du pays, que le chef de l’Etat daigne recevoir les ministres remerciés du gouvernent, pour plusieurs raisons. Fautes et/ou incompétences pour les uns, nécessité de dynamiser l’équipe gouvernementale pour d’autres
Et c’est en présence du Premier ministre, Choguel Kokalla Maïga, que les ministres évincés ont unanimement répondu à l’invitation du président de la Transition, qui a saisi cette occasion pour les « féliciter et leur témoigner la reconnaissance du peuple malien », au nom duquel ils ont accompli leurs missions. Et c’est là que l’opinion s’interroge sur la pertinence de cette rencontre. Pourquoi le Col Assimi Goïta peut féliciter hâtivement tout ce beau monde. Un encouragement à la médiocrité et à la mauvaise gestion pour certains ? Cet acte de félicitation peut dissuader l’initiative d’auditer leurs gestions ? Cela ne devrait pas être. Au contraire. Ne dit-on pas que la confiance n’exclut pas le contrôle ?
Bruno Djito SEGBEDJI