Huit officiers et sous-officiers gabonais accusés d’avoir torturé à mort un jeune militaire soupçonné de vol ont été écroués et deux généraux seront auditionnés dans cette affaire qui secoue l’opinion publique depuis plusieurs jours, a annoncé le ministère gabonais de la Défense.
« La traduction devant les juridictions civiles et militaires des huit auteurs présumés actuellement en détention préventive » a été décidée après tenue d’un conseil de sécurité exceptionnel présidé par le chef de l’Etat, le général Brice Oligui Nguema, selon un communiqué du ministère lu mercredi soir à la télévision publique.
La diffusion sur les réseaux sociaux d’images du corps mutilé du jeune homme reposant dans une morgue a provoqué une vague d’indignation, poussant les autorités à une série d’actions de plus en plus fermes.
Mardi soir, un premier communiqué de la Défense sur cet « incident » assurait que « toutes les personnes impliquées directement ou indirectement seront auditionnées conformément aux dispositions légales » tout en appelant « la population à la retenue et au discernement ».
Le lendemain, jour de Noël, le chef de l’Etat a rendu visite à la famille du défunt, avant que ne soient annoncés le placement en détention provisoire des huit suspects, l’audition de leurs supérieurs, le dessaisissement des services de sécurité militaire et l’ouverture d’une information judiciaire.
Le second maître Johan Bounda « aurait trouvé la mort dans des circonstances tragiques après avoir été violemment pris à partie (…) en raison d’une accusation de vol présumé qui aurait eu lieu chez son supérieur hiérarchique », a détaillé le procureur de la République Bruno Obiang Mve à la télévision publique mercredi soir.
Selon plusieurs médias locaux, c’est dans les locaux de la direction générale de la contre-ingérence et de la sécurité militaire (DGCISM), également appelée B2, qu’ont été perpétrés les actes « barbares » dénoncés par le procureur.
L’enquête a finalement été retirée à ce service et confiée la direction générale des recherches et la direction générale des services spéciaux.
Le chef de l’Etat a demandé au ministre de la Défense « de veiller personnellement à l’aboutissement de cette enquête afin que les sanctions appropriées soient infligés aux coupables et servent d’exemple à tout militaire qui tenteraient de poser des actes similaires », selon le communiqué de la Défense.
Il a aussi affirmé « sa profonde indignation contre toute forme de torture employée pour la manifestation de la vérité ».
– « Images indécentes » –
Se disant aussi indigné par la publication « d’images et vidéos indécentes » montrant le corps torturé, le général Oligui a appelé à des poursuites contre tous ceux qui « véhiculeraient désormais de tels drames », selon la même source.
Le procureur a pour sa part rappelé à l’ordre les forces de sécurité au sujet d’une autre affaire qui a récemment mobilisé l’opinion, la tonsure « humiliante » de plusieurs jeunes interpellés pour avoir violé le couvre-feu, quelques jours avant la levée de la mesure.
Ces deux scandales qui ont suscité des cascades de réactions sur les réseaux sociaux interviennent alors que les autorités préparent activement l’élection présidentielle destinée à mettre un terme à la transition ouverte par le coup d’Etat contre le président Ali Bongo, le 30 août 2023.
Depuis, le président déchu est placé en résidence surveillée, alors que sa femme Sylvia et son fils Noureddin incarcérés depuis octobre 2023 affirment subir des « traitements dégradants » et la « torture ».
Adoptée par référendum mi-novembre, une nouvelle Constitution a été promulguée la semaine dernière et une commission spéciale planche sur la réforme du code électoral.
Porté au pouvoir par la junte qui a renversé la dynastie Bongo, le général Oligui a promis de rendre le pouvoir aux civils au terme du processus de transition mais ne cache pas ses ambitions. Il a multiplié ces derniers jours les apparitions publiques liées aux festivités de Noël après avoir ordonné la levée du couvre-feu imposé depuis aout 2023 et peu apprécié par les amateurs de vie nocturne.
La date des élections présidentielles, législatives et locales n’est pas connue mais doit intervenir avant la fin aout 2025.