Un coup d’État est en cours au Gabon, mercredi, et le président Ali Bongo a été placé en « résidence surveillée ». La famille Bongo a notamment fait parler d’elle dans l’affaire des biens mal acquis
A la tête du Gabon depuis 14 ans, Ali Bongo affronte une tentative de coup d’Etat, mercredi 30 août. Il a été placé en résidence surveillée alors que des militaires ont annoncé la dissolution des institutions et l’annulation des résultats des élections qui le donnaient réélu président avec 64,27%. Au fil de ses deux mandats, Ali Bongo s’était affiché en « père la rigueur », dénonçant les « traîtres » et les « profiteurs » au sommet de l’Etat. Sans convaincre l’opposition qui dénonçait une posture. Et sans faire oublier que sa famille est impliquée dans l’affaire des « bien mal acquis », ni qu’il est l’héritier d’Omar Bongo, qui a régné 41 ans durant sur le Gabon, l’un des pays les plus riches d’Afrique en PIB par habitant.
Les biens mal acquis sont des biens qui ont été obtenus illégalement par des personnalités politiques étrangères ou par leurs proches, grâce à des procédés de détournement de fonds publics, ou des procédés de corruption.
En 2007, trois associations déposent devant la justice française des plaintes visant des chefs d’État africains accusés d’avoir acquis en France un patrimoine considérable avec de l’argent public détourné de leurs pays. L’enquête préliminaire est classée sans suite, mais la notion de « biens mal acquis » s’impose peu à peu dans le paysage judiciaire. Une nouvelle plainte, en 2008, vise Omar Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo) et Teodoro Obiang (Guinée équatoriale). Cette fois, la Cour de cassation, en novembre 2010, estime que la justice peut enquêter.
D’autres enquêtes ont depuis été lancées, visant notamment la famille d’un ex-président du Yemen, un oncle du président syrien Bachar al-Assad ou encore l’entourage du président de Djibouti Ismaïl Omar Guelleh.
La « fortune immense » des Bongo
La justice française s’intéresse donc aux biens mal acquis par les familles de trois présidents africains : les Sassou Nguesso au Congo, les Obiang en Guinée équatoriale et les Bongo au Gabon. Elles sont soupçonnées de s’être offertes illégalement en France des voitures, des montres, des œuvres d’art ou encore des biens immobiliers. La famille Bongo, dont la fortune est estimée à au moins 85 millions d’euros en France, a notamment acquis 33 propriétés en région parisienne et 11 sur la côte d’Azur. La justice française enquête sur ce patrimoine secret depuis 2007.
Un patrimoine acquis « frauduleusement » selon un arrêt de la Cour d’appel de Paris de février 2022. Cette « fortune immense » provient selon cet arrêt « de l’argent issu de détournements de fonds publics et des sommes considérables provenant du délit de corruption des sociétés pétrolières », notamment Elf Aquitaine aujourd’hui TotalEnergies. En mai 2021, BNP Paribas est mise en examen pour « blanchiment de corruption et de détournement de fonds publics » dans l’enquête sur le patrimoine de la famille Bongo. La banque française reconnaît des « carences » mais conteste tout « dessein frauduleux ».
Une enquête qui se poursuit malgré la mort d’Omar Bongo
Au Gabon, l’affaire des biens mal acquis remonte à 1967, l’année où Omar Bongo devient président. Pendant près de 40 ans, à l’époque de la Françafrique, il multiplie les acquisitions. Les ennuis judiciaires commencent avec la plainte déposée en 2007 contre Omar Bongo pour « blanchiment et recel de détournement de fonds publics ».
Omar Bongo est décédé en juin 2009 mais l’enquête se poursuit. C’est désormais tout un clan familial qui est dans le viseur des autorités françaises. En avril 2023, un juge financier parisien met quatre enfants du défunt président en examen, et puis en juin et juillet 2023, c’est au tour de cinq autres de ses enfants. Tous sont poursuivis pour « recel de détournement de fonds publics, corruption active et passive, blanchiment et abus de biens sociaux ». Ils contestent avoir eu connaissance du caractère frauduleux de cette fortune.