Piste de l’aéroport envahie par des manifestants, avions déroutés, pillages et arrestations: la situation restait tendue vendredi en Martinique, île française des Antilles, malgré l’instauration d’un couvre-feu, sur fond de protestation contre la vie chère.
Une centaine de personnes ont envahi jeudi après-midi, selon une source policière, l’aérogare et les pistes de l’aéroport de Fort-de-France, jetant des projectiles sur les policiers.
Des pillages de commerces, des incendies de bâtiments publics et un barrage établi sur l’autoroute reliant l’aéroport au chef-lieu de l’île ont suivi, selon la même source qui précise que huit personnes ont été arrêtées.
Cette intrusion, sur fond de rumeurs de renforts policiers, démenties par la préfecture, a provoqué le déroutement vers la Guadeloupe, autre île française des Antilles, de trois avions et l’annulation de tous les vols prévus jeudi soir au départ et à l’arrivée de l’aéroport de Martinique-Aimé-Césaire.
Située à près de 7.000 kilomètres de Paris et colonisée par la France en 1635, la Martinique est en proie depuis septembre à une mobilisation contre la vie chère initiée par un mouvement baptisé Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), qui a dégénéré avec des violences urbaines.
Celles-ci ont fait plonger l’île dans le chaos depuis la nuit de mercredi à jeudi, avec de nombreux épisodes de pillages et d’actes de vandalisme qui se sont poursuivis dans la nuit de jeudi à vendredi.
En dépit d’un couvre-feu de 21H00 à 05H00 imposé par le préfet de l’île, de nombreuses images publiées sur les réseaux sociaux montraient des barrages enflammées bloquant des axes routiers et des magasins pillés. Plusieurs concessionnaires automobiles ont été victimes des émeutiers, selon les médias locaux.
Deux hommes circulant à moto sont morts dans la nuit dans un accident de la route sur l’autoroute reliant le Lamentin à Fort-de-France, a appris l’AFP de source proche de l’enquête.
– Ecoles fermés, plan blanc –
Dans un communiqué, l’association des maires de Martinique et celle des maires de France ont appelé « au calme et au dialogue (…) face à l’escalade des violences urbaines ».
La préfecture de Martinique a également annoncé jusqu’à lundi l’interdiction des manifestations et des rassemblements sur l’île.
Déjà fermées jeudi, les écoles resteront fermées vendredi « compte tenu de l’incertitude du contexte social actuel et par principe de précaution », selon le rectorat.
Le CHU de la Martinique a annoncé jeudi le déclenchement d’un plan blanc au cours duquel des « déprogrammations d’actes opératoires ou de consultations sont organisées ». Les pharmacies de l’île ont déclaré « ne plus être en mesure d’assurer le service d’urgence ».
Dans la nuit de mercredi à jeudi, un homme de 20 ans est mort en marge du pillage d’un centre commercial et un autre, âgé de 30 ans, a été « grièvement blessé par balle », selon une source policière qui fait aussi état de 16 policiers blessés, dont 15 de la CRS 8.
Le mouvement contre la vie chère, thématique récurrente dans les outre-mer, a été lancé début septembre par le RPPRAC, qui exige un alignement des prix des produits alimentaires sur l’Hexagone, affichés 40% plus chers en Martinique.
Plus d’un Martiniquais sur quatre (27%) vit sous le seuil de pauvreté, près de deux fois le taux de la France métropolitaine (14,4%), selon des chiffres de 2020.