Trois jours après les élections législatives anticipées qui ont plongé la France dans l’inconnu, le président Emmanuel Macron a appelé mercredi les forces politiques « républicaines » à « bâtir une majorité solide » et « plurielle » pour le pays, estimant que personne n’était sorti vainqueur du scrutin.
Sortant du silence pour la première fois depuis dimanche, le chef de l’Etat, qui a provoqué les élections en décidant le 9 juin de dissoudre l’Assemblée, a estimé que « personne ne l’a emporté ».
« Aucune force politique n’obtient seule une majorité suffisante et les blocs ou coalitions qui ressortent de ces élections sont tous minoritaires », écrit M. Macron dans une lettre aux Français publiée dans la presse régionale mercredi, alors qu’il se trouve à Washington pour le sommet de l’OTAN.
Trois blocs ont émergé du scrutin: l’alliance de gauche (190 à 195 sièges), suivie par le camp présidentiel de centre droit (autour de 160 sièges), et l’extrême droite (143 sièges) arrivée troisième mais en réalisant une percée historique.
La prise de position du président a fait bondir les oppositions.
Emmanuel Macron « refuse de reconnaître le résultat des urnes », a estimé Jean-Luc Mélenchon, le leader du parti LFI (gauche radicale).
Le président doit « s’incliner » face au Nouveau Front populaire (NFP), alliance qui regroupe socialistes, LFI, écologistes et communistes, a ajouté l’ancien député.
La patronne des Ecologistes, Marine Tondelier, a elle-aussi estimé que « la logique institutionnelle dicte d’appeler les chefs de parti du NFP » afin qu’ils lui proposent le « nom d’un Premier ministre », ce qu’ils ne parviennent pas à faire pour l’instant.
Conçu dans l’urgence après l’annonce choc de la dissolution de l’Assemblée, le NFP a créé la surprise en arrivant en tête dimanche. Mais il ne constitue pas un groupe parlementaire unique et son total est loin des 289 élus requis pour la majorité absolue.
Dans sa lettre, le président demande « à l’ensemble des forces politiques se reconnaissant dans les institutions républicaines », d’engager « un dialogue sincère » pour constituer un « large rassemblement », sans désigner précisément les forces politiques qu’il vise.
« Ce rassemblement devra se construire autour de quelques grands principes pour le pays, de valeurs républicaines claires et partagées, d’un projet pragmatique et lisible », ajoute M. Macron.
« C’est à la lumière de ces principes que je déciderai de la nomination du Premier ministre », indique le chef de l’Etat, précisant qu’il le nommera lorsque les forces politiques auront « bâti » des « compromis », ce qui suppose de leur laisser « un peu de temps ».
« D’ici là, le gouvernement actuel (du Premier ministre Gabriel Attal, NDLR) continuera d’exercer ses responsabilités puis sera en charge des affaires courantes comme le veut la tradition républicaine », écrit M. Macron, alors que la France accueille les Jeux olympiques dans moins de trois semaines.
– Grandes manœuvres –
A l’extrême droite, le patron du Rassemblement national Jordan Bardella a jugé « irresponsable » que le message du chef de l’Etat soit « désormais: +débrouillez-vous+ ».
Depuis dimanche, les formations politiques ont lancé de grandes manœuvres pour déterminer comment gouverner, et avec qui, dans cette configuration politique de blocs sans majorité absolue.
Le NFP est engagé dans de difficiles tractations internes, en raison des divergences historiques en son sein.
Le camp présidentiel, lui, hésite entre se rapprocher de la droite républicaine ou des sociaux-démocrates.
Certains, menés notamment par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, lorgnent essentiellement la droite pour trouver des alliés. « Il peut y avoir un Premier ministre de droite, ça ne me gênerait en rien », a déclaré M. Darmanin sur la chaîne CNews, affirmant clairement qu’il ne pourra même pas accepter d’Ecologistes au gouvernement.
Mais une autre frange du camp présidentiel, notamment son aile gauche, voit plus large. Le député Sacha Houlié, macroniste de la première heure, a ainsi annoncé qu’il ne siégerait pas au groupe du camp présidentiel et veut créer un groupe allant « de la droite sociale à la gauche socialiste ».
Marine Le Pen, dont le parti a été en partie bloqué par le « front républicain » constitué au deuxième tour par la gauche et les centristes, a eu beau jeu de dénoncer un « bourbier ».
« Un certain nombre de manœuvres, notamment de désistements massifs, nous ont privés de la majorité absolue. Ce n’est que partie remise », s’est-elle justifiée, avant d’être réélue présidente du groupe RN à l’Assemblée.