Le Premier ministre français Michel Barnier (droite) a jugé mercredi « très grave » la situation budgétaire du pays, alors que ses futurs partenaires de gouvernement ne veulent pas entendre parler de hausse d’impôts.
« La situation budgétaire du pays que je découvre est très grave. J’ai demandé tous les éléments pour en apprécier l’exacte réalité », explique dans une déclaration à l’AFP l’ancien commissaire européen nommé le 5 septembre à Matignon par le président Emmanuel Macron.
« Nous sommes (…) devant une situation de finances publiques que je considère comme vraiment inquiétante (…) Le budget pour 2025 sera sans doute le plus délicat ou un des plus délicats de la Ve République », a de son côté déclaré mercredi devant la commission des Finances de l’Assemblée nationale le premier président de la Cour des comptes française, Pierre Moscovici.
L’objectif fixé par le gouvernement sortant de réduire le déficit public à 5,1% du PIB (Produit intérieur brut) en 2024 ne serait « pas atteint », a estimé l’ancien ministre socialiste des Finances de 2012 à 2014.
La France fait, comme plusieurs autres membres de l’Union européenne, l’objet d’une procédure enclenchée par Bruxelles pour déficits publics excessifs.
M. Moscovici, qui a lui aussi été commissaire européen, a jugé « ni possible ni souhaitable » de ramener le déficit public sous les 3% de PIB en 2027 en France, un objectif encore récemment réaffirmé par Paris.
Cela supposerait de réaliser des économies trop massives qui pénaliseraient la croissance, selon lui.
Revenir à 3% du PIB en 2029, afin de se conformer aux règles budgétaires européennes, « me paraît plus raisonnable », a-t-il dit.
« Il est impératif de dire la vérité aux Français à travers le projet de loi de finances » pour 2025 qui est censé être présenté au Parlement début octobre, « puis le plan budgétaire national de moyen terme que le gouvernement doit transmettre à la Commission (européenne) quelques jours après », a souligné M. Moscovici.
Michel Barnier lui se dit actuellement « très concentré sur la constitution prochaine d’un gouvernement d’équilibre » pour « traiter avec méthode et sérieux les défis » du pays.
Il a reporté sine die une réunion demandée par son prédécesseur Gabriel Attal, actuellement chef de file des députés EPR (Ensemble pour la République), favorable au président Emmanuel Macron, et qui devait se tenir mercredi notamment avec les vice-présidents du groupe parlementaire.
La réunion a été officiellement décalée pour des raisons d’agenda.
« Effort » fiscal
La situation budgétaire de la France « mérite mieux que des petites phrases. Elle exige de la responsabilité », a poursuivi M. Barnier dans sa déclaration à l’AFP.
Une sortie qui semble viser les propos de figures de l’ex-majorité ces derniers jours.
Dans un message mardi soir auprès de ses députés pour justifier cette demande urgente de rendez-vous à Matignon, Gabriel Attal déplorait « ne pas avoir encore une visibilité claire sur la ligne politique – notamment sur d’éventuelles hausses d’impôts – et sur les grands équilibres gouvernementaux », autrement dit la place réservée au camp présidentiel par rapport à LR (Les Républicains) le parti de M. Barnier.
Le nouveau Premier ministre aurait évoqué auprès de plusieurs interlocuteurs une hausse des prélèvements, au nom d’une situation budgétaire particulièrement difficile, avec un déficit public qui pourrait se creuser à 5,6% du PIB cette année. Son entourage a démenti mardi, affirmant qu’il ne s’agit que « de pures spéculations » et renvoyé à sa première interview télévisée dans laquelle il avait évoqué « la justice fiscale » sans davantage de précisions.
Il est « hors de question » d' »entrer » dans un gouvernement qui augmente les impôts ou même de le « soutenir », a renchéri mercredi le ministre de l’Intérieur démissionnaire Gérald Darmanin, taclant au passage le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, qui a suggéré « un effort » fiscal « exceptionnel et raisonnable sur certaines grandes entreprises et gros contribuables ».
Dans sa déclaration à l’AFP, M. Barnier semble vouloir cependant rassurer la droite et les macronistes en rappelant que « nous sommes déjà le pays où la charge des impôts est la plus forte ».