Invités exceptionnels de la réunion d’automne des évêques français, quatre archevêques africains ont plaidé pour une meilleure coopération dans la préparation des prêtres envoyés en Europe, alors que l’Afrique est devenue l’un des moteurs les plus dynamiques de l’Eglise catholique.
« Cela fait quelque temps que nous envoyons des prêtres ici, mais nous constatons qu’il faut une bonne préparation, car les réalités de l’Eglise sont différentes de chez nous », a résumé lors d’une conférence de presse l’archevêque de Kigali Antoine Kambanda.
A Lourdes, haut lieu de pélerinage catholique dans le sud-ouest de la France, Mgr Kambanda était l’invité mercredi d’une table ronde de la Conférence des évêques de France (CEF) qui recevait aussi les archevêques Fridolin Ambongo (Kinshasa), Gabriel Sayaogo (Koupéla au Burkina Faso) et Inacio Saure (Nampula au Mozambique).
Une réunion largement consacrée aux prêtres « fidei donum », c’est à dire détachés dans un autre pays. La France en compte entre 2.000 et 3.000, venus en grande majorité d’Afrique pour une mission temporaire de six ou sept ans maximum.
Dans une société sécularisée (il n’y a eu que 105 ordinations de prêtres en France en 2023, pour un total d’un peu plus de 11.000 en exercice), ces ecclésiastiques étrangers sont essentiels au fonctionnement des paroisses.
« Avant il y avait les pays de mission en Afrique, en Asie » et aujourd’hui « il y a aussi la mission ici en France », a résumé l’archevêque de Kigali.
Mais une fois arrivés sur le Vieux Continent, la tâche peut relever du défi.
Eglises moins pleines, organisation quotidienne, relations avec l’administration, concept de laïcité peuvent dérouter, sans parler des différences culturelles.
« Cela concerne le rapport aux questions morales, aux relations familiales, au sens de la vie, à la place de la communauté et de l’individu, à l’autorité, au temps… », a énuméré Mgr Saure selon le texte de son discours.
Pour amortir le choc, la CEF organise une session d’accueil à l’arrivée des prêtres détachés, et une autre deux ou trois ans plus tard. Au quotidien, l’accompagnement est laissé aux diocèses.
– « Coopération » –
Devant les évêques, Mgr Saure a plaidé pour « travailler ensemble sur le projet d’un +institut de missiologie et de pastorale+ qui se chargerait de préparer et d’accompagner » ces prêtres envoyés « aussi bien du Sud vers le Nord que ceux du Nord vers le Sud ».
Les axes de travail seraient religieux mais aussi « juridique, sociologique et ethnologique », a-t-il ajouté.
Une demande qui, au-delà des attentes de résultats concrets, reflète aussi le poids croissant de l’Eglise d’Afrique face aux sociétés européennes sécularisées.
Avec un nombre croissant de diocèses, de fidèles et de congrégations, « l’Afrique est considérée aujourd’hui comme l’avenir de l’Eglise universelle », a rappelé devant les évêques Mgr Ambongo.
L’envoi de prêtres missionnaires en Europe est vu par les évêques africains comme un signe de réciprocité et de maturité de la part des Églises d’Afrique. Mais il « doit obéir au principe de la coopération entre les Églises », a souligné Mgr Saure, selon qui « malheureusement, cette coopération reste encore au niveau des choses à faire ».
Le président de la CEF Eric de Moulins-Beaufort a estimé qu' »il ne serait pas juste que ces prêtres viennent seulement pour faire ce que nous ne pouvons plus faire », et plaidé pour « préparer aussi les paroissiens » en France à leur accueil.
Le contexte a aussi radicalement changé, avec les migrations et la remise en cause, dans de nombreux pays africains, des liens avec l’ancienne puissance coloniale.
Récemment « l’épisode +Fiducia Supplicans+ a montré que l’Église en Afrique entendait bien faire entendre sa voix », a souligné Eric de Moulins-Beaufort, en allusion au document publié fin 2023 dans lequel le Vatican autorisait la bénédiction des couples « irréguliers » (incluant ceux de même sexe).
Ce document avait suscité une levée de boucliers en Afrique, le cardinal Ambongo disant sa vive opposition. Devant l’ampleur de l’émotion, le Vatican avait dû faire une clarification inédite.