C’est une leçon magistrale à l’allure de révélation que l’ancien recteur de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), le professeur Ibrahim Thioub, a dispensée hier, lors d’un amphi de rentrée et remise de diplômes à la Fastef. Le thème : ‘’Entre privatisation et service public : le Sénégal face au défi académique’’.
L’universitaire est revenu sur les péripéties qui sont à l’origine des incertitudes quant au devenir de l’enseignement supérieur public de plus en plus déserté par les élites socio-économiques.
Selon Ibrahima Thioub, l’alternative offerte par les institutions d’enseignement supérieur privées a répondu partiellement à la demande de qualité exprimée par les élites sociales. Et les tendances lourdes semblent, en conséquence, aller vers un système d’enseignement supérieur à plusieurs vitesses épousant les possibilités financières des familles au détriment du service public.
Enfin, la privatisation partielle, qui n’est pas en soi une mauvaise chose, a conduit dans beaucoup de pays à une mercantilisation de l’enseignement supérieur, reconnait l’ancien recteur de l’Ucad.
‘’Le rapport entre le public et le privé se déséquilibre. Le service public souffre de la mobilité non encadrée des enseignants. Mais ce n’est pas cela le plus grave. Le plus grave, c’est que la plupart des privés n’ont pas suffisamment d’enseignants. À partir de ce moment, le privé est obligé de recourir aux personnels de l’enseignement public. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi’’, souligne le Pr. Thioub.
Selon ce dernier, ‘’le problème est dans le fait que ce rapport-là n’est pas contractualisé entre les institutions. Le propriétaire de l’institut ou de l’université privée recrute, en sous-main, en négociant avec l’enseignant qui vient donner les cours dans son établissement. Le ‘Xar Matt’, comme on l’appelle ironiquement, perturbe considérablement les cours du public, allongeant les années, les faisant se chevaucher. La loi qui impose à l’enseignant de consacrer la totalité de son temps de travail à l’institution qui l’emploie est vite mise sous le paillasson’’.
Le Pr. Thioub a rappelé aussi le rapport public de la Cour des comptes de 2009 qui a montré comment « la fonction de service » a été tournée en instrument de privatisation de l’école. ‘’Les auditeurs de la Cour des comptes ont noté de graves dérives et une gabegie incroyable dans la gestion des ressources issues de la formation payante. Je vous renvoie au rapport de 2009 disponible dans le site internet de la CC’’, informe-t-il.
Aujourd’hui, dans l’ensemble de l’université, les Masters payants se sont multipliés et massifiés. Pour le Pr. Thioub, ce n’est pas en soi une mauvaise chose. Toutefois, la discrimination s’est vite installée.