Les 20 millions de masques achetés par la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (Ccim) ont soulevé un tollé quant à la violation de certaines règles de la commande publique évoquée dans le rapport 2021 du Vérificateur général. Pourtant des non-dits existent sur les réserves du Végal.
Dans l’affaire dite Fonds Covid-19, le Vérificateur général a relevé des failles contre plusieurs attributaires de fonds publics alloués par l’Etat dans le cadre du vaste plan de riposte économique et sociale au Covid-19. Le programme présidentiel « un Malien, un masque », est un autre pan de ce plan de riposte contre la pandémie du Coronavirus pour lequel la gestion du président de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Mali (Ccim) est mise en cause par le Végal. Youssouf Bathily et 2 de ses proches collaborateurs ont été écroués et placés sous mandat de dépôt par un juge d’instruction du Pôle économique et financier de Bamako, le 23 novembre 2022, « pour atteinte aux biens publics ».
Le rapport 2021 du Vérificateur général n’a pas tenu compte de la lettre du Premier ministre Dr. Boubou Cissé, ministre de l’Economie et des Finances, envoyée à son homologue Mme le ministre Délégué auprès du ministre de l’Economie et des Finances chargé du Budget. Dans cette correspondance en date du 16 avril 2020, le Premier ministre d’alors énumère en 12 points, les mesures économiques et sociales prises urgemment contre la menace de la progression de la maladie à Coronavirus dans notre pays. Il s’agit bien sûr des mesures économiques et sociales.
Celles-ci vont de l’apurement de la dette intérieure due au 31 décembre 2019, au paiement des mandats au titre de l’exercice 2020 (à hauteur de 100 milliards de F CFA), à la suspension des pénalités de retard dans l’exécution des marchés publics, la mise en place d’un fonds de 100 milliards de F CFA pour le soutien aux personnes affectées par la crise liée à la Covid-19, la dotation du Fonds de Garantie du Secteur Privé d’argent frais (20 milliards de F CFA), la remise d’impôts aux secteurs et entreprises affectés par la Covid-19. En dernier point de ce plan de riposte figure l’exonération des droits et taxes des produits sanitaires et pharmaceutiques entrant dans le cadre de la lutte contre la Covid-19.
N’importe quel décideur aurait agi comme le chef du gouvernement Dr. Boubou Cissé. Vu l’hécatombe et le bouleversement de l’ordre économique et social mondial de la maladie à Coronavirus.
Achat de 20 millions de masques
Les 10 942 500 000 F CFA ont été affectés par l’Etat malien pour l’achat de 20 millions de masques, dans le cadre du Programme présidentiel « un Malien, un masque ». Selon le tableau de répartition établi par le ministère de l’Industrie et du Commerce, les 20 millions de masques lavables importés et locaux, des masques chirurgicaux ont été réceptionnés et distribués entre plusieurs structures étatiques, privées communales, militaires, entre autres. Il s’agit de la Présidence de la République et du gouvernement, des ministères, gouvernorats de régions, institutions de la République, du service de santé de l’armée, du Conseil national des Jeunes. Plus de 3 millions de masques ont été affectés aux électeurs et agents électoraux au 2è tour des législatives du 19 mars 2020.
Selon le même tableau de répartition des masques de protection du programme présidentiel « un Malien, un masque », le coût total des 20 millions de masques commandés en Chine via Abidjan en Côte d’Ivoire, s’élève à 10 050 000 F CFA.
Par ailleurs, dans le même rapport, le Vérificateur général met de côté le point 12 du plan de riposte économique et sociale à la Covid-19 du Premier ministre, lorsqu’il retient comme irrégularité financière, « le paiement sans l’acquittement de droits d’enregistrement et de redevance de régularisation estimé à 378 087 500 F CFA ». Quand bien même il est écrit dans ledit plan de riposte, « exonérer de droits et taxes les produits sanitaires et pharmaceutiques entrant dans le cadre de la lutte contre la Covid-19 ».
Ce qui signifie que l’importateur, quel qu’il soit, est exempté du paiement des 3,5 % du droit d’enregistrement prévu par le code des impôts, ce qui équivaut aux 378 087 500 F CFA dans le cas de la Ccim.
En clair, nonobstant cette exonération dont ont bénéficié à l’époque tous les importateurs de matériels sanitaires anti-Covid y compris les pharmacies et sociétés d’importation de produits pharmaceutiques, la charge est retenue contre le président de la Ccim. Idem pour d’autres failles trouvées par le Végal comme « l’exécution de marché d’acquisition des masques en l’absence de contrat ».
Le Végal aurait dû observer des circonstances atténuantes relativement à la situation d’urgence à laquelle le Mali et le monde entier faisaient face en ce moment-là. D’ailleurs sans les masques, ni les examens de fin d’année de 2020 encore moins le 2e tour des législatives du 19 mars 2020 ne se tiendraient.
Abdrahamane Dicko