[Focus] Pourquoi la fécondité baisse au Sénégal

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L’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie  (ANSD) a publié ce 26 Juin  2023 les résultats de l’enquête .L’indice synthétique de fécondité (ISF) est passée de 5, 3 enfants  par femme en 2005 a 4,0 en 2023, doit une baisse de 2,8% à Dakar. Aujourd’hui, la tendance pour les femmes et les couples, c’est d’avoir peu d’enfants. Dans cette enquête, Seneweb tente de comprendre les causes profondes de la baisse de la fécondité en donnant la parole aux acteurs et aux sociologues.

 
 
 
Le taux de fécondité est sur une courbe descendante. Le phénomène est observé depuis des années. La tendance a suscité des interrogations. Pourquoi des couples sénégalais sont dans la limitation ou espacement des naissances ? Selon un gynécologue, sous le couvert de l’anonymat, plusieurs facteurs peuvent l’expliquer. Il convoque  certaines maladies. 
 
 
 
L’âge, l’autre facteur
 
Le praticien établit une corrélation entre la baisse de la fécondité et le  prolongement de l’âge du mariage. De plus en plus de Sénégalais se marient à un âge avancé car les garçons comme les filles mettent en avant leurs études, la réussite sociale d’abord avant le mariage. On ne veut pas être dans un couple sous assistance. Surtout que le filet social ne tient plus comme auparavant. Avant de boucler ses études et de s’insérer dans le monde socio-professionnel, on prend de l’âge.
 
 
 
 
 
 
 
Les contraceptions  
 
 
 
La baisse de la fécondité est révélatrice de la pénétration de la contraception. Aujourd’hui, dans des villes et dans des villages, les barrières à l’espace des naissances pour ne pas parler de planification familiale ont sauté. De plus en plus de Sénégalaises ont utilisé diverses méthodes de contraception. Des femmes utilisent les méthodes contraceptives pour rendre les rapports  sexuels inféconds. La contraception réduit  les taux de grossesses non désirées. Les méthodes contraceptives limitent les risques d’avortement.
 
 
 
Les relations à distance   
 
 
 
 Il ressort aussi des analyses que beaucoup de conjoints sont séparés par l’espace. Ils ne vivent pas leur amour à distance.  L’époux et l’épouse ne vivent pas sous le même toit. Dans ce lot, on range les expatriés.
 
 
 
 Les raisons économiques et sociales
 
 
 
L’autre raison citée est purement économique. Plus on a d’enfants, plus la charge augmente pour les ménages. Leur scolarité, leur prise en charge médicale entre autres demandent une bonne assise financière. Ce sont autant d’éléments qui poussent des femmes à avoir deux enfants. Elles ne prennent plus le risque de mettre leur vie en danger en voulant donner naissance. A partir de 36 ans voire 40 ans, elles savent qu’elles peuvent développer des grossesses à risques. Elles se mettent précocement dans la ménopause.
 
 
 
Il y a des facteurs indépendants d’elles, la précocité de ma ménopause. Elle existe et touche plusieurs femmes.  Plusieurs raisons sont à l’ origine de cette baisse de fécondité mais il n’en demeure pas  moins que certains veulent une famille large. Le sociologue Ousmane Ba  partage le même avis que le gynécologue. Il a ajouté les problèmes  sociaux, d’habitation et la précarité de la vie. Le sociologue indexe la dégradation des conditions de vie, la cherté de la vie notamment à Dakar.
 
 
 
« Il y a plusieurs explications qu’il faudra prendre en considération. Il y a  d’abord,  la précarité de la vie. Nous vivons dans une société où pratiquement tout est cher, surtout à Dakar. Vouloir vivre à Dakar et agrandir sa famille, c’est un peu paradoxal.  Et c’est cela qui fait que quelques couples ne veulent pas avoir beaucoup d’enfants », explique le sociologue qui a mentionné dans ses analyses, l’utilisation du planning familial pour espacer les naissances.
 
 
 
Les couples intellectuels n’ont pas le temps pour la procréation
 
 
 
La configuration de nos habitations actuellement dans les grandes villes ne milite pas à la formation d’une famille large. Dans nos logements, il n’y a de l’espace que pour une famille nucléaire. « L’architecture de nos habitations nous impose une famille restreinte », avance le sociologue. Il a évoqué un aspect capital : le niveau d’études des conjoints et des conjointes. Les couples intellectuels sont absorbés par le travail. Ils n’ont pas le temps à la procréation. « Auparavant, nous avions des couples intellectuels qui ne faisaient pas beaucoup de calculs. Aujourd’hui, nous avons des couples intellectuels qui font beaucoup de calculs », a constaté le sociologue.
 
 
 
Quelles pourraient être les conséquences de cette  baisse du taux de fécondité  sur l’économie du Sénégal ?
 
 
 
L’économiste Amath Ndiaye a tenté de dresser une liste de conséquences. Il renseigne que le Sénégal comme tout pays en voie de développement qui se modernise est en train de faire sa transition démographique. Elle se caractérise par la baisse de la fécondité ou de la natalité, de la mortalité et l’augmentation de l’espérance de vie. La modernisation économique ainsi que  la scolarisation et l’activité  professionnelle des femmes  sont des facteurs qui sont à l’origine de la baisse de la fécondité. 
 
 
 
Selon Amath Ndiaye, l’augmentation de la population est souhaitée pour élargir la base démographique de l’économie. Cependant, une croissance démographique supérieure à celle de l’économie est un facteur de pauvreté.
 
 
 
Au demeurant, les femmes de cette nouvelle génération ont moins d’enfants que leurs aînées. Dans la capitale sénégalaise, les grandes familles disparaissent peu à peu. La conjoncture économique, l’état dans lequel les maisons sont construites et le taux élevé des femmes instruites ont contribué à l’effondrement de la fécondité au fil des décennies.  Les femmes actives souhaitent avoir moins d’enfant pour pouvoir allier le ménage et le travail. C’est le cas de Y. Guèye, âgée de 36 ans, qui est en bon état de santé. Elle a décidé de limiter la naissance des ses enfants à deux. Elle a justifié son choix.
 
‘’ J’ai deux filles et j’ai décidé de m’ arrêter là . C’était beaucoup compliqué. J’étais maladive durant mes grossesses. Il y avait aussi des absences au bureau. Vu que je me suis engagée à travailler dans une entreprise ou j’ai un contrat CDI, j’ai décidé de stopper la procréation avec le consentement de mon mari bien sûr. Cette option me permet de travailler convenablement et d’avoir du temps pour bien s’occuper de mon ménage. Imagine je suis restée trois ans sans pouvoir travailler parce que  il n’y avait pas d’espacement entre mes deux filles et je n’avais personne pour m’aider’’, livre-t-elle.
 
Avec ses deux filles, elle dit avoir réalisé son rêve et ne se plaint pas. Elle aimerait bien avoir un garçon. Mais elle se soumet au Tout-Puissant qui lui a donné deux filles.
 
 » Je voulais avoir au moins un garçon. Mais Dieu merci, je ne me plains pas avec mes deux adorables filles », dit-il.
 
Pour trouver un médecin qui accepte d’accorder cette faveur, Y. Guèye a fait un véritable parcours de combattant. Sa recherche s’est soldée par un échec au Sénégal. Finalement c’est aux Etats-Unis où se trouve son mari qu’elle a pu trouver un médecin en payant une forte somme.
 
‘’’ C’était un véritable parcours du combattant pour nous de trouver un médecin qui accepte de poser cet acte médical. Les trois médecins qu’on a consultés, à Dakar, ont tous refusé arguant qu’ils ne peuvent faire cet acte qu’en cas de maladie ou de complications  alors que moi, je me porte bien. Seulement, j’étais épuisée et je voulais mettre un terme. Finalement, c’est aux Etats-Unis qu’on a trouvé un médecin qui a accepté d’exécuter notre demande. Mais on a payé très cher pour le faire ‘’, se confie-t-elle.
 
Elle conseille aux femmes qui n’ont pas de moyens de limiter leurs naissances pour leur bien-être. Pour lui, la société doit davantage écouter ces mères de famille.
 
‘’ Les femmes qui désirent limiter les naissances ont diverses explications à donner. Il faut les écouter et les aider parce que ça ne sert a rien d’enfanter 11 à 12 enfants si on sait que la prise en charge pose problème. La conjoncture est là et beaucoup de femmes y font face. Donnez leur l’opportunité d’arrêter les naissances quand elles le souhaitent’’, lance-t-elle.
 
Si Y.Guèye a dépensé une importante somme d’argent pour arrêter de donner naissance. Agée de 47 ans, elle a un seul enfant de sexe masculin. Depuis, elle ne parvient pas à donner naissance. Les grossesses compliquées n’encouragent pas les dames à une procréation sans limite.
 
‘’J’ai un enfant. C’est un garçon et il  a 20 ans. C’est mon fils unique. Je l’ai eu dans des conditions très difficiles. Mon mari ne faisait pas d’efforts. Il ne me soutenait pas. Je me sentais seule pour la prise en charge de mon enfant et malgré les conditions difficiles, mon mari ne rate pas le lit. Heureusement, que je travaillais pour prendre soin de mon enfant’’,  confesse la dame avec amertume. Le ménage vit dans un appartement de deux chambres et c’est la femme qui paie parfois le loyer. Les conditions n’étaient pas réunies. C’est dans ce contexte qu’une de ses amies lui a proposé de faire une planification familiale.
 
« Une collègue m’a conseillée de faire la planification familiale pour limiter les naissances. Ce que j’ai accepté et depuis je n’arrive pas à enfanter. Mais je ne me plains pas. C’est moins de charge’’.

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