Le vainqueur de la présidentielle s’est montré rassurant lundi soir en affirmant que son pays resterait « l’allié sûr et fiable » de tous les partenaires étrangers, à la condition néanmoins que ceux-ci s’engagent « dans une coopération vertueuse, respectueuse et mutuellement productive ».
A Paris, cette première prise de parole est jugée encourageante alors qu’Emmanuel Macron ne cesse de répéter qu’il souhaite refonder la relation de la France avec ses partenaires d’Afrique, en promettant d’être à l’écoute de leurs souhaits et de leurs besoins.
Lundi soir, le président français a adressé tous ses voeux de réussite au nouveau chef d’Etat et s’est réjoui de travailler avec lui.
« Cela fait plusieurs années que le président Macron parle de rééquilibrer la relation de la France avec les pays d’Afrique mais la bonne formule n’a pas encore été trouvée », constate néanmoins Sidy Cissokho, chercheur au CNRS.
« Jusqu’à présent, la France n’a pas été la hauteur des enjeux », estime-t-il.
Au Sénégal, l’ancienne puissance coloniale n’a d’ailleurs pas échappé ces dernières années aux critiques parfois acerbes, y compris de la part du principal opposant Ousmane Sonko, celui-là même qui avait désigné Bassirou Diomaye Faye comme suppléant.
Signe de la volonté de prendre ses distances avec la France, en 2022, des artères de Ziguinchor, ville du sud du pays, portant des noms de personnalités françaises, dont une célèbre « rue du général De Gaulle », ont été rebaptisées en mémoire des « tirailleurs africains » et d’autres célébrités locales.
« Nous n’avons rien contre la France ou contre une quelconque puissance étrangère », assure aujourd’hui Alioune Sall, député des Sénégalais de l’étranger, membre du Pastef, le parti de Sonko, qui a été dissous en juillet 2023.
« Par contre, on a toujours dit et répété qu’en se réclamant d’un parti souverainiste, on défendait d’abord les intérêts sénégalais », a-t-il ajouté, en rappelant que les jeunes sont massivement touchés par le chômage, que l’analphabétisme est très répandu et que la pauvreté frappe au moins un Sénégalais sur trois.
Quid de la base militaire?
L’une des priorités du nouveau président et son futur gouvernement sera ainsi de renégocier les contrats des mines et des hydrocarbures, dont le début de l’exploitation est prévue cette année, afin que les richesses soient redistribuées de manière plus équitable.
Rééquilibrer ne signifie pas pour autant rompre, insiste-t-il. « Quand bien même il y aurait une volonté de rompre les relations avec la France, ce serait tout bonnement impossible », opine-t-il.
La France est le premier investisseur au Sénégal et son premier partenaire commercial.
Les deux pays partagent surtout une langue commune et « un lien séculaire », ajoute Alioune Sall.
L’universitaire Sidy Cissokho note en outre que les cadres du Pastef sont « des personnes +internationalisées+, dont une partie de leur famille peut parfois se trouver en France, certains ont fait leurs études en France ».
Pour autant, le chercheur n’exclut pas « des actes symboliques qui servent à illustrer la rupture car ils ont fait campagne sur ce thème-là et ils doivent montrer à leur électorat qu’ils sont dans cette posture ».
Les yeux sont en particulier rivés sur le devenir de la base militaire française de Dakar et la décision de sortir ou non du Franc CFA.
A Paris, on assure que toutes les propositions et initiatives seront étudiées. Toutes les options sont sur la table, y compris la fermeture de la base, actuellement occupée par 350 militaires qui assurent la formation des soldats des pays de la région.
S’agissant du Franc CFA, la France semble plus que jamais ouverte à une grande réforme.
Dans un entretien au Monde publiée le 20 mars, soit quelques jours avant l’élection, Bassirou Diomaye Faye avait évoqué non pas une réforme mais une sortie du Franc CFA en utilisant le cadre de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) ou l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).