Le coup d’Etat du 26 juillet 2023 au Niger, qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum et a mis au pouvoir un régime militaire, a été le point de départ d’une crise régionale entre Niamey et ses voisins membres de la Communauté des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
La Cedeao a décidé de sanctions diplomatiques et économiques contre les nouvelles autorités nigériennes et le Bénin s’est d’emblée positionné comme partisan d’une ligne dure, notamment du fait des liens de proximité entre le président nigérien déchu et le président béninois, Patrice Talon, qui s’est « investi dans la crise nigérienne avec beaucoup de zèle », estime le politologue béninois Emmanuel Koukoubou, du groupe de réflexion Civic Academy for Africa’s Future.
En février, la Cedeao a décidé la levée des sanctions, amorçant la voie d’une normalisation des échanges avec le nouveau régime de Niamey.
Cependant, le régime nigérien refuse de rouvrir sa frontière avec le Bénin, comme il l’a fait avec ses autres voisins, car il l’accuse d’abriter des « bases militaires françaises » dans le but de « déstabiliser » le Niger.
Le Bénin comme la France ont toujours réfuté ses accusations.
En rétorsion, le Bénin a suspendu son autorisation de charger le pétrole nigérien dans son port de Sèmè-Kpodji, contrairement à l’accord signé en 2019 entre les deux Etats et Wapco, la société chinoise qui gère l’oléoduc géant qui relie les champs pétroliers d’Agadem, dans le nord-est nigérien, au port béninois.
La crise a connu un pic mi-juin lorsque la justice béninoise a condamné trois Nigériens à 18 mois de prison avec sursis pour leur présence au port béninois de Sèmè-Kpodji, alors que Niamey affirme qu’il s’agissait d’employés de Wapco au Niger et donc que leur présence était légitime.
Au niveau économique, les conséquences de cette brouille se font durement sentir.
Les populations frontalières ne peuvent plus ni commercer librement ni se fournir en certaines denrées, notamment en céréales.
« Vouloir séparer ces peuples par une crise sociale et économique inutile est très dommageable pour les deux pays » alors « qu’aucun des deux pays ne peut se passer de l’autre », estime Ali Idrissa, secrétaire exécutif du Rotab, un collectif d’ONG nigériennes.
Le port de Cotonou, qui constituait la principale voie d’importation et d’exportation pour le Niger enclavé, tourne au ralenti: les acteurs économiques en pâtissent tout comme l’Etat béninois qui a vu chuter la perception des droits de douane.
Niamey, qui doit trouver d’autres débouchés pour s’approvisionner, se tourne vers Lomé, mais la route est plus longue et plus risquée puisque les marchandises doivent passer par le Burkina Faso avant d’arriver au Togo, ce qui pose problème pour leur conservation.
« L’enjeu essentiel aujourd’hui est de déterminer qui va perdre la face », analyse Emmanuel Koukoubou, pour qui « nous sommes dans une situation où les deux parties ont rompu la discussion et n’ont pas envie de poursuivre les échanges ».
La solution semble passer par l’intermédiaire d’un médiateur.
La société chinoise Wapco qui gère l’oléoduc géant a bien tenté de rétablir le dialogue entre les deux parties, mais ses tentatives sont restées infructueuses.
Deux anciens présidents béninois, Thomas Boni Yayi et Nicéphore Soglo, ont rencontré le chef du régime militaire au Niger, le général Tiani, fin juin à Niamey.
Ils ont acté la mise en place d’une « commission tripartite en vue d’un retour à la normale des rapports », selon un communiqué publié par les autorités nigériennes.
Cette commission sera composée de représentants des gouvernements des deux pays ainsi que des deux anciens chefs de l’Etat béninois.
La Cedeao mettra cette crise bilatérale « à son agenda » lors de la réunion des chefs d’Etats de l’organisation régionale prévue le 7 juillet à Abuja, au Nigeria, selon une source diplomatique régionale.