Les partisans de l’ex-président Jair Bolsonaro ont tenté sans succès de déstabiliser le pouvoir, dimanche à Brasilia. Hervé Théry, professeur à l’université de Sao Paulo, a fait le point pour La Dépêche sur les conséquences de ce violent coup d’Etat raté.
Le Brésil a été confronté à une tentative de coup d’Etat de la part de militants pro-Bolsonaro dimanche 8 janvier. Hervé Théry, géographe spécialiste du Brésil et professeur à l’université de Sao Paulo, a répondu aux interrogations de La Dépêche sur un évènement rappelant l’assaut du Capitole aux Etats-Unis, perpétré par des parisans de Trump le 6 janvier 2021.
La Dépêche du Midi : Est-ce qu’un tel coup de force de la part des pro-Bolsonaro était prévisible ?
Cela faisait plusieurs jours que les bolsonaristes campaient devant les casernes pour supplier l’armée d’intervenir, il y avait donc un risque que ça dégénère. Mais l’insurrection intervient après la prise de pouvoir de Lula, je pense que la garde du gouvernement était baissée devant un coup de force tardif et qui apparaît comme une immense bêtise stratégique.
Lula a de son côté eut l’air surpris mais a sorti un décret tout préparé, assez long, de plusieurs dizaines de pages. Donc le gouvernement a probablement préparé quelque chose en amont, au cas où.
Les manifestants ont pu pénétrer très facilement dans les lieux visés… quelle a été la réaction de la police, qui a semblé attentiste ?
On parle ici de la police militaire du district fédéral de Brasilia, donc une gendarmerie locale. Son patron, le secrétaire de la sécurité publique du district fédéral de Brasilia Anderson Torres, est un bolsonariste qui a été suspendu. La réaction de cette gendarmerie a été rapide, ils ont tout simplement battu en retraite.
Une centaine de bus de manifestants est également arrivée dans la capitale, la police les a laissé passer, voire a escorté certains bus, on peut donc parler d’une certaine connivence. Il faut aussi noter qu’Anderson Torres était hier en vacances à Orlando, où se trouve Bolsonaro, au moment de l’insurrection, selon des médias brésiliens.
L’armée est-elle intervenue de son côté ?
Le nouveau ministre de la défense a réagi très vite et a cherché à savoir quelles unités pourraient intervenir : 2 500 soldats stationnés dans la capitale auraient pu être engagés, mais ne sont pas intervenus. L’institution militaire a donc strictement suivi la loi, alors que les manifestants demandent son intervention depuis la défaite de Bolsonaro.
On a l’impression que le mouvement était organisé avec l’invasion de trois lieux de pouvoir, mais également en pleine improvisation, puisque Lula ainsi que les députés étaient absents. Qu’en est-il ?
Il y a un côté très “pieds nickelés”, avec des manifestants peu préparés. Les bolsonaristes ont essayé de reproduire l’insurrection du Capitole aux Etats-Unis. Mais l’insurrection du 6 janvier intervenait avant la prise de fonction de Biden, et visait à prendre en otage des députés.
Bolsonaro lui-même copie Trump de A à Z, il a aussi dénoncé des fraudes, contesté le résultat… Il s’est comporté comme une copie minable de l’ex-président américain. On peut citer Marx qui reprend une phrase d’Hegel : l’histoire se répète deux fois, la première fois comme une grande tragédie, la seconde fois comme une farce.
Cette tentative de coup d’Etat va-t-elle mettre fin au bolsonarisme ou le Brésil restera-t-il divisé ?
Je pense que Lula va en sortir renforcé. Les pro-Bolsonaro les plus fanatiques vont continuer à résister, mais les autres prennent leur distance. Bolsonaro a déjà changé deux fois de parti pendant son mandat. Et son parti actuel, le parti libéral, le largue. On cite beaucoup l’expression “un enfant laid n’a pas de père” en ce moment : personne ne veut s’associer à un tel échec.