Du 27 au 31 mars 2022, les Forces Armées maliennes ont mené une opération militaire au village de Moura, dans la commune de Tougé-Mourari, cercle de Djenné, région de Mopti.
Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies a publié, le 12 mai 2023, les résultats d’une mission dite d’établissement des faits sur ces faits. Cette mission a été initiée par la Division des droits de l’homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). «La mission d’établissement des faits a conclu que plusieurs centaines des personnes auraient été tuées entre le 27 et le 31 mars au cours de l’opération militaire à Moura. La mission a également pu établir que parmi eux une trentaine de membres de la Katiba Macina auraient été tués au cours de la même opération. Au regard des informations collectées, vérifiées et corroborées par la mission d’établissement des faits, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’Homme a des motifs raisonnables de croire qu’au moins 500 personnes auraient été tuées en violation des normes standards, règles et/ou principes du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire entre le 27 et le 31 mars au cours de l’opération militaire à Moura», peut-on lire dans ledit rapport.
Dans un communiqué, le gouvernement malien a réagi à «ce rapport biaisé, reposant sur un récit fictif et ne répondant pas aux normes internationales établies». Pour Bamako, « il n’échappe à personne que l’intervention militaire des Forces Armées Maliennes (FAMa) a été salutaire et a apporté beaucoup de quiétude à la population, signe que la défaite infligée à la Katiba Macina et à ses sponsors étatiques étrangers a permis de les désorganiser durablement. Aucun ressortissant civil de Moura n’a perdu la vie pendant l’opération militaire. Parmi les morts, il n’y avait que des combattants terroristes et toutes les personnes interpellées ont été mises à la disposition de la Gendarmerie de Sévaré. Après enquête, les personnes interpellées ont été transférées au Service d’Investigations judiciaires de la Gendarmerie Nationale de Bamako, puis mises à la disposition de la justice.»
Le gouvernement s’insurge contre une manœuvre clandestine contre la sécurité nationale du Mali de la mission d’établissement des faits et «décide d’ouvrir immédiatement une enquête judiciaire contre la mission d’établissement des faits et ses complices pour espionnage, atteinte à la sûreté extérieure de l’Etat….»
Il est de notoriété publique que la question des droits de l’homme devient de plus en plus l’un des points de discorde entre les autorités maliennes et les Nations unies, notamment la Minusma. Ces allégations sur les événements de Moura fâchent énormément au sommet de l’Etat malien. Et suscitent de l’indignation au sein de la population, victime ça et là depuis de longues années, de massacres et de violences de toutes sortes de la part des groupes armés radicaux.
Au regard de ces divergences, pourquoi ne pas soumettre les événements de Moura à l’expertise et à l’honnêteté d’une commission d’enquête véritablement impartiale ? Et pourquoi pas la Commission nationale des droits de l’homme (Cndh) ? N’a-t-elle pas prouvé à maintes occasions son indépendance et sa crédibilité par ses déclarations de principe sur les droits de l’homme ? Cette institution semble la mieux indiquée pour conduire une telle enquête.
Par Chiaka Doumbia