Entre l’inflation et l’insécurité liée aux conflits armés, les Africains inquiètent, comme chaque année, des conditions dans lesquelles ils réveillonneront. À juste titre cette fois ?
En réalité, c’est plutôt de l’esprit de Pâques – celui de la résurrection – dont aurait besoin un continent meurtri par de persistantes zones de conflits armés : le Sahel frappé par le terrorisme, le Soudan qui tarde à se pacifier et même l’est d’une RDC qui aura du mal à faire passer le scrutin chaotique du 20 décembre pour un accomplissement démocratique.
Indécent pourrait aussi paraître l’enjaillement de Noël dans un Tigré oublié, un Cameroun négligé ou un Mozambique invisibilisé… Et si le terrorisme tue souvent indistinctement les croyants, quelle que soit leur confession, les chrétiens sont parfois des cibles faciles, comme au Nigeria où continuent des persécutions, après l’assassinat récent du bénédictin frère Godwin.
Inflation et pénuries
À ceux qui persistent à militer pour l’organisation de festivités, en guise de méthode Coué, l’argument économique sera encore brandi. « Encore », car le discours sempiternel de la vie chère – de la Tabaski à Noël, en passant par les périodes de baptême ou de funérailles – finit par susciter un mouvement sceptique des yeux vers le ciel. Le rapport d’étude sur l’impact financier des fêtes de fin d’année de l’appli de transfert d’argent WorldRemit démontre pourtant bien qu’en 2023, les familles du monde entier devraient dépenser jusqu’à 24 % de plus pour Noël. Le coût de la célébration de la Nativité devrait augmenter de 23,71 % au Nigeria et de 19,38 % au Zimbabwe.Une tendance qui doit plus à l’inflation conjoncturelle et aux pénuries parfois orchestrées qu’à la génération d’un pouvoir d’achat supplémentaire. L’évolution n’est pas un détail, si l’on considère, toujours selon cette même étude, que les ménages camerounais, par exemple, devraient dépenser pour Noël 83,67 % de leur revenu mensuel familial. Il y a du kamikaze en chaque réveillonneur.Comme chaque année dans une Afrique où les téléfilms occidentaux de saison inondent les bouquets télévisuels, les consommateurs se seront encore laissés tenter par tel ou tel marché de Noël. Les entreprises qui ne peuvent se permettre d’améliorer durablement le sort de leurs employés auront soigné leurs relations publiques par l’organisation d’arbres de Noël et les stars auront surfé sur la magie de l’instant dont l’ampleur calendaire semble s’élargir d’année en année. Qui se plaindrait du don de Noël de 100 millions de nairas (100 000 euros) du chanteur nigérian Wizkid aux enfants déshérités ? Jouez hautbois, résonnez afrobeats…