Un ex-ministre critique de la Françafrique pour représenter le chef de l’État en Afrique. Emmanuel Macron a nommé Jean-Marie Bockel « envoyé personnel » sur le continent africain au même moment où Paris prévoit de réduire fortement sa présence militaire sur place, selon une lettre consultée, mardi 6 février, par l’AFP.
Le président français a confié à l’ancien secrétaire d’État à la Coopération du président Nicolas Sarkozy (2007) le soin d' »expliquer » aux pays partenaires accueillant des bases françaises – Sénégal, Côte d’Ivoire, Gabon et Tchad – « les raisons et les modalités de ces adaptations » prochaines du dispositif diplomatico-militaire français, « tout en étant à l’écoute de leurs besoins » en matière de formation, de coopération et d’équipement, écrit-il dans cette lettre.
Jean-Marie Bockel devra rendre à l’Élysée ses recommandations en juillet.
Après une série de coups d’État au Mali (2020, 2021), au Burkina Faso (2022) puis au Niger (2023), les juntes militaires parvenues au pouvoir dans ces pays ont poussé dehors l’armée française, marquant la fin d’une ère, après une décennie d’intervention antijihadiste dans une région où la situation sécuritaire ne cesse de se dégrader.
Dans son discours de Ouagadougou en 2017, le président français avait évoqué un changement de cap pour la France en Afrique, avant d’annoncer en février 2023 une profonde transformation des rapports avec le continent, dans le but de mettre fin aux relations perçues localement comme asymétriques et paternalistes.
Les déconvenues au Sahel ont accéléré la réorganisation de la France qui compte réduire nettement ses effectifs militaires, sauf à Djibouti, au profit d’une présence plus discrète. Les contours de cette réorganisation ont été actés lors d’un conseil de défense en décembre 2023, ont indiqué des sources concordantes à l’AFP.
« L’objectif est de discuter au cas par cas, avec nos partenaires, en fonction de ce que l’on veut y faire et comment on veut le faire », décrypte une source proche du dossier. Selon elle, la stratégie de la France est de garder « des accès à des infrastructures, comme les ports, et d’avoir des points logistiques d’où il serait possible de se déployer en cas de demande de nos partenaires, en échange de formations ».
La France compte actuellement un millier de militaires au Tchad, qui accueille le commandement des Forces françaises au Sahel. Mais cette mission disparaît de fait avec le départ des troupes françaises du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Ne reste que la coopération bilatérale avec N’Djamena.
« Il est logique de redimensionner le Tchad en fonction de ce qu’on veut faire localement avec les Tchadiens », fait valoir une source proche du dossier.
« Il y a une question de timing : la France est sous pression dans la région, et dans un contexte de retrait et de désengagement français, le Tchad doit se préparer à toute éventualité, au scénario où la France déciderait de quitter le Tchad », estime Wolfram Lacher, chercheur à l’Institut allemand des affaires internationales et de sécurité.
Au Sénégal, un des pays jusqu’ici parmi les plus stables de la région, la présidentielle vient d’être repoussée au 15 décembre dans la plus grande confusion, ce qui rendra plus délicates les discussions avec la France qui y dispose de 350 militaires.
En Côte d’Ivoire, où la France compte 900 militaires, des élections sont prévues en 2025.
Enfin, au Gabon, où le président Ali Bongo Ondimba a été renversé le 30 août dernier, 400 militaires français délivrent déjà essentiellement des formations dans la sous-région.