Le chronogramme n’est pas encore connu depuis le report officiel du repère initial de février 2024 donné à la CEDEAO, mais, infailliblement, c’est l’élection par les urnes du futur président de la République qui mettra fin à la Transition malienne. Justement, si le débat ne fait pas encore rage à propos de la candidature du président de la Transition, Assimi Goïta, des bribes de murmures et d’actes isolés se font jour et des voix s’élèvent à compte-gouttes pour faire réagir le colonel. Quoiqu’il en soit, le dernier mot lui revient entre une alternative à trois branches : être candidat sur la base de sa popularité de l’heure et de la législation nationale (inédit au Mali) ; passer la main à l’issue d’une élection démocratique et revenir plus tard (modèle Amadou Toumani Touré) ; ou renoncer définitivement au pouvoir politique (comme le Général Sékouba Konaté en Guinée). Choix cornélien ?
Le président de la Transition, Assimi Goïta, sera-t-il candidat à la prochaine Présidentielle malienne ? La question n’est ni bête, ni inopportune d’autant plus que le débat sera, tôt ou tard, ouvert et mené. Mais, pour l’instant, l’intéressé semble avoir l’esprit ailleurs, notamment la double mission de recouvrement de l’intégrité du territoire national et de sécurisation de l’ensemble du pays, en plus d’autres domaines non moins prioritaires. Cependant, une Transition n’est pas faite pour gérer tous les problèmes de la nation et quelle que soit sa durée, elle ne le pourra pas et est donc appelée à finir, par des Elections.
Je suis candidat, j’innove !
Le président de la Transition, colonel Assimi Goïta peut choisir d’être le futur président de la République du Mali. Pour ce faire, il lui suffira de déclarer sa candidature ; une aspiration à laquelle ne se dresse aucun obstacle, ni légal (surtout), ni social (encore moins). Dans l’un ou l’autre cas, Assimi est autorisé à briguer la Magistrature suprême, s’il le veut bien, afin de consolider les acquis de “sa” Transition, de poursuivre les réformes engagées et de maintenir la flamme d’espoir allumée en ses compatriotes.
Primo, la Charte révisée de la Transition et la loi électorale, en vigueur, sont explicites sur la possibilité de sa candidature.
En effet, la Charte révisée de la Transition, promulguée par le Chef de l’Etat et publiée le 25 février 2022, contient plusieurs innovations dont celle relative à la candidature du Président de la transition à l’élection présidentielle et aux élections législatives. C’est son interprétation qui peut évanouir certains esprits. Décortiquons bien :
Selon l’article 9 nouveau de cette Charte, “le Président de la Transition n’est pas éligible aux élections présidentielles et législatives qui seront organisées pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision.”
En droit malien, c’est écrit que “la loi n’a point d’effet rétroactif, elle ne dispose que pour l’avenir.”
Alors, la Charte ayant été adoptée en 2022 alors que le colonel Assimi Goïta était déjà président de la Transition (il a été investi le 07 juin 2021), il est hors du champ d’application de cet article nouveau. C’est donc, le futur Président de la Transition (au cas où Assimi se présenterait ou en cas d’une autre interruption de la démocratie) qui est visé par l’article 9 nouveau.
Pour mieux comprendre encore, au cas où Assimi serait candidat à la prochaine élection présidentielle, c’est son successeur à la tête de la Transition qui sera concerné par l’application de l’article 9 nouveau sur la base de l’article 7 nouveau de la Charte révisée de la Transition. Cette disposition stipule : “En cas de vacance de la Présidence de la Transition pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement absolu ou définitif du Président de la Transition pour quelque cause que ce soit, constaté par la Cour constitutionnelle saisie par le Président du Conseil national de Transition et le Premier ministre, les fonctions du Président de la Transition sont exercées par le Président du Conseil national de Transition jusqu’à la fin de la Transition.”
Au cas où ce cas de figure se présenterait, c’est le Colonel Malick Diaw, Président du Conseil national de Transition (CNT), qui assumera les fonctions de Président de la Transition. Par conséquent, il ne pourra pas se présenter à la Présidentielle. Tel est l’esprit de la Charte révisée de la Transition.
En outre, selon la loi électorale, promulguée le 24 juin 2022, le Colonel Assimi Goïta peut démissionner pour se porter candidat à l’élection présidentielle. Dans son article 155 alinéa 2, elle dispose que : “Pour les élections pendant la Transition, les membres des Forces Armées ou de Sécurité qui désirent être candidats aux fonctions de Président de la République, doivent démissionner ou demander leur mise à la retraite au moins quatre (04) mois avant la date de l’élection présidentielle marquant la fin de la Transition.”
Secundo, l’aspect institutionnel étant dégagé, le président Assimi peut décider de se présenter sur la base de sa popularité depuis qu’il est à la tête de la Transition (7 juin 2021) mais aussi par crainte que les acquis et les chantiers ne soient dilapidés par son successeur. Alors, pourquoi ne pas se succéder à lui-même.
La popularité actuelle d’Assimi est née de l’un de ses acquis majeurs, à savoir la montée en puissance des Forces Armées maliennes caractérisée par l’acquisition de matériels militaires de pointe et en quantité innombrable et ponctuée, naturellement, par la récupération et la sécurisation de la quasi-totalité des parties du territoire national jadis occupées.
Assimi a réussi à imposer à la France et aux Nations-Unies le départ des Forces Barkhane et des forces onusiennes de la MINUSMA. S’en sont suivies la cession pacifique des emprises MINUSMA d’Ogossagou, Goundam, Ménaka, Aguelhok, Tessalit et Ansongo et la récupération aux forceps du camp de Ber.
Cerise sur le gâteau : la libération de Kidal à coups d’affrontements entre les FAMas et les groupes armés et leurs alliés. C’était le 14 novembre 2023, date devenue historique dans les annales de l’histoire politique du Mali. Cette victoire de l’Armée aux dépens de l’ennemi a suscité une vague de réactions positives des partis politiques et des associations, mouvements et organisations de la société civile du Mali, des pays amis et frères, mais aussi une déferlante humaine à travers le pays avec des caravanes, marches, meetings et toutes autres formes de manifestations populaires.
Le même jour en milieu de journée, le président de Transition a adressé, fièrement, un message au Peuple malien. En ces termes : “Mes chers compatriotes, en application de la résolution 2690 (2023) des Nations Unies, aujourd’hui 14/11/23, grâce à Allah, en raison du courage et de la détermination de nos FAMAs un raid a été mené depuis quelques jours en direction de Kidal et de lourdes pertes infligées aux GAT.
Aujourd’hui, nos forces armées et de sécurité se sont emparées de Kidal.
Notre mission n’est pas achevée. Je rappelle qu’elle consiste à recouvrer et à sécuriser l’intégrité du territoire, sans exclusive aucune, conformément aux résolutions du Conseil de Sécurité.
Encore une fois, je tiens à rendre hommage aux victimes civiles et militaires tombés au champ d’honneur et salut la résilience du peuple malien.
Je rappelle que cette opération ne poursuit aucun intérêt particulier autre que la sauvegarde de notre Mali Un et Indivisible et n’a pas d’autre but que la lutte contre le terrorisme et la sécurisation de notre pays.
C’est pourquoi son action est soutenue par l’ensemble du peuple malien. Dans les jours qui viennent nos FAMAS poursuivront leurs interventions et bénéficieront de toute la confiance de notre vaillant peuple
Enfin dans ces circonstances, la cohésion nationale est bénédiction supplémentaire pour nos FAMAS. ENSEMBLE NOUS FERONS LE MALIKOURA. Qu’Allah bénisse et protège les Maliens !”
En souvenir à cet acte héroïque qui remet Kidal dans le giron 100% malien, beaucoup de nos compatriotes voteraient pour Assimi s’il franchit le pas. Sans oublier les acquis dans la mise en œuvre des réformes institutionnelles comme de la Constitution du 22 juillet 2023, la Charte révisée de la Transition et la Loi électorale. S’ajoutent les chantiers de réformes en cours, à l’instar des projets de lois du Code pénal et du Code de procédure pénale.
Pour préserver ce bilan, tout en le consolidant, Assimi peut prendre la décision légitime de briguer la Magistrature suprême.
J’attends, je suis ATT !
Le deuxième choix qui se présente au colonel Assimi Goïta, c’est de ne pas s’aligner au starting-block à l’occasion de la prochaine élection présidentielle. En cela, il empruntera le chemin d’ATT, des initiales de l’ancien président du Mali (08 juin 2002-22 mars 2012), feu Amadou Toumani Touré. Retour sur ce modèle ATT qui devrait faire des émules au Mali. En commençant par Assimi ?
Amadou Toumani Touré, alors lieutenant, a renversé le régime du général Moussa Traoré le 26 mars 1991. Il gère une Transition de 12 mois (plus 2 mois supplémentaires), organise un double scrutin présidentiel transparent, libre et démocratique, et, le 08 juin 1992, passe le pouvoir à Alpha Oumar Konaré, élu président.
Après la Transition, ATT retourne dans les casernes, pour un repos bien mérité. Mais convaincu qu’il peut être utile à l’humanité, il prend son bâton de pèlerin pour se consacrer à la réalisation d’actions sociales et humanitaires en faveur des plus démunis. Aussi, des sollicitations pour bénéficier de son expertise en matière de médiation émanent de partout à travers l’Afrique. Ainsi, commence pour lui la vie d’un véritable pigeon voyageur.
Il entame ses œuvres par la lutte contre le ver de Guinée. Dès septembre 1992, Amadou Toumani Touré accepte, sur la demande du président Jimmy Carter, le parrainage du Programme d’éradication de la dracunculose au Mali, qui devient protocole d’accord relatif à l’éradication du ver de Guinée et à la lutte contre la cécité entre le gouvernement de la République du Mali et Global 2000 Inc.
En août 1993, il crée la Fondation pour l’Enfance, pour manifester sa reconnaissance à l’endroit des enfants, des jeunes (et des femmes aussi), qui l’ont constamment soutenu durant sa mission à la tête de l’Etat au cours de la Transition démocratique de 1991. Les actions de la Fondation portent sur l’amélioration des conditions de vie des enfants, en intervenant dans leur protection, leur éducation et leur insertion, mais elle se consacre tout aussi largement à la promotion d’actions d’ordre social, économique et culturel. Le but est d’œuvrer au développement économique et social des populations maliennes, en luttant contre la pauvreté et l’exclusion, surtout au profit des couches sociales en circonstances difficiles, à savoir les mères, les enfants et les jeunes. Aussi, faire reculer la famine, l’analphabétisme, la maladie et favoriser la culture de la démocratie, de la paix et de la solidarité au profit des plus déshérités.
Après la dracunculose, ATT s’est attaqué à la poliomyélite. En juillet 1996, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) le désigne membre du Comité international pour une Afrique libérée de la poliomyélite.
En 1998, il fonde l’hôpital Mère-Enfant “Le Luxembourg”. La même année, il est nommé président du Comité de lutte contre le trachome. Parallèlement aux œuvres de bienfaisance et à sa traque contre diverses maladies, Amadou Toumani Touré était régulièrement investi par les organismes internationaux de missions de médiation et d’observateur à travers l’Afrique.
En novembre 1995, le sommet des chefs d’Etat de la région des Grands lacs, réuni au Caire (Egypte), l’a choisi comme facilitateur dans le règlement du conflit dans cette zone.
En 1996, il dirige la mission d’observation de l’Organisation de l’unité africaine (OUA) lors des élections algériennes.
En 1999, ATT est nommé membre du Panel Groupe international d’éminentes personnalités pour enquêter sur le génocide de 1994 au Rwanda et ses conséquences.
En 2000, le général Amadou Toumani Touré est mandaté par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) en qualité d’Envoyé spécial du secrétaire général de l’OIF, Boutros Boutros-Ghali, auprès des chefs d’Etat membres de l’OIF, n’ayant pas encore adhéré à la convention d’Ottawa.
En juin 2001, ATT est mandaté en République centrafricaine en tant qu’Envoyé spécial du secrétaire général des Nations-Unies, Kofi Annan, pour la République centrafricaine.
Justement, c’est de retour de Centrafrique qu’Amadou Toumani Touré s’est lancé dans la politique pour briguer la Magistrature suprême.
Le 1er septembre 2001, il demande et obtient sa mise en retraite anticipée de l’armée pour se lancer dans la politique. Candidat indépendant, il déclare sa candidature le 10 mars 2002 à Sikasso et est élu président de la République le 24 mai 2002 (à l’issue du second tour) ; et réélu dès le premier tour le 29 avril 2007.
Certes, comparaison n’est pas raison, mais, Assimi peut faire comme ATT, des similitudes existant entre les deux personnages : tous militaires ; jeunes ; jouissant de la même popularité (donc d’une totale confiance) pendant la rupture constitutionnelle. Question : Assimi va-t-il attendre, pour mieux sauter ? Le temps nous le dira.
Je renonce, j’imite Général Sékouba Konaté !
Sékouba Konaté fait partie de la junte qui a pris le pouvoir en Guinée à l’occasion du coup d’État du 23 décembre 2008 contre la dépouille du général Lansana Conté. Il devient général de brigade et ministre de la Défense, numéro 2 du Conseil national pour la Démocratie et le Développement (CNDD), nom officiel de la junte militaire dirigée par le capitaine Moussa Dadis Camara.
Son personnage et la suite de son action politique peuvent servir d’indicateurs au colonel Assimi Goïta dans son troisième et dernier choix par rapport à la suite de sa carrière. Que s’est-il passé quand le général Sékouba a pris le pouvoir ? Il a tout simplement passé la main, pour ne plus revenir. Donc, pour de bon. Aujourd’hui, il vit paisiblement dans son village natal.
En effet, à la suite du massacre du 28 septembre 2009, Sékouba Konaté prend ses distances avec Dadis Camara.
Le 3 décembre 2009, alors que Sékouba Konaté est en voyage au Liban, Aboubacar Diakité, l’aide de camp de Dadis ouvre le feu sur celui-ci et le blesse grièvement. Le Chef de l’Etat est alors hospitalisé au Maroc et Sékouba Konaté devient l’homme fort du régime. Sékouba Konaté, devenu président de la transition, à la suite de la déclaration de Ouagadougou, organise l’élection présidentielle guinéenne de 2010, un scrutin très contesté qui a mis aux prises au second tour Cellou Dalein Diallo et Alpha Condé. Celui-ci passe. Sékouba Konaté incite les deux candidats à former un gouvernement d’union nationale.
Le Général indique en décembre 2010 que la Transition est terminée et que l’investiture d’Alpha Condé, premier président élu démocratiquement, marque le retour à l’ordre constitutionnel.
Il quitte alors la Guinée pour se rendre à Addis-Abeba (Éthiopie), où se trouve le siège de l’Union africaine. Il prend ainsi ses fonctions de Haut-représentant pour l’opérationnalisation de la Force africaine en attente et de responsable de la planification et de la gestion stratégiques des opérations de soutien à la paix de l’UA, auquel l’a nommé le 6 décembre Jean Ping.
Sékouba Konaté reste ainsi à Addis-Abeba jusqu’à 2014, puis séjourne successivement aux États-Unis et au Maroc avant de s’installer en France, restant à l’écart de la vie publique.
En décembre 2021, la junte militaire au pouvoir en Guinée depuis le coup d’État du 5 septembre 2021 autorise les anciens dirigeants en exil Moussa Dadis Camara et Sékouba Konaté à rentrer en Guinée.
Le 18 décembre 2021, Sékouba Konaté est de retour en Guinée où il vit dans son village natal, Sana. Une belle histoire de militaire qui a goûté aux délices du pouvoir avant d’y renoncer définitivement. Assimi va-t-il s’en inspirer ? Là aussi, c’est l’avenir le juge.
La Rédaction