Le changement était le mot d’ordre d’un peuple longtemps resté dans la routine, un peuple trahi par ses propres fils. Il s’agit évidemment du peuple malien. Il faut le dire, les maliens ont trop peu souffert dans leur histoire en quête pour le changement. Après le renversement puis l’assassinat du père de l’indépendance, le président Modibo Keïta, ses fils et filles tentent désespérément de se frayer un chemin. D’abord, ce fut un régime dictatorial du feu général Moussa Traoré qu’il a dû supporter sur une période de plus deux décennies avec ses corolaires de l’aristocratie et du favoritisme.
Ensuite, ce fut la gestion calamiteuse de l’Etat pendant deux autres décennies marquées par une démocratie de façade. L’ère démocratique n’a brillé que par l’impunité, l’oppression du pauvre, du chômage, la scarification de l’école, la cherté de la vie et la paralysie de l’Etat. Pendant que les uns sont en train de mourir à petit feu, d’autres par contre baignent dans l’opulence et l’excès de table.
Malgré tout, le brave peuple s’il en est un, a supporté pour ne pas dire subi. Mais l’envie du changement se faisait de plus en plus présente.
Ainsi vinrent les événements du 22 mars 2012 que le peuple a salué dans sa grande majorité, croyant que c’était enfin venu le changement tant attendu. Un évènement qui allait tout changer et permettre au pays de repartir sur de nouvelles bases. Mais hélas ! Il fut vite réveillé de son sommeil. Les vieux démons étaient toujours en œuvre. Les anciennes habitudes décriées ont refait surface et encore plus dangereuses pour la construction d’un monde meilleur.
Alors suivirent les élections présidentielles 2013. Bien que les conditions ne fussent pas réunies, le peuple malien toujours dans la quête inespérée du changement, sortit pour voter comme il ne l’a jamais fait auparavant. Le premier, puis le second tour, les urnes donnaient victoire au feu président Ibrahim Boubacar Keita alors président du RPM. C’est vers lui que tous les regards étaient désormais tournés comme porteur de ce changement qui hantait tous les esprits. Le peuple a cru, il a même trop cru. Pour lui, le changement était proche, le changement était là, le changement était IBK. Sous sa gouvernance, après un court envol, le pays est retombé très vite dans l’abîme. Le laxisme, la mauvaise gouvernance et l’immixtion de la famille présidentielle dans le cœur de la gouvernance ont fragilisé la pourvoir du vieux tisserand. Les conditions de vie sont restées inchangées, les rebelles ont continué à régner en maître absolu dans le septentrion du pays toujours au grand désespoir du peuple. Les multiples crises et grognes sociales ont eu finalement raison du régime IBK.
Enfin arrive le coup d’Etat contre le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020 par la junte dirigée par le colonel Assimi Goïta. Cette fois, il ne fait aucun doute, le changement tant attendu est enfin là, cria à nouveau le peuple.
Le colonel Assimi Goïta et son équipe bénéficient très vite d’un grand soutien populaire. Et chaque jour qui passe, vient grandir davantage cet amour entre les autorités de la transition et une grande partie de la population. Le slogan « Mali kura » a vu le jour. Les nouvelles autorités parviennent à chasser l’ambassadeur de la France, puis l’armée française et tissent un nouveau partenariat avec la Russie. Non, cette fois, le peuple ne s’est pas trompé. Le messie annoncé est bien là.
Mais depuis un moment, ce n’est plus le grand amour entre le peuple et les autorités de la transition. Et pour cause, le désespoir commence à s’emparer des cœurs. Pendant qu’il est demandé aux pauvres populations de serrer la ceinture, le train de vie des autorités de la transition à démotiver même les plus téméraires. Alors que le pays est en pleine crise, le budget 2023 de la présidence et celui du Conseil National de Transition (CNT) ont augmenté sans aucune raison valable. L’ajout de vingt-six (26) nouveaux membres du CNT est la goutte d’eau qui a débordé le vase. Beaucoup de Maliens ont jugé cet acte “inopportun ” qui ne fait qu’augmenter les dépenses de l’État à un moment de crise aiguë. Comment comprendre que des autorités qui, au début ont montré un air désintéressé de la chose publique, revirent aussi subitement la veste ? Les autorités doivent écouter davantage le gémissement du peuple afin d’y apporter des réponses.
La soif du changement que le peuple a toujours senti et l’idéal tant attendu se transforme peu à peu à un long rêve.
Amadingué SAGARA