C’est un texte que nous avions publié en juillet 2022 mais que le contexte actuel nous pousse à republier. Plus d’une année après, la situation économique de la population ne s’est guère améliorée et s’est même détériorée. Puisqu’en plus de l’augmentation du prix du carburant s’est greffée les coupures et délestages intempestifs d’électricité. Une situation qui impacte négativement le pouvoir d’achat de la population qui se plonge dans une profonde paupérisation sans que les autorités en arrive à juguler. Nous vous proposons le texte.
Au Mali, la flambée des prix du carburant, des transports en commun et des produits de première nécessité impacte négativement sur le pouvoir d’achat des ménages.
Le gouvernement malien de Transition fait le projet d’augmenter le prix du carburant dans les prochaines semaines même s’il n’a pour l’heure indiqué le montant qui sera ajouté au litre de carburant. Ce qui fait peur à une bonne partie de la population confrontée à une perte de son pouvoir d’achat. Surtout que c’est la 2e augmentation du prix du carburant en moins de quatre mois puisque les produits pétroliers ont connu une augmentation le 17 mars de l’ordre de 99 F CFA pour l’essence et près de 200 F CFA pour le gasoil.
Cette augmentation du prix du carburant a renchéri le coût des transports dans tout le pays. A titre d’exemple, le prix du transport interurbain entre Kita et Bamako est passé de 3000 à 4000 F CFA soit une augmentation de 1000 F CFA. Le prix du transport interurbain entre Bamako-Kayes a connu le même sort passant de 8000 à 11 000 F CFA, celui de Koro-Bamako a connu une augmentation de 3000 F CFA passant de 9000 à 12 000 F CFA. Le transport à Bamako n’échappe pas à cette situation avec des augmentations de l’ordre de 25 à 100 F CFA suivant les lignes.
La hausse du prix des transports a eu un effet domino sur les coûts des produits de première nécessité. Car ce n’est un secret pour personne que le transport détermine le prix des marchandises. Conséquence : les prix des produits comme l’huile, le sucre, le riz (le sac de riz parfumé est passé de 24 000 à 26 000, selon les boutiques à Bamako), et le lait sont repartis à la hausse. C’est dans ce contexte que le gouvernement de transition a annoncé le dimanche 17 juillet au soir l’augmentation (à nouveau) du prix du carburant.
Un phénomène mondial, soupire l’économiste Modibo Mao Macalou
L’invasion de l’Ukraine par la Russie en février continue de se répercuter sur la production pétrolière. Moscou qui produit 8 millions de barils par jour (8 % de la production mondiale) est sous sanction européenne et américaine entraînant un déficit dans la production pétrolière. La diminution de l’offre par rapport à la demande augmente le prix du baril sur le marché mondial qui passe à plus de 100 dollars.
“Le renchérissement des prix des produits de première nécessité est un phénomène mondial”, souligne l’économiste Modibo Mao Macalou ; lequel estime que la situation est tributaire du conflit en Ukraine. Cette crise est à l’origine d’une inflation partout à travers le monde. Déjà frappé par les conséquences des sanctions économiques de la Cédéao, le Mali qui n’a jamais connu une inflation de plus de 02 % depuis 1994 en est à 6,1 %. Un taux supérieur à la norme de 3 %, prévue par l’Uémoa.
Le gouvernement se livre à des incantations
La crise est certes mondiale mais le gouvernement de transition doit entreprendre des mesures en vue d’atténuer la souffrance des ménages. C’est le cas au Sénégal où l’Etat a lancé un plan de riposte de plus de 50 milliards de F CFA. Mais aussi en Côte d’Ivoire où l’Etat a maintenu le prix du carburant au grand bonheur des consommateurs ivoiriens à travers une subvention des produits pétroliers.
Une politique que peine à mener le gouvernement malien dirigé par Dr. Choguel K. Maïga qui se livre à des incantations et à un pilotage à vue puisque manquant d’initiatives et de visions. Son plan de riposte face aux conséquences des sanctions de la Cédéao, suspendu depuis, n’en était pas un. C’était une vaste fumisterie destinée à mettre de la poudre de perlimpinpin aux yeux des Maliens. L’argument selon lequel la crise est mondiale ne tient pas dans la mesure où des pays voisins du nôtre arrivent à atténuer la souffrance de leurs populations.
“Pour faire face à cette inflation, il faut considérablement diminuer les produits d’importations, penser à des alternatives qui utilisent moins les biens et services importés et enfin promouvoir des économies d’échelle internes”, analyse Ibrahim Nienta, Consultant senior chez Bercap Sahel. Un point de vue soutenu et partagé par Modibo Mao Macalou qui plaide dans l’immédiat pour la subvention des produits de grande consommation.
“Il faut donner l’exonération à tous les commerçants capables d’importer les produits et non à quelques individus qui vont créer une pénurie artificielle”, explique l’économiste soulignant que l’abondance des produits sur le marché va entraîner la diminution des prix.
Un taux de croissance de -3 %
Cette subvention ou exonération va certes diminuer les recettes de l’Etat mais permettra de juguler la crise et redonner du pouvoir d’achat à la population. “C’est plus simple à court terme pour l’Etat que d’accorder une augmentation des salaires aux fonctionnaires qui va être extrêmement compliquée”, explique-t-il. En une année, l’Etat a consenti 79 milliards de F CFA en augmentation de salaires pour les fonctionnaires.
Le fonctionnement de l’Etat, salaires y compris, représente 72 % des dépenses budgétaires. Ce qui est très énorme pour un pays comme le Mali où les fonctionnaires ne représentent même pas 1 % de la population. Afin d’éviter les revendications catégorielles, Modibo Mao Macalou invite le gouvernement à trouver un pacte de stabilité sociale avec les syndicats des travailleurs.
Sur le long terme, Modibo Mao Macalou préconise le développement de l’Agriculture qui permettra à notre pays d’atteindre l’autosuffisance alimentaire, gage du développement. Pour cette année 2022, le ministère de l’Economie et des Finances avait prévu un taux de croissance de 5,2 %. Selon les chiffres de la Banque mondiale, le Mali a déjà perdu 02 % à cause des six mois de sanctions économiques de la Cédéao. “Avec cette situation (décrite plus haut), la croissance économique du Mali ne pourra pas dépasser les 3%”, soutient l’économiste Modibo Mao Macalou
Abdrahamane SISSOKO