Au nombre de ces émotions, on note le rejet, l’abandon, l’injustice, la trahison et l’humiliation. Face à ces situations, certains pensent qu’il faut savoir lâcher prise ou se confier à quelqu’un qui sait écouter sans juger. D’autres préconisent le pardon, la tolérance afin d’éviter la rancœur et l’esprit de vengeance
On dit souvent que « c’est celui qui subit la douleur qui la ressent contrairement à celui qui la provoque». Aussi, lorsque vous avez mal et que vous faites comprendre à quelqu’un que son comportement vous affecte négativement, s’il ne change pas, cela devient très frustrant. Conclusion : L’intéressé ne changera pas s’il n’a pas conscience de ce qui doit changer.
La société humaine est telle que de nombreuses personnes ont des cadavres dans leurs placards. D’autres, par contre, ont des motifs de fierté. Par conséquent, ce qui est peu réjouissant a des effets négatifs sur notre mental et engendre des douleurs émotionnelles. Au nombre de ces émotions, on note le rejet, l’abandon, l’injustice, la trahison et l’humiliation.
Ainsi par exemple, un enfant abandonné ou séparé très tôt de sa mère peut développer des séquelles qui l’affectent tout au long de sa vie. De même que ceux qui ont été victime d’humiliation, de trahison, d’injustice, ou de rejet.
Le but de la présente enquête est de comprendre comment chacun vit ses émotions dans son quotidien et que faire pour s’en sortir ?
D.K est une jeune dame, commerçante, mère de cinq enfants témoigne : « C’est l’humiliation qui m’a le plus affectée. Il y a 15 ans, j’ai fait faillite. Du coup, ma situation familiale était devenue précaire avec un mari qui gagne très peu et des enfants. J’ai sollicité l’aide d’un membre de ma famille. Après plusieurs jours d’attente, j’ai pris mon courage à deux mains pour aller voir ce cousin qui m’avait demandé de patienter quelques jours.
J’ai été désagréablement surprise. Il avait laissé la consigne à son gardien pour ne pas me laisser entrer dans la maison. Quand j’ai insisté auprès de ce dernier, qui est retourné le voir, je l’ai entendu crier depuis le portail. Je ne reçois personne. Je ne donne rien, je ne suis pas une banque et que personne ne vienne me perturber. Ce jour-là, j’ai a eu la honte de ma vie ». Notre interlocutrice n’a pas attendu le retour du gardien, pour s’éclipser.
A.D, de son côté, souffre de propos injurieux proférés par sa demi-sœur lors d’une dispute qui a eu lieu dans son enfance. «Ces propos me sont restés au travers de la gorge, je ne pourrais jamais les digérer, car elle s’en est pris à ma mère. » Pour elle, sa demi-sœur a abusé de sa confiance et a réitéré des injures graves lorsqu’elle lui a demandé des comptes. «La haine que je ressens envers elle est plus forte que moi. », reconnait-elle. Plus de 30 après, la bonne dame rumine, car la plaie ne s’est pas renfermée.
Ladji, par contre, est un jeune homme à la fleur d’âge. Pour lui, il ne sert à rien de garder rancune contre son prochain et à force de ruminer, « tu te fais du mal à toi-même alors que celui qui t’a blessé continue paisiblement sa vie. Bien-sûr qu’il y a des choses qui me font mal, mais je m’en passe. Je trouve que ce n’est pas la peine d’être rancunier», estime t-il.
B.D, elle, se plaint d’un traitement injuste dans son foyer. Raison pour laquelle, elle a quitté le domicile conjugal au village pour se retrouver à Bamako comme servante. Elle explique l’abandon du foyer par l’injustice dont elle est victime de la part de son beau-frère concernant la gestion des problèmes familiaux. « à chaque fois qu’il y a un conflit dans ma belle-famille, je suis accusée d’en être la responsable.
En fait, il n’y a pas de problème entre mon mari et moi, mais il me juge sans me demander ma version des faits. Tout le monde le sait, mais personne n’en parle, à part sa mère qui lui suggère d’être impartial dans son jugement », déplore- t-elle. Lorsque la situation est devenue intenable, la bonne dame a préféré quitter en laissant ses enfants derrière elle. Néanmoins, elle regrette d’être partie ainsi, car à chaque coup de fil, son père, lui demande de revenir auprès de ses enfants.
RÉPERCUSSIONS NÉGATIVES- Il convient aussi de souligner que les blessures émotionnelles touchent de nombreuses personnes qui, malheureusement, ne sont ni conscientes de ce qu’elles vivent encore moins des répercussions négatives de ces blessures. « Quand on est touché moralement, cela nous affecte sur tous les plans. On est loin des autres, on s’isole, on ne peut plus être efficace au travail, et cela peut rendre notre vie de plus en plus malheureuse», explique le psychologue Abderrahmane Coulibaly selon lequel, il n’y a pas de temps défini pour guérir, mais tout dépend de la sensibilité, du ressenti de la douleur, et du vécu de la personne, étant donné que les gens n’ont pas la même résilience.
Par exemple, une personne victime d’abandon dans son enfance, n’agira de la même façon que celui ne l’a pas été, quand leurs conjoints prennent la décision de se séparer d’elles. Selon lui, lorsqu’une blessure morale nous est infligée, au début, on encaisse. Plus, ça se répète, plus on se plaint, on en parle, on crie ou on pleure. Ce sont là, les expressions de la douleur, souligne-t-il. On extériorise notre ressenti et quand la solution n’est pas trouvée, ces ressentis augmentent et affectent la personne. Alors, ce sont les troubles du sommeil, le manque d’appétit, plus de violence dans les regards, et dans les propos qui sont au menu. Ces choses nous arrivent très souvent alors que ceux qui nous font du mal, passent à autre chose ou n’en ont pas conscience.
D’où les cas de dépression. Par exemple, explique le spécialiste, si on entend, une personne dire « moi je ne dis plus rien, je m’occupe de ma vie, il peut faire tout ce qu’il veut, je m’en fiche, ce sont mes enfants qui m’intéressent. »
Là, c’est la douleur qui parle. Ce sont les phrases extériorisées par la victime qui se trouve dans un état de déni. Elle croit que la douleur n’existe plus, alors qu’elle est là et évolue, en sourdine. C’est en ce moment que l’on développe des maladies chroniques comme le diabète, l’hyper-tension ou l’ulcère, etc. Pour le médecin, les blessures émotionnelles sont souvent engendrées par la haine, qui devient comme des braises pour notre corps. à défaut de les laisser tomber, on finit par se brûler tout le corps, déplore- t-il.
SAVOIR LÂCHER PRISE ET PARDONNER-Pour A.D, face à ces situations, il faut savoir lâcher prise, ou se confier à la bonne personne, c’est-à-dire quelqu’un qui sait écouter sans juger, qui comprend, et qui vous réconforte. L’autre solution, c’est le pardon, la tolérance les uns envers les autres afin d’éviter la rancœur et l’esprit de vengeance. La rancune détruit. Raison pour laquelle, ceux qui ne pardonnent pas ont tendance à vite vieillir et vivent mal.
Le pardon est un élément essentiel dans la vie de l’être humain. Il est biblique et, fortement cité dans le Saint Coran. Selon les chrétiens, le pardon est divin, il établit la paix dans la communauté. Alexandre Dembélé, un responsable de l’église de Sirakoro indique que le pardon est défini dans la Bible comme est un pansement pour le cœur. Il aide à nettoyer, à laver et cicatriser les plaies émotionnelles. « Nous le devons pour notre bien-être. On ne pardonne pas pour faire plaisir à notre gourou, mais la paix intérieure n’a pas de prix », assure-t-il. En général, les malfaiteurs se moquent de notre état d’âme, de notre ressenti. Bien au contraire, certains se réjouissent même de savoir que ce qu’ils font, nous fait du mal, poursuit-il.
Pouvoir rendre coup pour coup, mais choisir de pardonner, c’est ce qui est recommandé en islam. «Allah a dit : quand tu es blessé ne répond pas par le mal parce que le feu n’éteint pas le feu. Repousse le mal par ce qui est meilleur. Ainsi, celui avec qui tu as une animosité devient un ami chaleureux. Ne voudriez-vous pas que le bon Dieu vous pardonne vos péchés ? Alors pardonnez à ceux qui vous ont offensé, Cela est bien meilleur pour vous le jour de la résurrection », soutient Karamoko Moustaph Coulibaly.