Depuis le retrait de la force française Barkhane, un dialogue de sourds s’est installé entre le Mali et la Minusma. Ce dernier persiste dans la provocation en pondant (au compte du secrétaire général de l’ONU) des rapports déséquilibrés qui sont naturellement récusés par le gouvernement. Etait-ce les prémices d’une rupture ?
Le Mali s’est à nouveau démarqué du nouveau rapport du Secrétaire général de l’ONU sur la situation du pays. Document dont le contenu a été débattu dans l’après-midi du vendredi dernier (27 janvier 2023) par le Conseil de sécurité de l’ONU. Dans son discours, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a attiré l’attention des membres du conseil sur des aspects curieusement occultés par le rapport de António Guterres.
«A première vue, nous constatons que les propositions contenues dans ce rapport ne prennent pas en compte les attentes légitimes du peuple qui sont avant tout d’ordre sécuritaire» a déploré Abdoulaye Diop, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, devant le Conseil de sécurité. Sur ce plan (sécuritaire), a déclaré M. Diop, «le gouvernement regrette que, une fois de plus, le rapport du Secrétaire général passe sous silence les efforts et les actions mené par les Forces de Défense et de Sécurité maliennes (FDSM) dans le cadre de la sécurisation du territoire et de la protection des populations».
Il a néanmoins reconnu «que des défis importants existent toujours par endroit». C’est pourquoi, a-t-il assuré, les FDSM sont «déterminées à poursuivre les actions offensives lancées en décembre 2021» afin de «prévenir et combattre les attaques indiscriminées et ou de représailles» des Groupes armés terroristes (GAT) contre les populations et leurs biens.
Face au Conseil de sécurité de l’ONU, le ministre Diop a rappelé que la réduction de 58 % des cas de violation des droits de l’Homme constaté par le Secrétaire général de l’ONU est «le fruit de non seulement des offensives engagée par les FDSM, dans le strict respect des droits de l’Homme et du droit international humanitaire, mais également de la présence accrue de l’Etat sur une bonne partie du territoire national».
«A aucun moment le gouvernement ou même son armée ne peut s’engager dans une lutte contre une partie de sa propre population», a déclaré le ministre Diop en balayant d’un revers de la main les exactions imputées aux Forces armées maliennes (FAMa) et à leurs partenaires dans la lutte contre le terrorisme. «Je pense que certains ont des agendas cachés et ont réussi ailleurs à opposer des communautés et à créer des guerres ethniques. Ils ont tenté cela au Mali et ça n’a pas marché», a dénoncé le chef de la diplomatie malienne. Et de poursuivre, «ce dont le Mali a besoin aujourd’hui, ce ne sont pas des messages de division, mais de ceux qui unissent. Et le Mali continuera ce travail dans le plein respect des droits de l’Homme».
Tout en s’opposant à «toute instrumentalisation ou politisation de la question», a-t-il promis, le gouvernement va continuer à «œuvrer inlassablement» à la «protection et à la promotion» des droits de l’Homme conformément aux engagements nationaux et internationaux du pays. A noter que, le 15 novembre dernier, le président de la Transition a promulgué les lois fixant les règles générales de «la réparation des préjudices causés par les violations graves des droits de l’Homme».
Ce débat au Conseil de sécurité a été marqué par l’intervention d’une «invitée surprise» au nom de la société civile malienne. Et le ministre Diop a naturellement exprimé sa «grande surprise» suite à cette intervention devant une si auguste assemblée d’une déléguée malienne dont, a-t-il déploré, «nous doutons de la représentativité et de la crédibilité». «L’intruse» s’appelle Aminata Cheick Dicko, présidente de l’organisation «Kisal», une organisation qui fait la promotion des droits de l’Homme dans les zones pastorales. Dans son intervention, elle a accusé nos Forces de défense et de sécurité (FDS) de viols, d’exactions contre une communauté… Le ministre Diop a dénoncé cette «instrumentalisation de la société civile pour des agendas cachés» qui «ne sert pas la paix».
Tout laisse croire que le torchon brûle entre l’ONU et le Mali qui n’entend pas se laisser marcher sur les pieds sur son propre territoire. Et selon plusieurs spécialistes, le fossé qui s’agrandit de jour en jour entre la Minusma et le Mali risque fort de sonner le glas d’une mission décriée.
Par sa résolution 2640 (2022) du 29 juin 2022, le Conseil de sécurité a prorogé jusqu’au 30 juin 2023 le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA). Elle a demandé au Secrétaire général de lui faire un rapport tous les trois mois sur la suite donnée à ladite résolution. Le présent document décrit les faits nouveaux survenus dans ce pays depuis la publication du précédent rapport (S/2022/731) le 3 octobre 2022. Les observations du gouvernement malien sur celui-ci ont été officiellement remises au Conseil de sécurité sous la forme d’un Mémorandum.
Kader Toé