En téléchargement depuis deux conseils des ministres, une mesure gouvernementale inédite est sur le point de brûler toutes les étapes et tous les préalables requis en matière de gestion des collectivités territoriales. Telle une épée de Damoclès, elle pèse sur la tête de nombreuses équipes communales dont les directoires vivent dans l’expectative tragique d’être balayées ou épargnées par une dissolution au profit de délégations spéciales. Selon l’annonce faite par le département en charge des collectives, lors du conseil des Ministres en date du 18 octobre, le redoutable coup de balai vise essentiellement les conseils communaux, régionaux ou de cercle qui ont le malheur d’avoir été épinglés par les missions de contrôle pour des dysfonctionnements ou irrégularités constatées dans leur gestion administrative, financière et comptable. Aucune autre indication édifiante sur l’identité des collectivités retenues et l’inquiétude le dispute par conséquent aux supputations et au fantasme, sauf pour le District de Bamako dont le l’équipe dirigeante a reçu une correspondance dans ces sens. Pour les autres, il semble que c’est la messe ouverte aux démarches pour être épargnés par une mesure d’autant plus arbitraire qu’elle n’aura obéi à aucun préalable et principe requis si elle était effective. D’abord parce que la responsabilité des irrégularités n’est souvent pas assez collective pour justifier une dissolution de l’ensemble des équipes dirigeantes, ensuite parce que les manquements retenus par les missions de contrôle risquent de donner la prépondérance à la présomption de culpabilité sur la présomption d’innocence. Ainsi, en dépit des assurances légales sur la conservation de leurs mandats respectifs jusqu’aux futures élections, des collectivités pourraient être maintenue ou abusivement supplantées au gré de l’intérêt qu’en ont les pouvoirs ou des gages d’adhésion à certains desseins politiques.
La mesure est d’une trivialité beaucoup plus criante par son extension aux collectivités émergentes en passe de subir une tentative de mainmise et d’accaparement à l’état embryonnaire. En effet, c’est dans le sillage du même conseil des Ministres que le ministre Maiga a manifesté son intention de doter de délégation spéciale les régions nouvellement créées, au détour notamment d’un besoin de leur opérationnalisation. À l’instar des collectivités accusées de rage pour les besoins de submersion par les délégations spéciales, la gestion des nouvelles régions ne manquera certainement pas de preneurs. Seulement voilà : leurs équipes par défaut seront installées sur fond d’une violation encore plus abrupte des dispositions légales qui régissent le fonctionnement des collectivités. Et pour cause, selon le Code des collectivités qui fixe les conditions de recours aux dites délégations spéciales, celles-ci n’interviennent que pour combler un vide consécutif à la dissolution d’une collectivité déjà opérationnelle, qu’il s’agisse d’un niveau régional ou communal. Toute autre gymnastique tiendrait d’un torpillage injustifiable à des desseins peu avouables.
A KEÏTA