Brillant haut cadre du Rassemblement Pour le Mali (RPM) de feu Ibrahim Boubacar Kéita alias IBK, Me Baber Gano, non moins plusieurs fois ministre d’IBK, et ex-député de Djenné, estime, dans une récente interview accordée à notre confrère L’Indépendant, que le président de la Transition doit rechercher un consensus politique pour aller aux élections les plus importantes: un référendum sur une révision constitutionnelle a minima, la présidentielle et les législatives. Et d’ajouter que « le PM a toujours renié et dénié l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger (APR), il n’est donc pas étonnant qu’il soit jugé indésirable à Ansongo et Bourem …».
“Au point de vue personnel, je n’ai pas de reproche ou de grief à porter à la Transition, parce que, jusqu’à présent, les programmes déclinés au début, en ce qui concerne les réformes majeures, sont engagés et en cours. Sur le plan de la sécurité, je pense que la Transition réalise des progrès énormes. Ce n’est pas contestable”, a-t-il analysé, d’entrée. Avant de se féliciter de l’option diplomatique concernant la souveraineté du pays. “On respecte désormais le Malien. La Transition a réussi à hisser le Mali à un certain niveau de respectabilité, que nous attendions d’un Etat”, a-t-il indiqué.
Progrès indéniable au plan sécuritaire
Par rapport à la situation sécuritaire du pays, Me Baber Gano souligne qu’elle n’est pas parfaite, mais enregistre beaucoup de progrès. “Il faut reconnaitre que la montée en puissance de l’Armée est une réalité et que, dans la mission de sécurisation des populations et des biens, l’Armée est en train de gagner du terrain et gagner beaucoup sur les jihadistes et terroristes. Beaucoup de camps et foyers ont été démantelés et beaucoup de chefs jihadistes et terroristes ont été mis en déroute et neutralisés”. Et d’ajouter que les populations, qui avaient été chassées de leurs localités, ont regagné leurs villages ou villes, et que les gens sont libres de leur mouvement…
“Je salue l’acquisition des matériels et des équipements militaires, qui ont fait monter l’Armée en puissance et l’ont rendue plus professionnelle. Ce qui se traduit aujourd’hui par le constat que l’Armée est plus proche de la population et veille à leur sécurité. Cela est indéniable. J’exhorte la Transition à continuer dans ce sens, pour que nous puissions recouvrer totalement tous les territoires tombés dans les mains des terroristes et jihadistes”, a-t-il plaidé.
Concernant la récente visite du Premier ministre à Gao, sans pouvoir se rendre à Ansongo et à Bourem, l’ancien ministre explique avoir écouté le Chef du Gouvernement, qui a expliqué cette fausse note par les conseils dissuasifs du Gouverneur de Gao. Mais il relève ne pas être convaincu par cet argument. “Moi, je ne crois pas en sa version….Je suis persuadé que le fait de n’avoir pas pu atteindre Ansongo et Bourem, c’est pour des raisons personnelles. Ce n’est pas lié à la version officielle, parce que je connais un peu la zone.
Je me suis convaincu davantage que cette version n’est certainement pas celle qu’il faut prendre en compte, parce que, dans sa délégation, le ministre de la Réconciliation nationale, le Colonel-Major Ismaël Wagué a pu tenir une réunion avec les mouvements armés, dans le cadre du dialogue en cours pour la reprise des sessions du Comité de suivi de l’Accord (CSA, NDLR). Laquelle réunion devait être présidée par le Premier ministre. Je connais aussi les cautions religieuses, coutumières et traditionnelles, qui garantissent la stabilité dans ces localités et qui sont généralement les facteurs d’équilibre accompagnant l’Etat.
Si la visite du Premier ministre n’a pas pu s’étendre à Ansongo et Bourem, je suis sûr et certain que c’est contre sa personne elle-même, parce qu’il n’a certainement pas reçu le soutien de ces cautions (autorités morales et religieuses). Deuxièmement, il a toujours été quelqu’un qui porte des discours très critiques, parce qu’il est l’un des rares leaders politiques à renier l’Accord d’Alger, un instrument juridique qui permet à ces zones d’amorcer le dialogue avec l’Etat et de garantir entre l’Etat et les mouvements signataires stabilité et interaction (…). Ces choses ne peuvent pas rester sans être punies.
Je suis sûr et certain que c’est le rejet de sa personne, qui est à la base de cette annulation et non des raisons sécuritaires. Ceci m’amène à revoir la légitimité d’un tel Premier ministre, parce qu’il est dans le souci de toute gouvernance de rendre l’Etat plus proche de sa population. Comment les populations peuvent ne pas accepter d’accueillir un Premier responsable de l’Administration, surtout qu’elles s’attendent à ce que ce haut responsable vienne prendre en charge leurs soucis de développement et de services sociaux de base ?
Tapis rouge et tous les honneurs à Assimi Goïta ou Malick Diaw
Si nous devons nous en tenir à sa thèse, ce n’est pas bon, parce que cela démoralise tous les Maliens. Elle peut saper un peu le moral de la population, qui va douter de la montée en puissance de l’Armée, alors qu’elle est réelle. Gao-Ansongo, c’est 100 km. Gao-Bourem, c’est 90 km. Il n’a pas seulement à prendre un hélicoptère, il peut même aller par la voie routière et la forte présence de l’Armée dans cette région peut lui assurer pleinement la sécurité. Ce serait quand même étonnant que lui, ressortissant de Gao, ne puisse pas être accueilli comme le digne fils, de retour dans sa ville natale, à moins qu’il y ait des litiges ou incidents non encore soldés entre lui et la population.
Si, aujourd’hui, Assimi Goïta décidait de se rendre à Gao ou Ansongo ou bien Malick Diaw, vous allez voir, ils vont leur dérouler le tapis rouge. Ils vont l’accueillir à bras ouverts et le conduire avec tous les honneurs dans toutes les zones”, a-t-il analysé.
Pour Me Baber Gano, de la nomination du Premier ministre à aujourd’hui, beaucoup d’eau a coulé sous le pont. “Le M5-RFP s’est désintégré. Le Comité stratégique n’est plus qu’une coquille vide et Choguel K. Maïga n’est pas légitime”. Et de conseiller au président de la Transition de “convoquer les forces vives de la Nation pour rendre la Transition plus inclusive, en réorientant le programme de la Transition avec un Gouvernement beaucoup plus inclusif et étoffé. Sinon, ce que je vois, le Premier ministre, avec les propos qui se tiennent, la Transition prendra beaucoup de coups, pas parce que le président de la Transition n’est pas légitime, mais parce que le Premier ministre n’a pas, aujourd’hui, la légitimité de réaliser le programme de la Transition”.
Au plan diplomatique et par rapport aux partenariats du Mali, l’orateur estime que l’on ne peut pas imposer à un pays souverain son partenariat. “Il est libre de nouer ses partenariats. A un certain moment donné, compte tenu de l’expression des besoins et de l’orientation diplomatique. Celle-ci doit être adaptée avec le choix des partenaires. Notre souveraineté nous donne cette liberté de choisir nos partenaires”, a-t-il relevé.
Abordant la question de l’agenda électoral plutôt engorgé, Me Baber Gano se veut réaliste, en tablant sur un réaménagement du chronogramme. “Si le chronogramme réaménagé peut se limiter seulement à organiser des élections crédibles pour faire élire un président, dont le choix ne fera l’objet d’aucune contestation, ce sera déjà un premier point de réussite. Deuxièmement, mettre en place une Assemblée nationale propre et légitime”, a-t-il souligné. Avant de poursuivre: “L’ordre constitutionnel ne peut pas être réalisé qu’avec l’ensemble des institutions, qui doivent aujourd’hui être renouvelées….A mon avis, il faut réaménager le chronogramme et l’alléger en se contentant de la révision constitutionnelle. La Commission de finalisation du projet de Constitution peut proposer deux scenarios : une nouvelle Constitution et une Constitution révisée. Si nous faisons une révision a minima, qui permet d’arriver aux élections, le mode d’élection n’est pas contestable. Si nous pouvons réaménager le chronogramme des réformes et des élections en optant pour une révision constitutionnelle, je pense que ce schéma peut être beaucoup plus apaisant”.
Il faut laisser les élections locales, communales et régionales au prochain pouvoir
Pour l’ancien ministre et Secrétaire général du RPM, il faut laisser les élections locales, communales et régionales au futur pouvoir démocratiquement élu. “Mais le référendum, on peut le tenir avec une révision constitutionnelle. Dès qu’on sort de la révision constitutionnelle, on s’attaque directement à la présidentielle et aux législatives. On peut gagner ces trois étapes dans la durée actuelle de la Transition”, a-t-il indiqué.
A en croire Me Baber Gano, il urge que les plus hautes autorités parviennent à trouver un consensus politique avec l’ensemble des forces vives du pays. Cela permettra de réviser la Constitution de 1992, dont nul n’ignore les insuffisances. Et d’ajouter qu’il faudra améliorer le cadre de gouvernance des institutions. “On a tous besoin d’institutions fortes, parce que, si la présidence de la République, le Parlement, le Gouvernent ne sont pas forts, on ne peut pas garantir la stabilité politique”, a-t-il souligné.
Abordant la crise au sein du parti RPM, Baber Gano dira qu’il n’y a pas lieu de faire la fine bouche. “Le parti a subi des épreuves très très dures, liées au coup d’Etat, qui a dissout notre régime. Cela n’a pas été sans conséquences sur la structuration du parti, qui traverse une période difficile. Nous sommes entre nous dans des conflits. Il y a des crises de confiance, de leadership et de toutes sortes. Nous sommes en train de nous concerter et de voir dans quelle mesure nous allons sortir de toutes ces crises et essayer de répondre à notre mission de conquête du pouvoir. Il faut rassembler tous les militants, parce qu’on ne peut pas être des responsables, si nous ne pensons qu’à nous-mêmes…Nous sommes un grand parti. Nous devons nous ressaisir. Nous allons être obligés de faire abstraction de nos ambitions et questions personnelles, pour faire face aux vœux de l’ensemble de nos militants.
Pour conclure, il dira que les autorités doivent se battre pour la reconstruction de l’unité nationale du pays. Celle-ci réside, a-t-il expliqué, dans les pactes existants entre les ethnies, les religions et les races. « Que ces pactes puissent être consolidés sur la base de la devise du Mali, à savoir « Un peuple Un but, une foi »,, qui est le meilleur exemple de l’unité nationale.